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Élections israéliennes : on prend les mêmes et on recommence

Quel que soit le nouveau gouvernement de coalition, Israël n’a produit rien de nouveau pour résoudre son plus grand problème
Le leader de Bleu Blanc Benny Gantz et son épouse saluent leurs partisans à Tel Aviv le 18 septembre (AFP)

Les élections israéliennes, les secondes en l’espace de cinq mois, ont abouti à une nouvelle impasse politique. Comme en avril dernier, les deux principaux partis politiques, le Likoud d’extrême-droite et le parti Bleu Blanc de centre-droit, ont fait match nul.

Comme en avril dernier, le faiseur de rois politique aujourd’hui reste Avigdor Lieberman, du parti Israel Beytenou. Lors des dernières élections, il a refusé d’offrir les sièges de son parti à une coalition dirigée par le Likoud dirigée par son ancien patron et aujourd’hui rival, Benyamin Netanyahou. C’est ce qui a conduit à ce nouveau scrutin.

Bien qu’il soit difficile de prédire ce que Lieberman fera, il continue de résister à un « gouvernement d’union » laïc composé du Likoud et de Bleu Blanc. Ses principaux objectifs sont de garder les partis orthodoxes hors de la coalition au pouvoir et d’adopter un projet de loi militaire pour contraindre les jeunes orthodoxes – actuellement exemptés – à rejoindre l’armée.

Le chemin vers une coalition

Ce projet rencontre l’opposition farouche des ultra-orthodoxes, qui soutiennent que l’étude de la Torah est la seule vocation appropriée pour les hommes. Ils considèrent le fait de rejoindre l’armée comme une grave profanation de leurs obligations divines. Par le passé, ils ont fermé les grandes autoroutes du pays pour protester contre cette loi et tenu des manifestations violentes.

Il y a une autre voie menant à une coalition de centre-droit dirigée par Bleu Blanc qui exclurait le Likoud. La Liste unifiée palestinienne a évoqué, pour la première fois dans l’histoire israélienne, la possibilité de rejoindre un tel gouvernement. Étant donné qu’elle représente le troisième plus grand parti de la Knesset, augmentant sa représentation à treize sièges grâce à ces élections, dans toute autre législature démocratique, elle serait une composante naturelle pour une telle coalition au pouvoir. 

C’est, bien sûr, l’une des tragédies majeures du discours politique israélien. Le système refuse de conférer l’égalité des droits à ses citoyens palestiniens

Cependant, Israël n’est pas une démocratie laïque. C’est plutôt une ethnocratie, dans laquelle les droits des citoyens palestiniens sont subordonnés à ceux des juifs. Aucune coalition israélienne au pouvoir n’a jamais inclus de partis palestiniens. 

C’est une perspective à laquelle Lieberman, qui est fanatiquement hostile aux Palestiniens, ne consentira jamais. En tant que tel, il est très peu probable que ces sièges soient mis au service d’une coalition centriste.

C’est, bien sûr, l’une des tragédies majeures du discours politique israélien. Le système refuse de conférer l’égalité des droits à ses citoyens palestiniens. Cela, à son tour, ne fait que confirmer que la conception d’Israël en tant qu’État juif s’oppose irrémédiablement à Israël en tant qu’État démocratique. Il est clair que beaucoup, sinon la plupart, des juifs israéliens sont prêts à abandonner la notion d’un Israël démocratique pour préserver la supériorité de leurs droits.

Logique creuse

Revenons-en à la grande coalition de Lieberman : ce serait un étrange amalgame de partis qui ont des opinions allant du centre-droit à l’extrême-droite. La plupart des partis de centre-gauche, tels que le Parti travailliste et l’Union démocratique, la boycotteraient ou seraient désignés comme trop à gauche pour être appelés en renfort. 

Ces deux grands blocs de partis de droite cohabiteraient dans un inconfort extrême. Ils font campagne les uns contre les autres depuis des mois, se lançant de viles calomnies racistes. 

La logique d’un tel gouvernement pour Lieberman sonne extrêmement creuse : « J’affirme à tous les citoyens que notre sécurité et notre économie sont dans une situation d’urgence. Par conséquent, l’État doit avoir un large gouvernement national, libéral, et non pas un gouvernement qui se bat pour survivre d’une semaine à l’autre et d’un vote de défiance à l’autre. » 

Le leader d’Israel Beytenou Avigdor Lieberman s’exprime à Jérusalem, le 17 septembre (AFP)
Le leader d’Israel Beytenou Avigdor Lieberman s’exprime à Jérusalem, le 17 septembre (AFP)

En réalité, ni la sécurité d’Israël ni son économie ne sont confrontées à une situation d’urgence, et un tel gouvernement n’apporterait pas une réponse bien différente aux problèmes de la nation que celle de l’actuel gouvernement d’extrême-droite dirigé par le Likoud. La principale différence sera que Lieberman aura joué un rôle déterminant dans la création de cette coalition au pouvoir, et gagnera une affectation ministérielle en tant que ministre des Affaires étrangères ou de la Défense. En d’autres termes, ce projet est une question de vanité qui renforcerait son propre pouvoir politique.

Le Likoud préférerait de loin rester au pouvoir plutôt que d’aller vers une troisième élection ou de ne pas faire partie du prochain gouvernement. Laisser tomber leur dirigeant de longue date ne sera pas un crève-cœur

Quel que soit le résultat, et à moins qu’il ne sorte une solution miraculeuse de son chapeau, la carrière de Netanyahou en tant que Premier ministre semble toucher à sa fin. Le prix à payer pour que Bleu Blanc entre dans une coalition avec le Likoud sera de le laisser tomber en tant que chef. Gantz a déclaré qu’il ne travaillera pas avec un partenaire de coalition confronté à de lourdes accusations de corruption.  

Bien que les politiciens israéliens soient plutôt connus pour faire des promesses de ce genre avant et les rompre devant la perspective d’obtenir le pouvoir, Gantz ne fera probablement pas de compromis sur ce point – et la loyauté du Likoud envers Netanyahou dans de telles circonstances sera extrêmement faible. Le parti préférerait de loin rester au pouvoir plutôt que d’aller vers une troisième élection ou de ne pas faire partie du prochain gouvernement. Laisser tomber leur dirigeant de longue date ne sera pas un crève-cœur.

Les Palestiniens perdent à nouveau

Netanyahou veut si désespérément conserver le pouvoir qu’il a élaboré un plan pour envahir Gaza. Une telle opération militaire aurait commodément entraîné le report de l’élection. Rien de tel qu’une bonne guerre pour rallier les électeurs au côté d’un politicien, mais le chef d’État-major de l’armée israélienne et le procureur général ont tous deux étouffé dans l’œuf ce stratagème.

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Quel que soit le vainqueur, les Palestiniens – à la fois les citoyens israéliens et ceux de la Palestine occupée – seront perdants. Ils sont, au mieux, une pensée après coup. 

Aucun parti au cours de cette élection n’a sérieusement réfléchi au conflit avec les Palestiniens ; celui-ci n’est tout simplement pas à l’ordre du jour de la politique israélienne.  

Depuis plus de quarante ans, l’extrême-droite israélienne au pouvoir a coopté le débat et formé un consensus national qui rejette une solution à un seul ou à deux États. Oui, les politiciens ont juré allégeance à la solution à deux États, mais ils ont ensuite refusé de signer un accord avec les Palestiniens qui leur offrait quand même des demi-mesures. Les Israéliens sont satisfaits du statu quo puisqu’il leur offre tous les avantages et aucun des coûts de maintien de l’occupation imposée à des millions de Palestiniens.

Peu importe qui gagne, quelle que soit la composition du nouveau gouvernement, cette élection est une tragédie. Elle n’a produit rien de nouveau pour résoudre le plus grand et le plus insoluble problème d’Israël. Cela signifie que les guerres perdureront, que la violence perdurera, que la haine perdurera – sans relâche.  

Comme je l’ai écrit dans mon analyse rétrospective de l’élection de 2015, les résultats consistent à prendre les mêmes et à recommencer, sans voir le mur droit devant.

- Richard Silverstein est l’auteur du blog « Tikum Olam » qui révèle les excès de la politique de sécurité nationale israélienne. Son travail a été publié dans Haaretz, le Forward, le Seattle Times et le Los Angeles Times. Il a contribué au recueil d’essais dédié à la guerre du Liban de 2006, A Time to speak out (Verso), et est l’auteur d’un autre essai dans la collection, Israel and Palestine: Alternate Perspectives on Statehood (Rowman & Littlefield). (Photo : Erika Schultz/Seattle Times.)

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Richard Silverstein writes the Tikun Olam blog, devoted to exposing the excesses of the Israeli national security state. His work has appeared in Haaretz, the Forward, the Seattle Times and the Los Angeles Times. He contributed to the essay collection devoted to the 2006 Lebanon war, A Time to Speak Out (Verso) and has another essay in the collection, Israel and Palestine: Alternate Perspectives on Statehood (Rowman & Littlefield) Photo of RS by: (Erika Schultz/Seattle Times)
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