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Et si le pays de Galles avait été offert aux juifs pour y établir leur patrie ?

Si nous partons du principe que les autorités britanniques voulaient en 1917 aider un peuple persécuté à trouver refuge, alors elles auraient sans nul doute pu offrir aux sionistes une patrie dans un territoire qu'elles contrôlaient à l'époque, n’est-ce pas ?

Le 2 novembre 1917, le ministre britannique des Affaires étrangères, Arthur Balfour, envoya une lettre à Lord Walter Rothschild, un éminent sioniste.

Dans ce document, connu sous le nom de Déclaration Balfour, le gouvernement britannique promit la Palestine aux sionistes – et le fit sans consulter les Palestiniens, les juifs britanniques ou la population britannique au sens large.

Alors que les Arabes palestiniens représentaient à l'époque 90 % des 700 000 habitants de ce territoire, ils ne furent bizarrement mentionnés dans la lettre que sous le terme de « communautés non juives existantes ». Le document disait également que « rien ne [devait] être fait qui puisse porter atteinte » à leurs « droits civils et religieux ».

La déclaration a eu un impact catastrophique sur les Palestiniens. Elle a au final conduit à la création d'Israël en 1948, processus au cours duquel les Palestiniens ont été chassés de leurs foyers, principalement par les actes de terrorisme perpétrés par les juifs.

Le moins que les Palestiniens puissent attendre du 100e anniversaire de la Déclaration Balfour de la part des Britanniques est l’expression de remords et des excuses. Mais le gouvernement de Theresa May a non seulement refusé de s'excuser au nom du Royaume-Uni, il a également souhaité « le marquer avec fierté », comme la Première ministre britannique l'a déclaré devant le lobby pro-israélien Conservative Friends of Israel en décembre 2016.

La Première ministre britannique Theresa May et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou posent pour des photos à l'extérieur du 10 Downing Street à Londres, le 6 février 2017 (Reuters)

La Grande-Bretagne n'avait pas le droit d'offrir la Palestine aux sionistes. L'affirmation selon laquelle les juifs ont un droit perpétuel d'y vivre est rejetée par les Palestiniens. Tous les musulmans ont-ils le droit de « retourner » en Arabie saoudite ? Et qu'en est-il du « droit au retour » des chrétiens en Palestine ? Israël est considéré comme une démocratie par ses partisans – mais beaucoup le voient comme un État colonial.

Et si Balfour avait offert le Pays de Galles aux sionistes ?

Si nous partons du principe que les autorités britanniques voulaient en 1917 aider un peuple persécuté à trouver refuge, alors elles auraient sans nul doute pu offrir aux sionistes une patrie dans un territoire qu'elles contrôlaient à l'époque, n’est-ce pas ?

« Charité bien ordonnée commence par soi-même », dit-on. Au moment de la déclaration, le Premier ministre britannique était David Lloyd George, un fier Gallois. Que ce serait-il passé si la Déclaration Balfour avait été rédigée comme suit : « Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine au pays de Galles d'un foyer national pour le peuple juif ? ».

Aujourd’hui, le pays de Galles couvre une superficie de 20 779 km2. Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza couvrent 20 770 km2.

En 1917, la population du pays de Galles était d'environ 2,5 millions de personnes, tandis que celle de la Palestine était d'environ 1 million (les juifs représentant moins de 10 % de ce chiffre).

Si Balfour avait offert le pays de Galles aux sionistes, on peut dire sans trop se compromettre que les Gallois auraient rejeté la déclaration. Les juifs, bien que déçus de ne pas avoir obtenu la Palestine, auraient alors bientôt commencé à émigrer pour coloniser la terre galloise.

Peut-on vraiment penser que les Gallois auraient accepté d'abandonner ne serait-ce qu’un centimètre de leur patrie aux sionistes ? Ou auraient-ils résisté, y compris par le biais de la lutte armée ?

Des tensions entre les deux groupes auraient alors probablement éclaté. Londres aurait tenté de maintenir la paix, mais aurait probablement échoué, en raison notamment de la lutte en cours en Irlande – que les Britanniques contrôlaient également – pour l'indépendance.

Les sionistes auraient mis en place des milices armées en vue de combattre les Gallois. De plus en plus de juifs seraient arrivés au pays de Galles au début des années 1940. Les Nations unies seraient alors intervenues, comme ce fut le cas avec la Palestine, et auraient offert un plan de partage donnant aux juifs 56 % des terres et laissant les autochtones gallois avec seulement 44 % de leur territoire.

Peut-on vraiment penser que les Gallois auraient accepté d'abandonner ne serait-ce qu’un centimètre de leur patrie aux sionistes ? Ou auraient-ils résisté, y compris par le biais de la lutte armée ?

Des Palestiniens lancent des chaussures à l'effigie d'Arthur Balfour lors d'une manifestation dans la ville de Bethléem en Cisjordanie (Reuters)

En 1948, les sionistes auraient déclaré leur indépendance et établi Israël en tant qu'État. Ils auraient commencé également le processus d'expansion de leur emprise sur le pays de Galles. Des villages gallois auraient été détruits. Quelque deux millions de réfugiés gallois se seraient enfuis en Angleterre, en Écosse et en Irlande. Certains seraient même allés jusqu’en France et en Espagne.

Lorsque les armes se seraient tues, Israël aurait étendu la zone de l'ancien pays de Galles sous son occupation à hauteur de 78 %, bien au-delà de celle du plan de partition. Les Nations unies auraient publié une résolution appelant Israël à permettre aux réfugiés de revenir – mais Israël aurait refusé.

Le monde aurait réclamé une solution à deux États dans laquelle Israël et le pays de Galles vivraient côte à côte, avec Cardiff comme capitale partagée. En 1967, Israël aurait attaqué les Irlandais et les Écossais qui tentaient d'aider la résistance galloise à regagner ses terres occupées. Au final, Israël aurait capturé l'ensemble du pays de Galles et déclaré Cardiff sa capitale éternelle et unie. Davantage de Gallois auraient été expulsés vers des pays voisins tels que l'Irlande.

Pour des raisons de « sécurité », Israël aurait commencé à construire des colonies de peuplement pour les juifs dans le pays de Galles occupé, près de centres de population comme Swansea. Cela aurait rendu de plus en plus difficile la réalisation d'une solution à deux États. Abandonnés par la communauté internationale et voyant leur terre s'éroder davantage, les Gallois auraient commencé en 1987 un « gwrthryfel Cymreig » (soulèvement gallois, ou intifada), qui aurait été réprimé par Israël jusqu’en 1991.

En 1993, des pourparlers secrets en Finlande entre Gallois et Israéliens auraient abouti aux accords d'Helsinki. L’Organisation de libération galloise (OLG) aurait reconnu Israël – mais Israël aurait seulement reconnu l’OLG comme « représentante exclusive du peuple gallois ».

Résistance de la bande de Gwent

Cependant, il n'y aurait pas eu de démarches authentiques pour la paix pouvant conduire à un État gallois viable à la date prévue de 1998. Au contraire, Israël aurait renforcé son entreprise coloniale et divisé les territoires gallois occupés – y compris une grande partie de l'ancien comté de Dyfed – en zones A, B et C.

La bande de Gwent aurait été particulièrement problématique et serait devenue un centre de résistance

Israël aurait connecté les colonies des territoires gallois occupés entre elles et à Israël. Il aurait soumis les Gallois à la loi militaire et aurait appliqué la loi civile israélienne aux colons juifs illégaux.

Ne voyant pas de fin à leur occupation, les Gallois auraient lancé un deuxième gwrthryfel en 2000. Cette fois, il aurait été plus violent. Les Gallois auraient été accusés d'être des terroristes.

Israël aurait construit un mur à l'intérieur des zones galloises occupées, y compris à Gwent, et multiplié le nombre de check-points afin de limiter la circulation des personnes, des animaux et des biens. Il se serait aussi emparé de la plupart des ressources en eau et les auraient vendues aux Gallois à des prix exagérément élevés.

La bande de Gwent aurait été particulièrement problématique et serait devenue un centre de résistance. Israël aurait décidé d’en retirer ses colons pour ensuite assiéger le territoire, un siège qui durerait encore de nos jours.

En Israël même, les citoyens gallois auraient été traités comme des citoyens de seconde zone, soumis à 60 lois discriminatoires. Ils auraient pu participer à la démocratie israélienne – mais ce serait en réalité une démocratie uniquement pour les juifs.

À Cardiff, Israël aurait manipulé la démographie de la population pour s'assurer une majorité juive permanente. Les Gallois auraient été frustrés par un système de planification urbain ne leur permettant pas de construire des logements dans la Cardiff occupée.

Par conséquent, certains auraient construit des maisons sans autorisation, et les autorités israéliennes les auraient démolies. L'État aurait révoqué leurs permis de « résidence » s'il estimait que Cardiff n’était pas leur « centre de la vie ».

Les Gallois n’auraient pas été autorisés à accéder à un aéroport ou à un port maritime. Pour voyager à l'étranger, ils auraient dû utiliser le passage frontalier avec l’Angleterre et ensuite prendre un avion depuis Bristol ou Birmingham.

La catastrophe galloise

Et au Moyen-Orient ? En dépit des souhaits des sionistes, la Palestine n’aurait jamais été promise aux juifs afin de devenir leur patrie. À la place, un État arabe palestinien indépendant aurait été créé à la fin du mandat britannique en 1947.

Sa capitale aurait été Jérusalem, où musulmans, juifs et chrétiens auraient vécu heureux jusqu'à nos jours. La ville aurait sa propre association de solidarité avec le peuple gallois, œuvrant à soutenir leurs droits légitimes.

Le 2 novembre 2017, dans ce futur alternatif, Londres célébrerait « avec fierté » le centenaire de la Déclaration Balfour galloise.

Mais la Première ministre britannique refuserait de présenter des excuses aux Gallois pour le rôle de la Grande-Bretagne dans leur dépossession et subséquente trychineb (« catastrophe » en gallois).

Les Gallois dans les territoires occupés auraient-ils également célébré l’événement ?

- Kamel Hawwash est un professeur britannico-palestinien d’ingénierie à l’université de Birmingham et un militant de longue date pour la justice, en particulier pour le peuple palestinien. Il est vice-président du British Palestinian Policy Council (BPPC) et membre du Comité exécutif de la Campagne de solidarité avec la Palestine (PSC). Hawwash apparaît régulièrement dans les médias comme commentateur sur les questions du Moyen-Orient. Il dirige le blog www.kamelhawwash.com. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @kamelhawwash. Il a rédigé cet article à titre personnel.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduction de l’anglais (original).

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