Le G7 n’assume pas la responsabilité de l’Occident dans les crises mondiales
Vendredi, les dirigeants du G7 se sont réunis du 11 au 13 juin au Royaume-Uni pour aborder les grands défis mondiaux. À en juger par le communiqué approuvé par le groupe des ministres des Affaires étrangères le 5 mai, on peut douter de leur capacité à les traiter efficacement, c’est le moins que l’on puisse dire. Ce document ne comporte aucune impulsion, aucune vision inspirante du monde.
Au contraire, il révèle une attitude réactionnaire nuisible, une obsession à défendre l’ordre mondial qui s’effondre et à rédiger des listes d’interdictions. En d’autres termes, il reflète cet exceptionnalisme obsolète, de plus en plus indéfendable et habituel, qui s’accompagne d’astuces enclines à l’anxiété apparentées davantage à la psychanalyse qu’à la politique internationale.
Même une des institutions de l’ordre mondial emmené par l’Occident, le Financial Times, admet à regret que « les quelques personnes qui prennent la peine de lire le communiqué n’y trouveront probablement pas de feuille de route claire », ajoutant que le G7 est « une tribune pour les riches démocraties qui se liguent contre la Chine ».
Une telle mission ne semble pas très inspirante et est certainement trop tardive. En approuvant un document qui englobe presque tout, le G7 n’a fait que souligner ses omissions impardonnables et notables.
Il affirme solennellement que cette rencontre survient « à une période cruciale pour nos peuples, notre planète, notre sécurité et notre prospérité future », notant que la « démocratie est soumise à des pressions partout dans le monde, la pandémie reste porteuse de graves difficultés sur la planète, les menaces liées aux nouvelles technologies se multiplient et les effets catastrophiques du changement climatique s’accroissent ».
Quatre traditionnels suspects
Bien sûr, pas un soupçon d’autocritique ne vient expliquer un résultat si dramatique, ni repentance ni responsabilité. Il est aisé de conclure de ce communiqué que les membres du G7 n’ont eu aucun rôle dans les politiques erronées des trente dernières années, qui ont significativement contribué à la situation actuelle.
Au contraire, tout observateur lambda pourrait conclure que les nombreuses menaces énumérées ne sont que le résultat d’activités pernicieuses des quatre traditionnels suspects : la Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord. Et ces derniers ne sont pas des saints. Toutefois si l’objectif du G7 était de leur rendre service en amplifiant leurs capacités et leurs moyens de pression, il est pleinement atteint.
La Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord ne sont pas des saints. Toutefois si l’objectif du G7 était de leur rendre service en amplifiant leurs capacités et leurs moyens de pression, il est pleinement atteint
D’après la vision étrange du G7, la démocratie est soumise à des pressions de la Chine et de la Russie, ce ne sont pas les grandes démocraties occidentales qui ont laissé tomber leurs peuples par des politiques injustes qui ont généré d’énormes disparités socio-économiques, alimentant un ressentiment généralisé, une polarisation politique et la xénophobie.
Apparemment, les décennies de politique néolibérale motivée par l’idéologie qui ont décimé les services de santé publique et les services sociaux n’ont joué aucun rôle dans le fait que les pays développés et riches se sont retrouvés pris au dépourvu face à la pandémie de COVID-19 et ses coûts sociaux et humains sans précédent.
Les seules menaces technologiques envisagées sont les capacités cyber des suspects habituels, l’oligopole technologique du big data que constituent les géants américains ne suscite aucune inquiétude.
En ce qui concerne les changements climatiques, la sensibilité occidentale plus que bienvenue s’est concrétisée uniquement lorsque le Sud a commencé sa propre industrialisation, devant désormais soumettre son développement aux règles d’un nouveau Green New Deal conçu par l’Occident – ou faire face aux conséquences néfastes.
Évidemment, le sommet du G7 a fait un sans-faute en s’engageant « à renforcer l’ouverture de nos sociétés, nos valeurs communes et l’ordre international fondé sur des règles de droit » et en soulignant « que le commerce libre et équitable ainsi que la liberté et la sécurité des flux de capitaux, de données, de connaissances, d’idées et de talents sont essentiels pour notre prospérité à long terme ».
C’est sûrement vrai, mais les mots et les actions des pays du G7 ne sont pas en phase. Aujourd’hui, alors que ses membres promettent de « reconstruire plus efficacement », beaucoup doutent légitimement de pouvoir leur faire confiance à nouveau.
Si le groupe est sérieux en s’engageant à promouvoir « le respect et la protection des droits de l’homme de chaque personne, quel que soit l’endroit où elle vit, quels que soient son identité, sa religion, son sexe ou sa race, et qu’elle soit ou non en situation de handicap », ne devrait-il pas demander des comptes à ses alliés et amis ? Deux pays viennent immédiatement à l’esprit : Israël et l’Arabie saoudite.
Dans cet énorme communiqué de 12 000 mots, aurait-ce été si compliqué d’ajouter quelques phrases de plus sur la situation dramatique au Liban et, en particulier, dans les territoires palestiniens occupés ?
Multilatéralisme unilatéral
Une mise en garde stricte et annonciatrice des sept pays qui prétendent mener l’ordre mondial d’après des règles sur la bombe à retardement de Sheikh Jarrah aurait pu contribuer à éviter la dernière vague de violence entre Israéliens et Palestiniens. « Reconstruire plus efficacement » devrait également signifier mettre un terme aux décennies d’aveuglement pour des motifs politiques.
La Russie est dédaigneusement jugée irresponsable et déstabilisatrice, sans analyse de ce qui a mal tourné après 1991 et sans allusion à des possibles torts partagés.
L’Ukraine et la Crimée sont définis comme des problèmes engendrés uniquement par la Russie, sans mentionner ce qui s’est réellement passé à l’hiver 2013-2014 ; il n’est donc pas surprenant que l’une des architectes de ces événements – la néo-conservatrice Victoria Nuland – soit revenue au département d’État américain à un poste avec bien plus d’influence.
Le calvaire du chef de l’opposition russe Alexeï Navalny et légitimement évoqué, et à juste titre, mais si ne serait-ce qu’une once du zèle avait été montrée dans le cas du fondateur de Wikileaks Julian Assange, le G7 serait bien plus en position de faire la leçon.
Quant à l’Iran, il est présenté en termes de non-prolifération nucléaire. Rien n’est fait pour tenter de replacer le problème dans une perspective plus large de sécurité régionale globale. Les membres du G7 préviennent Téhéran d’éviter toute nouvelle escalade, alors que les provocations et le sabotage d’autres acteurs sont ignorés.
La seule lueur d’espoir est la phrase énigmatique : « La reprise de la pleine mise en œuvre [de l’accord sur le nucléaire] pourrait également ouvrir la voie à des discussions sur les préoccupations régionales et de sécurité, y compris en appui au régime de non-prolifération. »
Est-ce que le G7 laisse entendre qu’après un retour à l’accord sur le nucléaire, ses membres seraient d’accord pour s’occuper du vrai tabou : le programme nucléaire militaire israélien ? C’est peu probable.
À l’égard de la Chine, le G7 fait preuve de davantage de respect, encourageant Beijing à « assumer et de respecter ses obligations et ses responsabilités en se montrant à la hauteur du rôle économique qui est le sien à l’échelle internationale ».
« Reconstruire plus efficacement » devrait également signifier mettre un terme aux décennies d’aveuglement pour des motifs politiques
Pourtant, la Chine n’échappe pas aux sermons habituels en ce qui concerne le Xinjiang, le Tibet, Hong Kong, le commerce libre équitable, la cybersécurité et la propriété intellectuelle.
En ce qui concerne la plus grande catastrophe humanitaire qui se déroule sous ses yeux au Yémen, sans surprise, le G7 accuse les Houthis d’« attaques […] transfrontalières contre le Royaume d’Arabie saoudite ; la poursuite de l’offensive […] contre Marib », tout en gardant un silence assourdissant sur le siège économique et les raids aériens aveugles menés par la coalition dirigée par les Saoudiens contre la population yéménite.
Le G7 semble conscient que nous sommes « dans un contexte exceptionnel particulièrement mouvant » et il reste déterminé à s’engager « à travailler de concert, avec les pays partenaires et au sein du système multilatéral, pour bâtir un avenir plus propre, plus libre, plus juste et plus sûr pour notre planète ». Mais on a l’impression que les pays du G7 considèrent le multilatéralisme comme unilatéral et sélectif dans leurs propres intérêts.
Espérons que les dirigeants du G7, qui doivent se réunir vendredi, verront plus loin et seront plus humbles que leurs ministres des Affaires étrangères.
- Marco Carnelos est un ancien diplomate italien. Il a été en poste en Somalie, en Australie et à l’ONU. Il a été membre du personnel de la politique étrangère de trois Premiers ministres italiens entre 1995 et 2011. Plus récemment, il a été l’envoyé spécial coordonnateur du processus de paix au Moyen-Orient pour la Syrie du gouvernement italien et, jusqu’en novembre 2017, ambassadeur d’Italie en Irak.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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