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Élections israéliennes : l’Occident doit tourner le dos au gouvernement néofasciste de Netanyahou

Les nations occidentales doivent réagir à ce scandale en déclarant personæ non gratæ Smotrich et Ben-Gvir
Les politiciens d’extrême droite Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich assistent à un meeting avec leurs partisans dans la ville israélienne de Sderot, le 26 octobre 2022 (AFP)
Les politiciens d’extrême droite Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich assistent à un meeting avec leurs partisans dans la ville israélienne de Sderot, le 26 octobre 2022 (AFP)

Une coalition d’extrême droite emmenée par Benyamin Netanyahou a remporté les élections législatives israéliennes

L’ex-Premier ministre ayant gouverné de 1996 à 1999 puis de 2009 à 2021 a remporté le scrutin, menant avec ses alliés ultra-orthodoxes et d’extrême droite un bloc de 64 députés au Parlement, contre 51 pour le centriste Yaïr Lapid.

Le chemin vers la victoire a connu des hauts et des bas. L’un des coups de maître de Netanyahou a été d’unifier un champ politique d’extrême droite auparavant divisé. La liste Sionisme religieux, emmenée par Ben-Gvir et Smotrich, a été le plus grand électrochoc de cette élection : elle a doublé ses voix par rapport aux dernières élections et confirmé l’ascendant de son sionisme fauteur de troubles. 

Malgré son procès pour corruption, Netanyahou et ses alliés des partis ultra-orthodoxes et de la liste d’extrême droite remportent 64 mandats sur les 120 de la Knesset (Parlement), soit trois de plus que le seuil de la majorité (AFP/Menahem Kahana
Malgré son procès pour corruption, Netanyahou et ses alliés des partis ultra-orthodoxes et de la liste d’extrême droite remportent 64 mandats sur les 120 de la Knesset (Parlement), soit trois de plus que le seuil de la majorité (AFP/Menahem Kahana)

Le Sionisme religieux est, de son propre aveu, une alliance kahaniste qui adoube explicitement la violence contre les Palestiniens et ne cherche pas seulement à étendre l’entreprise coloniale mais à rebâtir le Temple de Jérusalem.

Si Meir Kahane, assassiné à New York en 1990, n’a pas vécu pour voir le triomphe de ses idées judéofascistes, ses disciples ont achevé son œuvre.  

Toutefois, la majorité de Netanyahou est assez mince. Il devra tenir en bride tous ses alliés et mener des négociations serrées pour les postes ministériels, processus qui implique cajoleries, flagorneries et pots-de-vin. Le dirigeant du Likoud est particulièrement doué à ce jeu-là ; il est l’insider ultime. Mais s’il échoue, son gouvernement pourrait tomber comme la coalition de centre-droit qui l’a précédé.

Les partis palestiniens, les grands perdants

Et ce n’est pas parce que Netanyahou est un expert en poker politique qu’il est un politicien accompli. Cette stature est réservée aux dirigeants qui ont une vision et cherchent à la mettre en œuvre.

Pour Netanyahou, adopter une position sur un sujet quelconque n’est pas important, à moins que cela serve ses intérêts personnels, c’est-à-dire conserver le pouvoir. Son slogan pourrait bien être : « L’État, c’est moi. » Si cela pouvait suffire dans une monarchie comme celle de Louis XIV, c’est un phénomène inhabituel dans une prétendue démocratie.

Netanyahou est tel le requin qui meurt s’il cesse de bouger. Par-dessus tout, il doit se tenir au sommet de la pyramide

Parmi les libéraux occidentaux, la démocratie est une fin en soi. Mais dans le cas de Netanyahou, c’est un moyen de parvenir à quelque chose de bien plus important : l’autoconservation. Il est tel le requin qui meurt s’il cesse de bouger. Par-dessus tout, il doit se tenir au sommet de la pyramide.

Au-delà de la défaite de la coalition au pouvoir, les grands perdants de l’élection de cette semaine, ce sont les partis palestiniens.

En 2020, lorsque quatre partis à majorité arabe s’étaient unis pour constituer la Liste unifiée, ils avaient remporté 15 sièges, faisant d’eux le second groupe d’opposition. Mais cette fois, ils n’ont pas pu se mettre d’accord sur une liste de candidats et l’alliance s’est brisée. La faction Hadash-Ta’al devrait obtenir 5 sièges lors de ce scrutin, portant un rude coup à la communauté palestinienne.

À l’inverse, Ben-Gvir et Smotrich sortent vainqueurs. Un ancien chef adjoint du Shin Bet avait autrefois dévoilé que Smotrich, qui protestait contre l’évacuation des colonies israéliennes à Gaza, avait projeté de faire exploser des véhicules sur une grande autoroute en 2005, mais avait été arrêté avant de pouvoir mener son attaque. Smotrich nie ces allégations.

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Ben-Gvir pourrait quant à lui être considéré comme le « chef spirituel » de ce qu’on appelle les Jeunes des collines, des colons illégaux connus pour terroriser les Palestiniens.

L’un de ces jeunes a autrefois accusé Ben-Gvir de cautionner ces attaques, tout en faisant très attention à garder les mains propres – des allégations que ce dernier nie.

Il y a dix ans, Ben-Gvir avait dit à la télé qu’il croyait fermement non seulement en la reconstruction du Temple de Jérusalem mais aussi en la destruction de la mosquée al-Aqsa pour ce faire. Chez lui se trouvait une photo à la mémoire de Baruch Goldstein, auteur du massacre de la mosquée d’Ibrahim où 29 Palestiniens ont péri en 1994.

Ben-Gvir et Smotrich, ou leurs candidats, endosseront certainement des postes clés dans le nouveau gouvernement, visant des fonctions dans lesquelles ils pourraient dominer la sécurité intérieure.

De là, ils auraient la capacité de faire pression pour des expulsions de masse de Palestiniens et pour d’autres opérations militaires majeures visant à semer la peur, la haine et la mort. Les Palestiniens deviendraient, comme le songeait l’ancien chef de l’armée israélienne Rafael Eitan, comme « des cafards drogués dans une bouteille ».

Le chaos pour apparaître comme le sauveur de la nation

L’idéologie qui motive Smotrich et Ben-Gvir ne cherche pas la stabilité. Elle cherche le conflit, parce que cela rapproche le moment décisif où Israël triomphe et où les Palestiniens font face à une défaite abjecte.

Alors, les extrémistes de droite pourront les contraindre à l’exil ou leur permettre de rester seulement s’ils acceptent le statut de quasi-péonage.  

Une grande partie du monde a l’impression fausse qu’Israël est une démocratie. Elle ne l’est pas et ne l’a jamais vraiment été. Mais les tout derniers vestiges de démocratie ont disparu lors des quinze années de mandat du Premier ministre Netanyahou. 

L’idéologie qui motive Smotrich et Ben-Gvir ne cherche pas la stabilité. Elle cherche le conflit

Netanyahou abhorre la véritable démocratie parce qu’elle permet à ses rivaux d’exercer le pouvoir qu’il s’arroge pour lui seul. Prenant exemple sur Trump/le courant Make America Great Again avant le scrutin, le Likoud a diffusé des messages sur les réseaux sociaux et des messages politiques pour jeter le doute sur l’intégrité du système électoral.

Ainsi, en cas de victoire, Netanyahou pouvait se présenter comme le dirigeant qui vient sauver Israël de la catastrophe. Et en cas de défaite, il pouvait vitupérer contre la corruption et la fraude de l’ensemble du système politique israélien. 

Un autre monarque français, Louis XV, a déclaré : « Après moi, le déluge. » Netanyahou veut semer le chaos lors de son règne, ce qui lui permet d’apparaître comme le sauveur de la nation. 

Mais les résultats de l’élection n’augurent rien de bon pour les relations d’Israël avec les États-Unis, où les membres du Congrès ont exprimé leurs doutes quant à la composition extrémiste de la coalition de Netanyahou. Un moyen de circonvenir cette opposition serait de désigner aux postes clés des personnalités d’extrême droite suscitant moins d’opposition, en évitant les foudres de Smotrich et de Ben-Gvir.

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Netanyahou n’a pas entretenu de bonnes relations avec les présidents démocrates, y compris Joe Biden, qui est pro-Israël et qui a déclaré : « Si Israël n’existait pas, il nous faudrait l’inventer. » Je ne m’attends pas à entendre d’autres hosanna de cette sorte à l’avenir. Et je ne m’attends pas à des invitations à la Maison-Blanche.

Ce nouveau gouvernement israélien va faire décliner le soutien des juifs américains à Israël et renforcer les démocrates progressistes, déjà rétifs face aux attaques des lobbies israéliens. On peut s’attendre à une multiplication des appels pour restreindre ou mettre fin aux 3,8 milliards de dollars d’aide américaine annuelle à Israël. Les packages d’armes du Congrès pourraient rencontrer une opposition encore plus forte.

Un froid statu quo convient parfaitement à Israël. Cela préserve ses relations glaciales avec l’Autorité palestinienne, le refus des négociations et la poursuite de la construction de colonies et le vol des terres palestiniennes.

Les nations occidentales, y compris les États-Unis et le Royaume-Uni, doivent réagir à ce scandale. Elles doivent dénoncer l’entrée de fascistes purs et simples au gouvernement et faire de Smotrich et Ben-Gvir des personæ non gratæ, leur refusant l’entrée sur leurs territoires.

Si chaque démocratie au monde leur fermait la porte, ce serait une déclaration puissante de résistance face à la tyrannie.

- Richard Silverstein est l’auteur du blog « Tikum Olam » qui révèle les excès de la politique de sécurité nationale israélienne. Son travail a été publié dans Haaretz, Forward, le Seattle Times et le Los Angeles Times. Il a contribué au recueil d’essais dédié à la guerre du Liban de 2006, A Time to speak out (Verso), et est l’auteur d’un autre essai dans la collection, Israel and Palestine: Alternate Perspectives on Statehood (Rowman & Littlefield). Photo de profil : Erika Schultz/Seattle Times.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation et actualisé.

Richard Silverstein writes the Tikun Olam blog, devoted to exposing the excesses of the Israeli national security state. His work has appeared in Haaretz, the Forward, the Seattle Times and the Los Angeles Times. He contributed to the essay collection devoted to the 2006 Lebanon war, A Time to Speak Out (Verso) and has another essay in the collection, Israel and Palestine: Alternate Perspectives on Statehood (Rowman & Littlefield) Photo of RS by: (Erika Schultz/Seattle Times)
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