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Riyad, capitale des médias arabes ? Quelle blague !

Malgré une conférence prévue en novembre visant à renforcer la réputation journalistique de Riyad, l’affaire Khashoggi montre à quel point une telle ambition est éloignée de la réalité
Un manifestant porte un masque du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à côté de personnes brandissant des posters du journaliste saoudien assassiné Jamal Khashoggi à Istanbul, le 25 octobre (AFP)

Le culte de la personnalité du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a autant besoin de soft power que de répression. 

La dernière initiative visant à consolider la propagande étatique est la création du Saudi Media Forum, dont l’objectif est de renforcer la réputation du pays. De concert avec l’Association des journalistes saoudiens (AJS), cette conférence internationale est prévue pour novembre, un an après le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi et l’arrestation de plusieurs écrivains. 

La conférence rassemblera des journalistes locaux et internationaux pour discuter des challenges et opportunités du secteur et comportera une remise de prix. Le président de l’AJS, Khalid al-Malik, a déclaré qu’elle deviendrait un événement annuel pour « consolider le nom de Riyad en tant que capitale des médias arabes » et pour stimuler sa réputation politique et économique.

Trolls sur les réseaux sociaux

L’impulsion derrière cette initiative suspecte est peut-être l’échec cinglant des médias saoudiens à endiguer et à riposter contre la mauvaise publicité qui a légitimement suivi le meurtre de Khashoggi. 

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Les médias nationaux saoudiens et la télévision par satellite panarabe n’ont absolument pas réussi à influencer l’opinion publique en faveur du régime, car il était clair dès le début que Riyad avait orchestré l’horrible meurtre de Khashoggi dans l’enceinte du consulat à Istanbul.

Le déluge de mensonges, de déclarations officielles et de défenses juridiques dignes d’amateurs n’a pas réussi à convaincre un public mondial averti de l’innocence du régime, alors même que les trolls sur les réseaux sociaux diffusaient ces mensonges en ligne, dans le but de dérouter les observateurs et de semer la confusion quant aux responsables.  

Tandis que les articles sur l’affaire Khashoggi sont tombés dans une propagande triviale en faveur du régime, dans le but de dégager le prince héritier de toute responsabilité, la guerre au Yémen – qui en est à sa cinquième année – reste une aventure épineuse, suscitant critiques et condamnations internationales. 

Les images d’enfants affamés, la dévastation totale et le ciblage de civils ont éclipsé la glorieuse propagande du régime qui donne la priorité aux opérations de secours saoudiennes.

Personne ne s’attendait à ce que les médias saoudiens montrent comment des missiles se sont égarés et ont tué des centaines de civils, ou comment des frappes aériennes ont visé un centre médical de Médecins sans frontières destiné aux patients atteints de choléra. 

Ouverture vers Israël

La refonte des médias saoudiens est une affaire urgente, compte tenu de la controverse qui a poussé à conclure l’« accord du siècle », une initiative américaine soutenue par l’Arabie saoudite visant à établir la paix avec Israël sans impliquer ceux qui sont le plus touchés par l’occupation, les déportations et les bombardements, à savoir les Palestiniens. 

Les ouvertures de Riyad à l’égard d’Israël sont devenues un secret de polichinelle, couvert principalement par les médias israéliens plutôt que saoudiens. Alors que les informations sur des séjours de Saoudiens en Israël inondent Internet, les médias saoudiens les ignorent ou souvent, les écartent.

Les rencontres officielles et les achats saoudiens de technologies de surveillance israéliennes ne sont toujours pas signalés et sont même considérés comme une contre-propagande visant à saper le régime saoudien et sa réputation aux yeux de son propre peuple.

Les journalistes étrangers respectés ne devraient pas être tentés d’accepter l’invitation d’un régime qui a montré une tolérance zéro pour la liberté d’expression

Enfin, il y a l’empire médiatique du Qatar, que l’Arabie saoudite n’a pas réussi à égaler ni à saper, et qu’il est maintenant déterminé à contrer en se positionnant comme la capitale des médias arabes – un projet destiné à échouer et à dégénérer en mensonges, contre-mensonges et propagande politique bon marché. 

Les médias saoudiens ne sont ni un soft power efficace ni une source fiable d’informations et d’analyse.

Cela s’applique à tous les médias arabes parrainés par les gouvernements, y compris l’empire médiatique du Qatar et Sky News Arabia, des Émirats arabes unis.

Tous les gouvernements qui pensent que les médias peuvent être déployés en tant qu’arme de politique étrangère finissent par être déçus, car les réseaux sociaux sont aujourd’hui la principale source d’informations pour le public arabe et du monde entier.

Lorsque les gouvernements tentent de contrôler ce nouveau format de média, ils se retrouvent exposés et leur propagande discréditée. 

Contrôler les médias

Il reste encore une guerre des médias à gagner parmi les factions en guerre dans le Golfe et au-delà. Les récits des médias arabes ne sont que des fenêtres pour observer les hésitations des régimes répressifs et leurs vaines tentatives pour masquer cette répression. 

Les tentatives visant à contrôler les médias et à décerner des prix aux journalistes saoudiens, arabes et internationaux les plus fidèles se révéleront être une tentative contre-productive. Même les journalistes occidentaux les plus estimés qui ont cédé au début à la propagande saoudienne sur la réforme et la transformation ont renoncé à ces illusions.

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Thomas Friedman du New York Times et David Ignatius du Washington Post ont initialement écrit des articles optimistes sur les prétendues réformes de MBS, pour découvrir ensuite comment ces propos soutenaient un régime sanglant qui tuerait plus tard l’un des leurs, Khashoggi.   

Pour que l’Arabie saoudite devienne véritablement la capitale des médias du monde arabe, il lui faut la liberté de parole dans un système politique démocratique et transparent.

Aucune conférence ne modifiera cette condition importante. En novembre, l’événement sera l’occasion pour les journalistes étrangers invités de profiter d’un court séjour d’une hospitalité somptueuse.  

Les journalistes étrangers respectés ne devraient pas être tentés d’accepter l’invitation d’un régime qui a fait preuve d’une tolérance zéro pour la liberté d’expression, allant même jusqu’à assassiner l’un de ses propres journalistes, franc et direct, tandis que de nombreux autres croupissent en prison.  

- Madawi al-Rasheed est professeure invitée à l’Institut du Moyen-Orient de la London School of Economics. Elle a beaucoup écrit sur la péninsule arabique, les migrations arabes, la mondialisation, le transnationalisme religieux et les questions de genre. Vous pouvez la suivre sur Twitter : @MadawiDr

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Madawi al-Rasheed is visiting professor at the Middle East Institute of the London School of Economics. She has written extensively on the Arabian Peninsula, Arab migration, globalisation, religious transnationalism and gender issues. You can follow her on Twitter: @MadawiDr
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