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L’Occident doit s’habituer au nouveau rôle de la Chine au Moyen-Orient

La Chine mérite un accueil positif au Moyen-Orient, dans la mesure où son engagement dans la région est plutôt axé sur le développement des exportations et du commerce que sur la recherche d’une domination coloniale
Le président chinois Xi Jinping s’entretient avec le président émirati Mohammed ben Zayed al-Nahyane à l’ouverture du sommet du G20 sur l’île indonésienne de Bali, le 15 novembre 2022 (AFP)

Le rôle de la Chine dans la récente réconciliation entre l’Arabie saoudite et l’Iran, reconnu dans le monde entier, a pourtant été rejeté ou ignoré par les États-Unis et certains de leurs alliés.

Plutôt que d’applaudir une initiative susceptible d’apporter la paix au Moyen-Orient, les principaux médias occidentaux se gardent de mentionner la contribution de la Chine ou rechignent à reconnaître que l’ère de la domination occidentale dans la région MENA est révolue.

Un homme à Téhéran tient un journal local rapportant sur sa première page l’accord négocié par la Chine entre l’Iran et l’Arabie saoudite pour rétablir les liens, signé à Beijing la veille, le 11 mars 2023 (AFP/Atta Kenare)
Un homme à Téhéran tient un journal local rapportant sur sa première page l’accord négocié par la Chine entre l’Iran et l’Arabie saoudite pour rétablir les liens, signé à Beijing la veille, le 11 mars 2023 (AFP/Atta Kenare)

Cette détente devrait les inciter à comprendre que l’Arabie saoudite et l’Iran ont accepté de se réconcilier non pas parce que la Chine les a forcés à se rendre à Beijing pour signer un accord, mais parce que les deux pays apprécient les bonnes intentions de la Chine et reconnaissent sa capacité à aider les pays à régler leurs différends de manière raisonnée et sensée.

Des liens qui remontent à plus de 2 000 ans

Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, où les économies nationales sont imbriquées et interdépendantes, la coexistence pacifique et le respect des intérêts fondamentaux des autres pays devraient toujours figurer en tête de l’ordre du jour des relations internationales.

L’approche colonialiste ou impérialiste visant à acquérir une domination régionale et mondiale, fondée sur le traditionnel « diviser pour mieux régner », n’a pas sa place dans le monde moderne et doit être dénoncée par la communauté internationale.

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De nombreux commentateurs omettent le fait que les liens entre la Chine et le Moyen-Orient remontent à plus de 2 000 ans, de l’époque du Perse Darius le Grand jusqu’à l’Égypte sous l’Empire romain, lorsque le commerce entre la Chine (à l’époque de la dynastie Han) et la région MENA actuelle prospérait le long de l’ancienne route de la soie.

Ces dernières années, alors que la croissance économique de la Chine perdure et que le climat politique dans la région MENA se stabilise, la coopération entre les deux parties se développe rapidement.

Les dernières statistiques en date publiées par le gouvernement chinois font état d’une augmentation de 27,1 % du commerce bilatéral entre la Chine et les dix-huit pays de la région, chiffré à plus de 500 milliards de dollars en 2022.

Alors que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Qatar et l’Iran chercheraient activement à développer leurs propres capacités de production et à moderniser leur développement urbain ainsi que leurs compétences en matière de technologies numériques et financières, l’expérience et les capacités de la Chine dans des domaines tels que le développement de villes intelligentes en font un partenaire logique et privilégié pour ces pays.

Au début de l’année 2023, l’un des géants chinois des télécommunications a identifié la région MENA comme la nouvelle frontière en matière de croissance

La demande presque insatiable de la Chine en pétrole et en gaz de la région vient renforcer ce lien.

Au début de l’année 2023, l’un des géants chinois des télécommunications a identifié la région MENA comme la nouvelle frontière en matière de croissance, avec des investissements dans l’infrastructure mobile estimés à 70 milliards de dollars sur la période 2019-2025.

La production automobile chinoise au Moyen-Orient se développe également. De plus en plus de voitures fabriquées par des entreprises chinoises, y compris des véhicules électriques, circulent désormais sur les routes en Arabie saoudite, au Koweït, aux Émirats arabes unis, au Qatar, en Irak, à Bahreïn, en Jordanie ou encore au Liban.

Rien que dans la région du Golfe, on rapporte que 200 000 voitures de fabrication chinoise ont été importées au total en 2022, ce qui représente 10 % à 15 % des ventes dans les pays du Conseil de coopération du Golfe.

Des avantages mutuels 

Ce ne sont là que quelques-unes des raisons pour lesquelles la Chine mérite un accueil positif au Moyen-Orient, dans la mesure où les raisons exprimées pour son engagement dans la région sont considérées comme purement commerciales et mutuellement bénéfiques.

Mais surtout, la Chine respecte les cultures des autres et n’a jamais essayé de coloniser d’autres pays.

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L’absence d’élément colonialiste dans l’histoire chinoise rassure peut-être, à tel point que la « menace chinoise » souvent proclamée par les États-Unis et leurs alliés est généralement ignorée dans la région MENA.

Quant à l’initiative de nouvelle route de la soie, lancée en 2013 par le président Xi Jinping, il convient d’affirmer que les pays du monde entier qui ont hébergé des projets en collaboration avec la Chine sont peut-être mieux placés pour confirmer que son rôle majeur est d’augmenter la capacité d’exportation de la Chine plutôt que de porter une mission géopolitique visant à dominer la région ou le monde. 

Cette initiative regroupe aujourd’hui 151 pays et 32 organisations internationales, dont de nombreux pays de la région MENA, qui ont manifesté leur volonté de participer à plus de 3 000 projets représentant un investissement total de plus de 1 000 milliards de dollars.

Cependant, nous vivons dans un monde en évolution rapide et la paix est une chose que nous ne devrions jamais considérer comme acquise.

Le processus de dédollarisation, déclenché par un nombre croissant de pays désireux de régler leurs échanges bilatéraux en monnaies locales, y compris au Moyen-Orient, constitue un défi manifeste pour le pétrodollar. Ce phénomène a également suscité un débat quant à savoir si le yuan chinois est en passe de concurrencer le dollar américain en tant que monnaie de réserve.

Si le monde est en passe de devenir multipolaire et que cette période de transition est susceptible de durer des années voire des décennies, les conflits entre la puissance montante chinoise et l’actuelle superpuissance américaine sont inévitables

Si, comme on le pense généralement, le monde est en passe de devenir multipolaire et que cette période de transition est susceptible de durer des années voire des décennies, les conflits entre la puissance montante chinoise et l’actuelle superpuissance américaine sont inévitables sur de nombreux fronts.

Ces conflits pourraient notamment porter sur la sécurité nationale et régionale, la protection des réserves financières de chaque pays ou encore les mécanismes qui régissent notre liberté de commerce et la chaîne d’approvisionnement mondiale.

Il reste à voir si l’engagement de la Chine au Moyen-Orient sera durable et comment elle fera face aux défis inévitables provenant de la région MENA comme de l’extérieur, tout en tenant compte de la pression exercée sur l’économie nationale chinoise qui connaît une transformation structurelle.    

- Nelson Wong est président du Shanghai Centre for RimPac Strategic and International Studies, une institution de recherche non-gouvernementale à but non lucratif basée à Shanghai (Chine), et membre actif du club de discussion Valdaï, un think tank basé à Moscou. À la tête d’ACN Worldwide, une société de conseil en affaires et en investissements, il est également administrateur indépendant et président du comité d’audit de deux sociétés cotées au NASDAQ.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

Nelson Wong is president of the Shanghai Centre for RimPac Strategic and International Studies, a non-profit and non-governmental research institution based in Shanghai, China, and an active member of the Valdai Discussion Club, a Moscow-based think-tank. Wong runs a global business and investment consultancy, ACN Worldwide, and is an independent director and audit committee chairman for two public companies listed on Nasdaq.
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