L’« islam de France » de Macron fait écho aux politiques répressives des régimes du Golfe
Dans un contexte de controverse sur les vêtements religieux dans les écoles publiques, le président français Emmanuel Macron a tenu un discours stratégique à la Grande Mosquée de Paris le 19 octobre pour commémorer son centenaire.
Après avoir retracé l’histoire de la mosquée, Macron a déroulé sa vision globale d’un islam « fidèle aux valeurs de la République ». Faire référence à ces prétendues « valeurs » est devenu un prérequis au sein de la classe politique française lorsqu’il s’agit de l’islam et des musulmans.
Cette notion de séparatisme montre aux musulmans le territoire interdit : la dissension politique et la liberté religieuse
Ces références vaguement définies dissimulent une signification politique plus profonde : l’islam, pour être toléré, doit se conformer aux consignes de l’État.
Ces « valeurs de la République » sont devenues des frontières délimitant l’espace politique au sein duquel l’islam et les musulmans français peuvent intervenir – un espace qui ne reconnait que la soumission politique.
Selon Macron, l’islam doit être « compatible avec la République ». En effet, l’incompatibilité indique une forme manifeste de « séparatisme », concept que le président s’est mis à utiliser il y a deux ans lorsqu’il a présenté un projet de loi pour combattre l’« islamisme radical ».
Cette notion de séparatisme montre aux musulmans le territoire interdit : la dissension politique et la liberté religieuse. En d’autres termes, la religiosité des musulmans français doit obtenir le strict sceau d’approbation de l’État. La loi contre le séparatisme, adoptée au Parlement l’année dernière, a radicalement limité les droits fondamentaux des musulmans au sein de la société civile.
Objectif : terroriser la population musulmane
Construit autour du besoin de protéger la sécurité nationale, la République française et la laïcité, l’État islamophobe a depuis 2018 lancé plus de 26 000 enquêtes visant tout ce qui va des entreprises musulmanes aux écoles, en passant par les mosquées. Il a, de manière permanente ou temporaire, fermé plus de 800 établissements et saisi plus de 55 millions d’euros.
Cette répression a affecté de nombreuses organisations musulmanes respectées telles que le Collectif contre l’islamophobie en France et l’organisation caritative BarakaCity.
L’objectif évident de cette approche radicale consiste à terroriser la population musulmane et les conséquences psychologiques de cette persécution menée par l’État émergent lentement.
La peur et la paralysie se généralisent au sein d’une communauté qui comprend environ six millions de personnes, amenant un nombre croissant de musulmans à choisir la voie de l’émigration.
Dans son récent discours à la Grande Mosquée, Macron a défini comment l’État allait s’efforcer d’établir fermement un « islam de France » qui est soumis politiquement à la République. La Grande Mosquée serait incorporée dans ce nouveau « Forum de l’islam de France », qui établit une hiérarchie en ce qui concerne les normes étatiques et islamiques, en faveur des premières.
Macron a décerné au recteur de la mosquée Chems-Eddine Hafiz (ancien avocat sans formation religieuse officielle) la Légion d’honneur, plus grande médaille du mérite française. C’est là-dessus que s’est achevée la commémoration.
L’approche française, définie ici explicitement par Macron, fait écho aux « politiques musulmanes » mises en œuvre par d’autres régimes autoritaires. Par exemple, les Émirats arabes unis, dont les profonds liens politiques avec la France ont été révélés dans des articles récents, a adopté ces dix dernières années une politique radicale pour combattre l’« islam politique ».
Tout comme l’« islam de France » est lié à la vision autoritaire des Émirats arabes unis, une islamophobie européenne plus générale pourrait bien être redynamisée par le modèle français
Les Émirats arabes unis utilisent tous les moyens à leur disposition, y compris la torture, pour étouffer la dissension politique et a établi une institution, le Conseil de la fatwa, pour réguler l’islam et plaider pour des valeurs « modérées ».
Le prince héritier d’Abou Dabi Mohammed ben Zayed se serait érigé en défenseur du besoin de réprimer l’« islam politique » dans les discussions avec le ministre français de l’Économie, Bruno Le Maire.
La France, comme son allié, utilise elle aussi tout outil à sa disposition pour étouffer la dissension, et a conçu une nouvelle institution pour fournir une couverture religieuse à ses injustices. Les similarités entre les politiques des deux États sont des signes alarmants pour les défenseurs des droits de l’homme.
Tout comme l’« islam de France » est lié à la vision autoritaire des Émirats arabes unis, une islamophobie européenne plus générale pourrait bien être redynamisée par le modèle français. Les institutions françaises mènent déjà des opérations de propagande pour étendre la vision islamophobe de l’État à des dizaines d’autres pays.
Pour empêcher l’élargissement de cette persécution contre les musulmans, il est de notre devoir collectif de soutenir les musulmans français dans leur lutte difficile et de remettre en cause les politiques hostiles aux musulmans de la France.
- Rayan Freschi est un chercheur de l’ONG Cage en France. Il est l’auteur du rapport « Nous commençons à répandre la terreur », publié par Cage, qui dévoile l’existence d’une persécution des musulmans par l’État français.
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Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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