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L’« œil » fermé de Dubaï : le mystère de la plus grande roue du monde à l’arrêt

À 250 mètres de haut, près de deux fois la London Eye, Ain Dubai est la plus grande roue du monde. Mais elle a cessé de tourner sans explication officielle, entretenant le mystère sur cette gigantesque installation désormais inerte
La roue géante, qui a été construite à l’aide des « deux plus grandes grues du monde », est composée d’environ 11 200 tonnes d’acier, soit 33 % de plus que la quantité utilisée pour la tour Eiffel (AFP/Giuseppe Cacace)
Par AFP à DUBAÏ, Émirats arabes unis

Sa forme ronde et ses jeux de lumières continuent de la distinguer dans la jungle des immenses tours de verre du riche émirat du Golfe, au cœur d’une île artificielle appelée Bluewaters, abritant attractions touristiques, restaurants chics et appartements luxueux.

Inaugurée en 2021, Ain Dubai (« l’œil de Dubaï », en arabe) a arrêté de fonctionner en mars 2022 en raison de « travaux d’amélioration » selon le site internet officiel, qui a annoncé à plusieurs reprises une prolongation de la fermeture.

La date de réouverture de la plus grande roue du monde, à 250 mètres de haut, près de deux fois la London Eye, sera annoncée « en temps voulu » avec, promet-on, de nouvelles « offres palpitantes » pour les visiteurs.

Portes closes, le site reste pour l’instant désert : ni vendeurs de billets, ni file de touristes en vue.

« J’ai interrogé un agent de sécurité et il m’a répondu qu’elle ne fonctionnait pas », raconte Marwan Mohammed, un visiteur égyptien de 33 ans.

« J’ai demandé pourquoi, il n’a pas répondu », poursuit ce consultant en gestion des affaires, parmi la poignée de passants prenant des photos de l’un des symboles iconiques de Dubaï, aux Émirats arabes unis.

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Pauvre en pétrole, l’émirat a bâti sa richesse et sa notoriété en investissant massivement dans le tourisme de luxe, jouant volontiers la carte de la folie des grandeurs : plus grande tour du monde avec Burj Khalifa, plus grand spectacle de fontaine ou encore l’un des plus grands centres commerciaux, le Dubai Mall.

Les autorités font régulièrement des annonces de projets clinquants mais les contre-coups plus négatifs font rarement l’objet de communications officielles.

Le groupe gérant Ain Dubai, les propriétaires ainsi que des partenaires n’ont pas répondu aux sollicitations de l’AFP.

Rumeurs et spéculations

En attendant, le site internet continue de vanter « une expérience unique » et une « vue majestueuse » sur les gratte-ciels de Dubaï.

La roue géante, qui a été construite à l’aide des « deux plus grandes grues du monde », est composée d’environ 11 200 tonnes d’acier, soit 33 % de plus que la quantité utilisée pour la tour Eiffel.

Autour de Ain Dubai, des personnes travaillant sur Bluewaters se lancent, faute d’explications officielles, dans des rumeurs et spéculations allant d’une fissure à l’intérieur de l’engin à l’hypothèse selon laquelle l’île artificielle risquait de couler sous le poids de la roue.

Un serveur dans un restaurant a confié sous le couvert de l’anonymat qu’il entendait un bruit à l’époque où elle tournait, « comme si quelque chose se cassait à l’intérieur ». « On dit que la roue est plus lourde que l’île elle-même », ironise-t-il.

Lorsqu’elle fonctionnait, la roue tournait pendant environ 38 minutes par tour, avec 48 cabines pour une capacité totale de 1 750 personnes.

Les prix des billets variaient, selon la classe choisie, entre 100 et 4 700 dirhams (entre 25 et 1 200 euros environ).

Commerces affectés

« On nous a juste dit que c’était un problème technique », rapporte un vendeur qui a souhaité rester anonyme. « L’année dernière, on disait que la roue allait rouvrir pour l’hiver et maintenant, ils disent encore la même chose », ajoute-t-il.

« Quand elle ne fonctionne pas, on ne fait pas beaucoup d’argent […] car il y avait plus de monde quand elle tournait », fait-il remarquer.

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Ain Dubai, comme la tour Burj Khalifa, avait été conçue comme une attraction censée générer des revenus grâce aux visiteurs, aux événements mais aussi aux publicités.

En 2022, l’émirat a accueilli 14 millions de touristes, selon les chiffres officiels.

« Quel que soit le problème, les autorités n’ont pas l’air sûres d’avoir une solution », constate Patrick Clawson, spécialiste des pays du Golfe au centre de réflexion américain Washington Institute.

« Ne pas reconnaître qu’il y a un problème est pire que de le reconnaître », estime cet économiste. Mais, dit-il, « il semblerait que les autorités de Dubaï ne soient pas de cet avis ».

Par Amanda Mouawad.

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