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Après 30 ans de déclin, les Algériens renouent avec les sports équestres

Dans l’Est comme dans l’Ouest du pays, des clubs privés contribuent à redynamiser l’hippisme et l’élevage, aidés par un très fort ancrage du cheval depuis la présence humaine en Afrique du Nord
Après l’indépendance, les activités équestres – la fantasia, le horse-ball et le concours hippique notamment – ont connu un essor remarquable jusque dans les années 1980 (AFP/Ryad Kramdi)
Après l’indépendance, les activités équestres – la fantasia, le horse-ball et le concours hippique notamment – ont connu un essor remarquable jusque dans les années 1980 (AFP/Ryad Kramdi)
Par Nawell Khellaf à AÏN ABID, Algérie

Une curiosité, une folie, une révolution. Au milieu du paysage bucolique fait de vergers verdoyants et d’incommensurables champs de blé, à Aïn Abid, dans la province de Constantine, dans l’Est de l’Algérie, un homme venu de la ville a retourné la terre pour y planter sa vision et faire jaillir un centre moderne entièrement dédié à sa passion, les chevaux. 

En 2014, Fawzi Sahraoui a fondé L’Étoile de l’Est, un complexe agricole de 200 hectares, dont 170 hectares réservés à la culture céréalière, au fourrage pour chevaux et à l’arboriculture. Le reste est destiné à l’agrotourisme, aux loisirs, dont l’attraction principale, les sports équestres. « Je suis un amoureux du cheval et je monte depuis mon enfance, comme mon père. On peut penser que je suis un fou, mais rien d’autre n’explique mon pari si ce n’est la passion ! », explique Fawzi Sahraoui à Middle East Eye.

Traduction : « Allez ok, on se rencontre à la plage. »

En à peine huit ans, le complexe est devenu un fleuron national, une destination de prédilection pour les familles qui viennent s’oxygéner en pratiquant un sport d’extérieur, pour tous les cavaliers d’Algérie et pour la fédération des sports équestres qui y a domicilié une bonne partie de ses concours.

Le club offre notamment un entraînement aux trois disciplines olympiques : le dressage, le saut d’obstacles et le concours complet d’équitation. Une offre qui capte un besoin bridé par la disparition de l’historique club hippique de Constantine et fait même oublier la tristesse de cette disparition grâce à la stabilité et l’ambition qui s’en dégagent.

De la préhistoire à l’émir Abdelkader

Cette oasis de sport et de passion rappelle que le cheval est présent en Algérie depuis la préhistoire, comme en témoignent les gravures rupestres du Tassili (massif montagneux du Sahara, dans le Sud-Est de l’Algérie). Dès l’Empire romain, apparaissent les premières références au cheval Barbe, espèce nord-africaine dotée de grandes qualités – mental exceptionnel, sobriété, endurance, rusticité.

Les textes de l’émir Abdelkader, chef religieux et militaire algérien ayant combattu la conquête de l’Algérie par la France, publiés en 1851 dans Les Chevaux du Sahara (un ouvrage cosigné avec Eugène Daumas), rendent aux chevaux un hommage d’une rare beauté.

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C’est de cette considération que s’inspirent les cavaliers de la fantasia, spectacle équestre traditionnel au Maghreb, pour perpétuer une tradition séculaire. 

Dans les steppes du Hodna (hauts plateaux dans le centre de l’Algérie), où le cheval a trouvé l’étendue nécessaire pour se développer, les tribus entretiennent ce patrimoine de génération en génération. 

À Tiaret (Nord-Ouest), notamment, on continue d’élever les grandes races (le Pur-sang arabe, le Barbe et l’Arabe-Barbe) dans la jumenterie de Chaouchaoua. Le premier haras national est vieux de 145 ans. L’armée française l’a d’abord créé pour satisfaire ses besoins proprement militaires. Après l’indépendance, les activités équestres – la fantasia, le horse-ball et le concours hippique notamment – ont connu un essor remarquable, spécialement durant les années 1970.  Mais à partir de la décennie suivante, ces activités sont entrées en crise, entraînant un déclin du cheptel national. 

L’ensemble du centre est conçu et réalisé selon les standards internationaux : des écuries modernes, des équipements complémentaires de qualité offrant aux cavaliers et à leurs montures les conditions idéales pour se former et ensuite briller dans les compétitions nationales et internationales (Facebook/L’Étoile de l’Est)
L’ensemble du centre est conçu et réalisé selon les standards internationaux : des écuries modernes, des équipements complémentaires de qualité offrant aux cavaliers et à leurs montures les conditions idéales pour se former et ensuite briller dans les compétitions nationales et internationales (Facebook/L’Étoile de l’Est)

En 2018, un reportage de l’AFP révèle que le haras de Chaouchaoua, monument du patrimoine algérien, se meurt, « victime de la politique générale liée au cheval », selon les mots de Ahmed Bouakkaz, responsable de l’Office national de développement équin et camelin. À ce moment, Chaouchaoua n’abrite plus que 208 chevaux, alors que 20 000 poulains y naissaient chaque année au début du XXe siècle. 

Le déclin du secteur menace ainsi de disparition les deux races de chevaux élevées en Algérie : l’Arabe-barbe et le Barbe, répertoriées par le Système d’information sur la diversité des animaux (2018).

« Nous risquons de perdre la souche algérienne des pur-sang arabes », met en garde un vétérinaire de Chaouchaoua, cité par le média étatique algérien El Moudjahid. L’article publié en avril décrit une situation encore plus inquiétante en raison du déséquilibre financier de l’établissement et de l’urbanisation qui ronge le domaine, dont l’activité agricole rapporte 60 % des revenus. 

Chaouchaoua fait de la résistance, mais le maintien de l’élevage des chevaux relève du miracle, rapporte le même journal.

À mesure que s’éteignent les établissements historiques, majoritairement publics, des initiatives nouvelles provoquent toutefois un véritable sursaut aussi bien dans l’élevage que dans les sports équestres.

Trois clubs privés mènent le renouveau

Des établissements privés éclosent un peu partout dans l’Ouest (Oran, Mostaganem) comme dans l’Est (Constantine, Sétif, Teleghma). Aussi et à contre-courant, une nouvelle structure étatique a vu le jour à Batna (Est), voici quelques années, à laquelle s’ajoute le nouveau centre inauguré à l’occasion des Jeux méditerranéens à Oran en 2022. 

Sous l’égide de la fédération algérienne, les sports équestres modernes retrouvent des couleurs. Trois clubs de statut privé guident ce renouveau : Le Cavalier d’Oran, le haras Hocine El Mansour à Mostaganem, et L’Étoile de l’Est à Constantine. Tous les concours de la fédération ont déménagé depuis quelques années dans ces trois clubs. La raison est simple, explique à MEE le coach principal de L’Étoile de l’Est, Moundhir Boulesbiat : « La qualité des carrières offertes par le privé détourne les cavaliers des anciens clubs. Personnellement, je cours seulement sur ces carrières au sol confortable et sûr pour mon cheval. » 

Le club a aussi placé l’élevage équin parmi ses priorités. Le haras abrite des chevaux de race locale (Barbe), Pur-sang arabe et Demi-sang. L’écurie principale abrite des chevaux de compétition, des étalons et des juments, parmi lesquels de véritables stars, à l’image d’Horizon, produit du haras et porteur d’un pedigree certifié. 

L’ensemble du centre est conçu et réalisé selon les standards internationaux : des écuries modernes, des équipements complémentaires de qualité offrant aux cavaliers et à leurs montures les conditions idéales pour se former et ensuite briller dans les compétitions nationales et internationales. 

Grâce aux cavaliers Moundhir Boulesbiat, Hamza Mesrati et Samy Sahraoui, L’Étoile de l’Est, champion d’Algérie junior par équipe en 2017, finit souvent les compétitions sur les podiums algériens, mais aussi tunisiens. D’autres graines de champions sont cultivées à Aïn Abid dans l’espoir de hisser le club au top des compétitions et, pourquoi pas, renforcer l’équipe nationale (classée 4e lors des Jeux méditerranéens de 2022 à Oran), en pleine refondation.

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