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À Bethléem, la restauration des mosaïques de la Nativité est un cadeau de Noël pour les fidèles

Après cinq ans de restauration, pèlerins et touristes pourront à nouveau admirer les sols en mosaïque datant du IVe siècle de la basilique de la Nativité
Autrefois, l’entrée de la basilique de la Nativité était entièrement recouverte de mosaïques mais la pluie en a détruit beaucoup (MEE/Tessa Fox)
Par Tessa Fox à BETHLÉEM, Territoires palestiniens occupés

Depuis plus d’un millénaire, des pèlerins et des pratiquants foulent ces sols et prient sur le lieu de naissance de Jésus.

En pénétrant dans la basilique de la Nativité, le parfum des lampes à huile imprègne l’air et on entend les voix étouffées des pèlerins du monde entier.

Certains visiteurs embrassent l’étoile scintillante de la grotte située sous la basilique où, selon la tradition, Jésus serait né.

Le hall d’entrée de la basilique de la Nativité était autrefois recouvert de mosaïques dorées jusqu’au plafond (MEE/Tessa Fox)

Rien que pendant la semaine de Noël, 100 000 pèlerins et touristes devraient se rendre à Bethléem, en Cisjordanie occupée, pour célébrer la naissance du Christ en Terre sainte. 

Aujourd’hui, pour la première fois depuis des siècles, on peut à nouveau admirer ces œuvres d’art complexes qui avaient été enfouies sous le sol de l’église.

Après des années de travail minutieux, la beauté des sols en mosaïque, remontant aux origines du christianisme et longtemps enfouis, a été restaurée pour retrouver un état proche de celui d’il y a seize siècles.

Les sections des mosaïques qui n’ont pas été mises au jour par les Britanniques sont en meilleur état car elles sont restées préservées dans le sol pendant des centaines d’années (MEE/Tessa Fox)

Cela fait partie de la première restauration connue de la basilique depuis 1479. Les travaux minutieux sur les sols en mosaïque ont pris fin le 21 décembre, tandis que les rénovations globales de la basilique devraient être achevées d’ici la fin de l’année prochaine.

Le dernier site de restauration de mosaïque, fermé au public jusqu’au 21 décembre, révèle le périmètre et le niveau du sol de la première église construite au IVe siècle (MEE/Tessa Fox)

Les travaux de rénovation de la basilique de la Nativité ont débuté en 2013, la dégradation de la structure du bâtiment ayant atteint un niveau dangereux.

Il s’agit de la première rénovation de l’église entreprise par l’Autorité palestinienne (AP), qui a débuté un an après l’ajout par l’UNESCO de la basilique de la Nativité et de son itinéraire de pèlerinage à la liste des sites du patrimoine mondial.

Des représentants locaux des trois confessions chrétiennes – orthodoxe grecque, catholique romaine et apostolique arménienne – qui partagent l’administration de l’église supervisent les travaux de rénovation entrepris par la société italienne Piacenti, employée par l’AP.

Les visiteurs peuvent désormais voir les mosaïques recouvertes et cachées pendant des siècles dans la basilique de la Nativité à Bethléem (MEE/Tessa Fox)

Le père orthodoxe grec Issa Thaljieh se réjouit que les sols en mosaïque aient été restaurés à temps pour Noël cette année, un cadeau pour les pèlerins et les touristes du monde entier.

« Quand je suis ici, je ressens la paix et l’amour »

- Père Issa Thaljieh

« Il est important que cette église soit aussi parfaite que possible. Les gens, surtout à Noël, ont leur regard tourné vers la basilique de la Nativité », a déclaré le père Thaljieh à MEE.

Les mosaïques, situées à environ 30 centimètres en dessous du niveau actuel du sol de l’église, constitueront les « tapis » décoratifs de l’église pour la première fois depuis sa construction par l’empereur romain Constantine au IVe siècle.

Silvio Sciortino applique un revêtement différent selon la couleur de la pierre ; des solvants différents sont utilisés pour faire ressortir le blanc, le rouge, le jaune et l’orange (MEE/Tessa Fox)

Des motifs floraux accompagnés de fruits, notamment de grenades locales, tourbillonnent sur la moitié du sol mis au jour et rencontrent des motifs géométriques aux couleurs rouge, jaune, bleue et noire désormais vives.

Un aperçu des « tapis » en mosaïque qui s’étendaient sur tout le sol de l’église bâtie par Constantin (MEE/Tessa Fox)

Depuis que Piacenti a commencé à travailler sous terre, la superficie de mosaïques exposées a augmenté et s’étend maintenant sur environ 10x25 mètres.

Marcello Piacenti, responsable de la production, a expliqué que son équipe se consacrait à la protection de l’œuvre d’art historique. Un solvant de protection est actuellement appliqué sur chaque minuscule carreau de mosaïque à la main ou avec des pinceaux de petite taille.

Le directeur de la production de Piacenti, Marcello Piacenti, et son équipe travaillent depuis cinq ans dans la basilique de la Nativité (MEE/Tessa Fox)

Silvio Sciortino, un restaurateur de Piacenti, a exprimé la fierté que lui procurait ce travail dans la basilique de la Nativité. « Nous sommes honorés », a-t-il déclaré à MEE en s’agenouillant pour travailler sur un carreau.

Maintenant que les sols en mosaïque sont terminés, les dirigeants de l’église ont demandé à Piacenti de les recouvrir de panneaux de plancher en bois, faciles à soulever, pour les montrer aux touristes et aux pèlerins lors de visites guidées, tout en évitant que l’œuvre ne soit piétinée.

Parmi les visiteurs de la basilique de la Nativité à l’approche de Noël, on trouve la famille Matthews, originaire d’Afrique du Sud, qui a à son tour rendu hommage aux mosaïques récemment restaurées. 

Des touristes et des pèlerins comme la famille Matthews venue d’Afrique du Sud se rendent en Palestine pour découvrir le site de la naissance de Jésus (MEE/Tessa Fox)

« Si vous pensez au niveau de détail et de couleur, c’est incroyable », a déclaré Ian Matthews, à MEE

« C’est impressionnant. Il y tant de choses à assimiler. C’est magnifique », a ajouté sa fille de 17 ans, Nicolette.

Au total, les travaux de rénovation de l’église coûteront plus de 17 millions de dollars, financés en partie par l’Autorité palestinienne et des fonds collectés par des groupes chrétiens dans le monde entier, en particulier au Brésil et en Italie.

Cinq années de travail

La basilique a été détruite lors d’une révolte des Samaritains en 529 et reconstruite en 565. La première et la plus importante étape des travaux a débuté il y a cinq ans : le toit et les fenêtres devaient être réparés afin de rétablir l’étanchéité de l’église.

« L’eau des pluies hivernales pénétrait dans le bâtiment et détruisait les murs et les mosaïques », a expliqué le père Thaljieh.

La mosaïque à feuilles dorées à gauche montre l’élévation de Jésus au ciel et, à droite, son entrée à Jérusalem marquant le dimanche des Rameaux (MEE/Tessa Fox)

Les mosaïques de l’époque des croisades s’étendent également sur les murs de la basilique de la Nativité.

Outre la menace des infiltrations d’eau de pluie, les années d’utilisation constante de lampes à huile ont également décoloré les carreaux d’or scintillants.

« Vous pouviez à peine voir certaines mosaïques [murales] parce qu’elles étaient pleines de suie noire », s’est rappelé le père Thaljieh.

Restaurée après des dégâts causés par un toit qui fuyait, cette mosaïque de l’époque des croisés raconte l’histoire de Jésus apparaissant aux apôtres après avoir été ressuscité (MEE/Tessa Fox)

Certaines des mosaïques murales, qui ont retrouvé leur beauté originelle il y a deux ans, racontent les histoires traditionnelles de Jésus-Christ en Terre sainte.

Déambulant dans l’église, le père Thaljieh désigne les représentations de Jésus apparaissant aux apôtres après sa crucifixion, son élévation au ciel et le dimanche des Rameaux, qui commémore l’entrée triomphale de Jésus-Christ à Jérusalem cinq jours avant sa crucifixion.

« Il manque des morceaux de certaines [mosaïques]. Le hall d’entrée était complètement recouvert de mosaïques, mais une grande partie a été détruite par la pluie. »

Prier pour la paix et l’amour

Le père Thaljieh est né à Bethléem et a été ordonné prêtre dans la basilique de la Nativité. À 36 ans, il ressent un lien particulier avec ce site sacré. 

Le père orthodoxe grec Issa Thaljieh dans la basilique de la Nativité (MEE/Tessa Fox)

« Quand je suis ici, je ressens la paix et l’amour », a-t-il confié.

« Le hall d’entrée était complètement recouvert de mosaïques, mais une grande partie a été détruite par la pluie. »

- Père Issa Thaljieh

Comme à chaque Noël, le Patriarche latin de Jérusalem célèbrera la messe de minuit dans la basilique de la Nativité.

« Cette année, nous prions pour la justice, l’amour et la paix et pour que les hommes soient unis parce que le monde entier est divisé en ce moment », a déclaré le père Thaljieh.

L’année dernière, dans les semaines qui ont précédé Noël, le président américain Donald Trump a annoncé la reconnaissance de Jérusalem comme la capitale d’Israël par les États-Unis, provoquant des affrontements meurtriers entre les Palestiniens et l’armée israélienne.

Cette partie de la basilique, plus récente, est l’une des rares à ne pas avoir encore besoin de restauration (MEE/Tessa Fox)

Selon le maire de Bethléem, l’avocat Anton Salman, la basilique de la Nativité constitue la vie de la ville. Salman espère que la période de Noël à Bethléem contribuera à stimuler l’économie locale. 

« Trump a nui à la saison dernière quand il a fait sa déclaration, mais nous espérons que cette année, la vie sera normale et que les gens seront heureux de venir visiter la ville », a déclaré Salman à MEE.

Bethléem accueille chaque année le deuxième plus grand nombre de touristes de Terre sainte après Jérusalem, principalement parce que Jésus serait né dans la basilique de la Nativité (MEE/Tessa Fox)

Le porte-parole du ministère palestinien du Tourisme et des Antiquités, Jerius Qumsiyeh, a indiqué à MEE que cette année, le tourisme avait déjà augmenté par rapport aux 2,7 millions de visiteurs en Palestine en 2017.

Il n’a pas révélé les chiffres exacts du nombre de visiteurs pour 2018, affirmant qu’ils seraient publiés d’ici la fin de l’année. 

Avec la mort récente de Palestiniens et de soldats israéliens dans une série d’attaques, la présence militaire israélienne s’est accrue en Cisjordanie et des contrôles de sécurité ont été effectués tout au long de la semaine.

« Toute action militaire ou attaque affecte le tourisme dans la région en général », a observé Qumsiyeh « J’ai été en contact avec l’association hôtelière et les entreprises de tourisme ; jusqu’à présent, nous n’avons reçu aucune annulation. »

Qumsiyeh et la ville de Bethléem continuent d’espérer un Noël pacifique et que leur message d’amour et de paix se propage depuis l’église.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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