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Comment Trump a gâché le Noël des chrétiens palestiniens

Le soutien américain à Israël contribue à l’expulsion des chrétiens palestiniens

En Palestine, Noël est une période spéciale de l’année. Depuis le début du mois de décembre, chrétiens et musulmans palestiniens se réunissent pour illuminer les arbres de Noël installés sur la place centrale des villes de tout le territoire, afin de marquer l’avènement de la période des fêtes.

Des enfants palestiniens attendent avec impatience l’arrivée du traditionnel biscuit de Noël arabe, le maamoul, petite pâtisserie farcie aux dattes et aux noix, servie également par les musulmans pendant le Ramadan.

Si Mike Pence veut sauver Noël et protéger les chrétiens du Moyen-Orient, il est impératif que soit annulée la décision de Trump de déplacer l’ambassade israélienne à Jérusalem

Un Noël lugubre

Cependant, cette année, Noël est beaucoup plus sombre que d’habitude. À Bethléem, ville natale de Jésus, les lumières ont été éteintes sur le grand sapin de Noël, place de la Mangeoire.

À Nazareth, ville d’origine de la famille de Jésus, les célébrations ont été annulées.

L’ambiance à Beit Sahour – village où les bergers aperçurent l’étoile annonciatrice de la naissance de Jésus – est parfaitement rendue par ces paroles de l’ancien Patriarche latin de Jérusalem, Michel Sabbah : « Nos oppresseurs ont décidé de nous priver de la joie de Noël ».

Le jour de Noël, les chrétiens palestiniens ont déclaré un black-out national pour protester contre la décision du président américain Donald Trump de déclarer Jérusalem capitale d’Israël.

Le geste de Donald Trump a irrité les Palestiniens de toutes origines mais, pour les chrétiens palestiniens, ce fut un coup particulièrement dur, puisque le président américain s’était déclaré préoccupé quant au sort des chrétiens du Moyen-Orient et met régulièrement sur le tapis la question de leur protection.

Le vice-président américain, Mike Pence, devait se rendre avant Noël dans la région pour rencontrer les dirigeants chrétiens locaux, mais aucun n’a accepté de le recevoir.

Parmi les 50 000 chrétiens de Cisjordanie, l’occupation israélienne et ses conséquences économiques sont régulièrement évoquées comme étant la principale raison de l’émigration

Les Palestiniens sont en colère parce que Jérusalem est historiquement une ville à majorité palestinienne, ville qu’Israël a occupée militairement par la force en 1967 dans le cadre d’une prise de contrôle que la communauté internationale n’a jamais reconnue.

Pour comprendre l’ampleur de la rage qu’éprouvent les chrétiens palestiniens, il est nécessaire de comprendre l’histoire de l’occupation israélienne et le tribut qu’ont payé les Hiérosolymites palestiniens.

Chasser les chrétiens

En 1948, lors de la fondation d’Israël, 750 000 Palestiniens furent chassés de chez eux ou forcés de fuir – dont près de la moitié étaient des Palestiniens chrétiens, devenus réfugiés du jour au lendemain. Lorsqu’Israël a occupé Jérusalem, la Cisjordanie et Gaza en 1967, 300 000 Palestiniens supplémentaires ont été déplacés, dont les habitants de tout un quartier chrétien de Jérusalem : le quartier syriaque, refuge des chrétiens fuyant les massacres perpétrés en Turquie ottomane dans les années 1910. Des centaines de chrétiens palestiniens sont ainsi devenus des réfugiés deux, voire trois fois.

Depuis 1967, Israël a maintenu sa politique d’isoler Jérusalem de son arrière-pays par le biais d’un système de check-points militaires et de laissez-passer qui reviennent à interdire l’accès à la ville aux chrétiens et musulmans palestiniens.

Les fidèles assistent à une messe de Noël en l’Église de la Nativité à Bethléem, Cisjordanie, le 25 décembre 2017 (AFP)

Alors que les juifs israéliens de Jérusalem jouissent de leurs pleins droits de citoyens d’une démocratie, leurs voisins palestiniens sont confrontés à des discriminations qui touchent tous les plans de leur vie, y compris ce que le Département d’État appelle des « obstacles insurmontables » dans des domaines aussi basiques que l’obtention d’un permis de construire pour leur résidence principale.

Ces restrictions visent à faire pression sur les Palestiniens pour qu’ils quittent la ville : depuis 1967, Human Rights Watch a documenté que près de 15 000 résidents palestiniens de Jérusalem ont été expulsés, au simple prétexte qu’aux termes de ce qu’Israël appelle sa politique du « centre de vie », ils vivaient loin de la ville depuis trop longtemps.

Trump et Pence ont fait de la protection des chrétiens du Moyen-Orient l’un des objectifs de leur politique étrangère dans la région.

Or, les 500 000 chrétiens de Cisjordanie accusent régulièrement l’occupation israélienne et ses conséquences économiques de constituer la principale cause de l’émigration. Le soutien américain à Israël contribue à chasser les chrétiens palestiniens.

Depuis le début du processus de paix, au début des années 1990, les Palestiniens se sont à maintes reprises assis avec Israël autour de la table pour négocier une solution durable au conflit. Malgré la rhétorique israélienne de paix, la réalité sur le terrain est bien différente.

Alors qu’au début des négociations, environ 280 000 colons israéliens vivaient dans les colonies de peuplement en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupées – colonies considérées comme illégales en vertu du droit international –, on en compte aujourd’hui 700 000, soit plus de 10 % de la population israélienne, selon le ministre israélien du Logement.

Ces colonies ont été construites de manière à ce que chaque ville palestinienne soit encerclée de toutes parts – les civils israéliens servant en définitive de boucliers humains autour des bases militaires et points de contrôle israéliens.

Mettre fin aux violations israéliennes

Entre les deux, les Palestiniens se retrouvent pris entre le marteau et l’enclume. Bethléem, par exemple, est entourée de toutes parts par des installations militaires israéliennes.

On a à faire à 22 colonies différentes et une base militaire construite autour du tombeau de Rachel – sanctuaire sacré où autrefois musulmans, juifs et chrétiens célébraient leurs cultes, mais qui est désormais entouré d’un mur de béton de plus de 6 mètres de haut interdisant l’accès aux non-juifs.

Selon l’ONU, plus de 85 % des terres autour de Bethléem sont interdites aux Palestiniens, ce qui leur laisse peu de chances de croissance économique.

Juchée sur une colline voisine, la colonie israélienne de Har Homa domine Bethléem. Elle était autrefois couverte de champs d’oliviers où les chrétiens palestiniens pique-niquaient régulièrement lors des jours saints après une visite à Saint-Elias, le monastère voisin.

Aujourd’hui, les oliviers ont été rasés. Le mur de séparation israélien prive les habitants palestiniens de Bethléem d’accès au monastère, jadis point de départ du défilé de Noël de la ville. Il est désormais coupé de ses adorateurs, qui emplissaient jadis les salles de joie et de rires pendant les fêtes chrétiennes.

Si Pence veut sauver Noël et protéger les chrétiens du Moyen-Orient, il est impératif que soit annulée la décision de Trump de déplacer l’ambassade israélienne à Jérusalem. Israël doit être puni pour sa persécution des Palestiniens – chrétiens y compris –, pas récompensé.

À cette fin, il est impératif que les législateurs américains mettent fin à l’aide militaire accordée à Israël – près de 4 milliards de dollars par an, actuellement – et qu’ils veillent à ce que les États-Unis n’aient plus rien à voir avec ce soutien aux violations israéliennes des droits de l’homme.

L’occupation israélienne ne se déroule pas dans n’importe quel contexte – elle est directement soutenue par le gouvernement américain, le plus proche allié d’Israël. Pour Noël et la Nouvelle année, Bethléem ne souhaitait rien de plus que voir la fin des violations israéliennes des droits de l’homme. C’est aux Américains de réaliser leurs vœux.

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : des Palestiniennes prient dans l’Église de la Nativité à Bethléem, en Cisjordanie occupée par Israël, le 24 décembre 2017 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par Dominique Macabiès.

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