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Corbyn a bloqué la formation d’un organisme clé de surveillance de la lutte contre le terrorisme

Middle East Eye a appris que le dirigeant travailliste n’avait nommé personne au Comité du renseignement et de sécurité, lequel n’a pas siégé pendant cet été d’attentats meurtriers
Middle East Eye est en mesure de révéler que l’influent organisme de renseignement et de sécurité du parlement britannique ne s’est pas réuni une seule fois durant la série d’attentats meurtriers de cet été, et ce, parce que le dirigeant travailliste Jeremy Corbyn n’a présenté aucun candidat pour siéger au comité.
 
Le Comité multipartite de renseignement et de sécurité (Intelligence and Security Committee, ISC), qui est en charge de la supervision des services secrets de sécurité et de l’agence de surveillance connue sous l’acronyme GCHQ au Royaume-Uni, n’a pas été reformé depuis les élections législatives en dépit de la série d’attentats meurtriers à Londres et Manchester cet été.
 
« Le bureau de Jeremy Corbyn et le Parti travailliste ont tardé à proposer des noms appropriés » 
– Source à l’ISC
La Première ministre Theresa May a également été accusée de traîner les pieds concernant la création de cet organisme, qui est nommé par le Premier ministre en consultation avec le leader de l’opposition. Il doit ensuite être soumis au vote du parlement.
 
MEE croit savoir que les Conservateurs ainsi que le Parti national écossais étaient prêts à aller de l’avant et à faire des nominations la semaine dernière, et que l’ancien président de l’ISC, le député conservateur Dominic Grieve, qui est généralement respecté pour son travail au sein du comité, devait en reprendre la direction.
 
Cependant, l’attention est concentrée sur le Labour. Une porte-parole du parti a confirmé mardi à MEE que la direction du Labour n’avait proposé aucun nom pour le comité.
Un policier armé prend position sur les lieux d'une attaque sur le pont de Londres le 3 juin 2017 (AFP)
Observer les observateurs
 
Une série d’attentats a eu lieu cette année à Westminster, au Manchester Arena, sur le London Bridge, à Finsbury Park et, plus récemment, à Parsons Green dans l’ouest de Londres.
Ces attaques ont fait 36 morts et les critiques ont accusé le gouvernement d’être paralysé dans sa réponse à la menace et ont appelé à l’action afin d’améliorer sa stratégie de lutte contre la radicalisation. Le financement de la police par le gouvernement a également suscité de vifs débats.
 
L’ISC joue un rôle essentiel dans la supervision des services de sécurité, y compris les opérations de sécurité. Il siège normalement chaque semaine et a accès à des séances d’information top-secrètes du service de sécurité intérieure, appelé MI5, de l’agence de renseignements extérieurs connue sous le nom de MI6 et du GCHQ.
 
L’échec du bureau du dirigeant du Parti travailliste à présenter des noms pour le comité signifie que les services de sécurité du Royaume-Uni auront été sans comité de surveillance parlementaire pendant cinq mois malgré le récent avertissement de l’ancien chef du MI5 selon lequel le Royaume-Uni sera confronté à la menace de l’extrémisme islamiste pendant une période pouvant aller jusqu’à 30 ans.
 
« Il y a des problèmes au bureau de Jeremy Corbyn et le Parti travailliste a tardé à proposer des noms appropriés », a déclaré à MEE une source parlementaire proche de l’ISC.
Le professeur Anthony Glees, directeur du Centre for Security and Intelligence Studies à l’Université de Buckingham, a déclaré que ce retard était « scandaleux ».
 
Il a déclaré à MEE : « Dans le climat actuel, le travail du comité est vital… c’est un scandale majeur. Cela fait obstacle à une partie vraiment importante de notre dispositif constitutionnel en période de terrorisme. Cela suggère que le Labour n’a pas confiance en l’ISC pour surveiller ou qu’il a d’autres projets pour les services de sécurité. »
« Cela fait obstacle à une partie vraiment importante de notre dispositif constitutionnel en période de terrorisme »
– Anthony Glees, spécialiste du terrorisme
L’ISC s’est réuni pour la dernière fois en avril, juste avant sa dissolution avec l’annonce d’élections anticipées par Theresa May.
Malgré le retour du parlement en juin et ce mois-ci encore, le comité ne devrait pas être établi au plus tôt avant que la saison de la conférence du parti ne se termine au début du mois d’octobre.
 
« Il y a eu un écart important et c’est inquiétant.
 
« Cela aurait dû être résolu la semaine dernière, surtout compte tenu de la situation actuelle en matière de sécurité, mais le comité ne sera formé qu’après le retour du parlement en octobre », a déclaré à MEE une seconde source proche du précédent ISC.
 
Dans sa dernière déclaration publique en qualité de président du comité, Grieve a exhorté tous les partis politiques à « donner la priorité à la nomination » du nouvel ISC après les élections législatives. Il a déclaré : « Il n’est pas dans l’intérêt public que la supervision de la communauté du renseignement soit laissée à l’abandon pendant une période quelconque. »
 
Gisela Stuart, ancienne députée travailliste qui siégeait au comité jusqu’à cet été, a déclaré à MEE qu’elle était « déçue » que le parlement n’ait pas rétabli le comité. « Il est impératif de régler ce problème dès que le parlement revient », a-t-elle déclaré à MEE.
 
Stuart, qui demeure la présidente du groupe pro-Brexit Change Britain, a jugé que la création du comité avait également été « terriblement lente » en 2015. Elle a ajouté que son « instinct » lui dictait que le bureau de Corbyn avait du mal à trouver des noms appropriés à proposer.
 
Éviter la politique partisane
 
L’ISC se targue d’éviter la politique partisane. 
 
Ses membres sont régulièrement nommés membres du Conseil privé, sont assujettis à la loi sur les secrets officiels et ont accès aux rapports de renseignements et de sécurité les plus secrets. Ce sont habituellement des anciens ministres ou des ministres fantômes avec une grande expérience de la sécurité.
 
Andrew Defty, de la School of social and political science de l’Université de Lincoln, qui a interviewé plusieurs membres du dernier ISC, a déclaré à MEE : « Il est possible que Corbyn en particulier suggère quelqu’un que les services de sécurité ne souhaitent pas vraiment voir nommé ou que le gouvernement n’apprécierait pas. »
 
Une porte-parole du gouvernement a déclaré à MEE : « Il appartient au Premier ministre de nommer un nouveau comité après consultation du leader de l’opposition et ces nominations seront alors confirmées par un vote à la chambre du parlement concernée. »
 
Elle a ajouté : « Comme le parlement est en congé, cela se fera une fois qu’il sera en session. »
 
Le comité de sécurité a beaucoup de travail qui l’attend, notamment la production de rapports sur le cyberespionnage et l’expansion militaire de la Russie. Il doit examiner le rôle des services de sécurité dans les années qui ont précédé les attentats de Westminster, de Manchester et du London Bridge, comme il l’a fait après les attentats du 7 juillet 2005.
 
Il est également entendu que le comité devra examiner le rôle joué par les services de sécurité britanniques dans l’information des autorités américaines concernant l’ingérence de la Russie lors des élections présidentielles américaines l’année dernière.
 
Ben Bradshaw, un député travailliste qui a soulevé à plusieurs reprises la question de l’ingérence de la Russie, a déclaré à MEE : « Il est extrêmement préoccupant que ce comité vital n’ait toujours pas été reconstitué depuis les élections, notamment en raison des enquêtes menées outre-Atlantique sur les relations entre le Kremlin et l’administration Trump et la contribution des agences de renseignement britannique dans la révélation [de ce cela]. »
 
Au cours de la dernière législature, Corbyn avait nommé au comité le député David Hanson, un ancien ministre d’Irlande du Nord, apaisant les craintes qu’il nomme à l’ISC un détracteur bien connu des agences de sécurité.
 
Cependant, les experts en matière de sécurité craignent aujourd’hui que Corbyn, bénéficiant d’une position plus sûre au sein du Parti travailliste, utilise le comité pour marquer des points sur le plan politique ou pour plaider en faveur de la restructuration des services de sécurité. 
 
 
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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