EN IMAGES : Le Ramadan si particulier des musulmans de France
« Depuis trois ans, je travaille de nuit et je fais entre douze et treize heures de garde », témoigne Samia, aide-soignante dans un hôpital parisien. « Même si nous vivons une situation sans précédent et que je suis fatiguée, je vais bien. Si je ne suis pas trop fatiguée, j’essaie de faire à manger, sinon je mange à l’hôpital en fonction de la charge de travail. » Pour elle, le plus difficile pendant le confinement, « c’est de ne pas voir les amies pour la rupture du jeûne ». « Heureusement que j’ai mes collègues de travail pour me soutenir ! » (photo prise avec un téléphone).
Le marché du quartier d’Aligre, dans le 12e arrondissement, un des plus populaires de Paris, est fermé. Alors, devant les quelques commerces qui restent ouverts, c’est la ruée pour acheter les produits indispensables du mois sacré : dattes, pain, pois chiches, fromage, olives, maïs, leben (lait fermenté), menthe ou encore semoule.
« Vous savez, ici, on trouve tous les produits dont on a besoin », assure une cliente qui souhaite rester anonyme. Son caddie bien rempli, elle précise : « C’est important, après une journée de jeûne, de pouvoir manger tout ce que l’on aime ! Même si les temps sont durs, on va tenir le coup et on va le faire jusqu’au bout. Ce n’est pas un virus qui va nous empêcher de faire Ramadan ! »
Bénévole depuis 21 ans, Abdenour Dadouche est président d’Une Chorba pour tous. Créée le 2 décembre 1992, cette association apolitique et non confessionnelle se bat contre l’exclusion et la précarité, en distribuant tout au long de l’année des colis alimentaires aux familles les plus démunies. Pendant le Ramadan, une quinzaine de bénévoles assurent entre 400 et 500 repas par jour.
Avec la pandémie, beaucoup de choses ont changé à l’association Une Chorba pour tous. « Nous devons respecter les distances de sécurité, porter un masque et des gants. C’est très stressant pour tout le monde mais nous ne devons pas céder à la panique. Nous allons continuer à faire de l’humanitaire, surtout en cette période de grande souffrance », assure Abdenour Dadouche, son président.
K., 32 ans, vit seule, en France depuis trois ans. Cette étudiante étrangère en architecture raconte : « Je fais le Ramadan seule depuis trois ans, sans ma famille qui est en Kabylie [Algérie]. Je suis donc habituée à le faire toute seule. » Pour elle, comme pour de nombreux étudiants étrangers, le plus dur sera de ne pas voir ses amis. Mais elle trouve, malgré tout, des aspects positifs au confinement. « Normalement, pendant le Ramadan, je cours partout entre mes cours à la fac et mon boulot alimentaire dans la restauration. C’est très stressant et fatigant. Le repos imposé par le confinement est une chance pour notre pratique. Je vais pouvoir consacrer mon temps à lire le Coran, faire la prière et préparer à manger tranquillement. »
« Nous avons vu, durant la première semaine de confinement, une baisse de fréquentation de la clientèle mais depuis la deuxième semaine, les affaires vont mieux. » Jad, 25 ans, travaille dans la boucherie de son père, place d’Aligre. « Certains clients, notamment les plus âgés, ont peur de voir la boucherie fermer. Mais on les rassure, en disant qu’il n’y aura pas de pénurie de viande et que nous allons ouvrir tous les jours pendant le Ramadan. »
« Ce confinement nous donne l’occasion de vivre une retraite spirituelle, de faire un travail sur soi qui permet de revenir à l’essentiel », explique Kahina Bahloul, première imam de France. Elle s’est associée au professeur de philosophie Faker Korchane, également fondateur de l’Association pour la renaissance de l’islam mutazilite (ARIM), une école de théologie musulmane qui rejette tout dogmatisme. « La pratique du jeûne existe depuis des milliers d’années, il est important de se rappeler que les mystiques de toutes les grandes traditions spirituelles ont toujours pratiqué une sorte de confinement volontaire, pour réaliser un travail spirituel. » Sur sa page Facebook, Kahina Bahloul propose le « Projet mosquée Fatima », un contenu écrit en rapport au confinement visant à accompagner les fidèles pendant cette période.
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