Des réfugiés syriens viennent en aide aux Canadiens victimes de gigantesques incendies
TORONTO, Canada – Lorsque Naser Nader a vu les images des incendies aux abords de Fort McMurray, en Alberta, et ces dizaines de milliers de Canadiens forcés de fuir en laissant tout derrière eux, il a su qu'il devait aider.
Nader, réfugié syrien arrivé à Calgary le 30 décembre avec sa femme et ses deux jeunes enfants, a vécu des circonstances similaires et voulu exprimer sa reconnaissance au pays qui l’a accueilli, lui et sa famille.
« Le gouvernement nous a fait venir dans ce pays et nous a beaucoup aidés... outre la maison et l'argent qu’il nous a donnés, » a confié cet homme de 33 ans à Middle East Eye pendant notre entretien téléphonique vendredi. « Nous avons senti que nous devions faire quelque chose. »
Un incendie destructeur a pendant plusieurs jours embrasé Fort McMurray, ville pétrolière du nord de l'Alberta, ainsi que les zones environnantes, forçant la plupart des habitants de la ville – plus de 80 000 – à évacuer.
Devant un tel désastre, Nader a posté un message à l’intention du Groupe de soutien aux réfugiés syriens à Calgary. Il a, en arabe et en anglais, appelé les autres nouveaux arrivants syriens à aider les Canadiens déplacés par l'incendie.
« Les Canadiens nous ont tout donné et maintenant nous leur sommes redevables », a écrit Nader.
« La boucle est bouclée »
Les réfugiés syriens ont tout de suite répondu à l'appel de Nader et, avec l'aide de Rita Khanchet Kallas, autre nouvelle venue syrienne au Canada, il s’est mis à recueillir des promesses de 5 dollars de don, entre autres contributions envoyées par les familles dans la région de Calgary.
« Je suis prêt à collecter les objets. Je vais prendre ma voiture et passer dans les maisons des nouveaux arrivants syriens », a écrit Kallas sur la page Facebook.
L'argent recueilli a servi à acheter des articles de première nécessité dont pourraient avoir besoin les familles de Fort McMurray en attendant de rentrer chez elles, dont des produits d'hygiène et des vêtements.
« Cet élan de générosité a récompensé un an de travail acharné », a déclaré l'an dernier Saima Jamal, co-fondatrice bénévole du groupe de soutien aux réfugiés syriens à Calgary.
« Quand tous ces gens que nous avons secourus il y a à peine quelques mois, quand ils n’avaient que leur chemise sur le dos, se lèvent et disent, ‘’Eh, les gars, les Canadiens ont besoin de notre aide’’… j’ai ressenti une immense fierté », a-t-elle déclaré à Middle East Eye.
« La boucle est bouclée : je ressens maintenant tout l’intérêt du travail acharné des derniers mois en faveur de leur réinstallation. On a vraiment l’impression que tout ce que nous avons fait en valait la peine. »
« 99 corbeilles de l’espoir »
Depuis le 4 novembre 2015, le Canada a réinstallé près de 27 000 réfugiés syriens.
Walid Ajram et d'autres bénévoles ont recueilli des dons pour les réfugiés syriens arrivés à Calgary au début de l’année, dont la livraison de 150 paniers remplis de produits dont les familles syriennes pouvaient avoir besoin dans leurs nouvelles maisons.
Lorsqu’Ajram a vu qu’empirait la situation d'urgence dans le nord de l'Alberta, il a décidé, avec un autre bénévole, Charis Curtis, de rééditer la campagne des corbeilles, sous le nom cette fois de « 99 Hampers of Hope YMM » (« 99 corbeilles de l’espoir », suivi des trois lettres du code de l'aéroport de Fort McMurray).
Corbeilles et autres dons sont recueillis le samedi en plusieurs endroits de Calgary et dans les villes voisines. Ils seront ensuite remis aux centres d'hébergement pour familles déplacées à Edmonton ou Lac La Biche, en Alberta.
« La priorité des priorités, c’est d'aider les femmes et les enfants », explique Walid Ajram. Les bénévoles demandent donc des articles d'hygiène personnelle, des couches, des sous-vêtements et des chaussettes, et d'autres vêtements.
« Ces personnes se retrouvent vraiment comme des réfugiés. Ils ont dû fuir leur maison en moins de 15 minutes, et n’ont rien pu emporter, » a ajouté Ajram, arrivé de Syrie au Canada en 2005 et désormais citoyen canadien.
Les réfugiés syriens à Calgary ont fait don de tout l'argent possible pour soutenir la campagne des corbeilles, se réjouit-il.
« Ils n’ont rien et ils essaient d'aider. Ils essaient de montrer au Canada combien nous apprécions ce que vous avez fait pour nous ; maintenant, nous essayons de payer notre dette », a-t-il expliqué.
Ajram a souligné que les réfugiés syriens font partie de la communauté canadienne dans son ensemble qui a elle-aussi réagi à la crise. Il raconte qu'il a reçu des appels d’habitants de l’Ontario et d'autres régions du pays, lui demandant comment faire un don.
« Il y a trois ou quatre mois, j’ai été stupéfait de voir comment les Canadiens ont réagi à la crise syrienne... Nous recevions des soutiens de partout. Mais cette fois, ça ne m’étonne pas parce que je sais que c’est un pays formidable », s’est-il exclamé.
« Ça ne m’étonne pas de voir tous ces gens qui apportent leur aide, parce que pour eux, c’est tout naturel. »
Jusqu’à 85 000 hectares partis en fumée
Vendredi encore, le feu continuait ses ravages à Fort McMurray, et des panaches de fumée et de cendres s’élèvent toujours au dessus des incendies. Plus de 1 600 maisons et d’autres bâtiments ont été détruits à Fort McMurray jusqu'à présent, et de nombreuses familles sont contraintes de fuir sans rien emporter.
Trois cents pompiers au moins combattent les flammes au sol et du ciel, mais les responsables de l’Office des forêt sont convaincus que l'incendie ne pourra être maîtrisé sans l’aide d’importantes précipitations, et déploré jeudi qu’environ 85 000 hectares étaient déjà partis en fumée.
La Croix-Rouge canadienne a annoncé jeudi avoir récolté 11 millions de dollars pour financer les secours au niveau local, et le gouvernement fédéral a annoncé qu'il donnerait au groupe un montant équivalent aux dons individuels.
Selon Saima Jamal, environ 40 réfugiés syriens se sont portés volontaires pour venir en aide à Fort McMurray, que beaucoup de réfugiés commencent à appeler « Oil City » (« ville du pétrole »).
Elle a indiqué qu'elle s’attendait à ce que des réfugiés – dont certains n’ont pas encore obtenu d’emploi au Canada à cause de leur niveau d’anglais encore trop faible – se proposent pour contribuer à la reconstruction de Fort McMurray, une fois les résidents autorisés à retourner dans leur ville.
« C’est merveilleux de voir qu’ils ont pris cette initiative d’eux-mêmes », a-t-elle déclaré. « C’est la preuve que, même si l’on a pas grand-chose à offrir en retour, avec la bonne attitude et un bon esprit, on peut toujours donner un peu, ne serait-ce que 5 dollars. »
Ce soutien prouve que les Syriens sont déterminés à exprimer concrètement leur gratitude envers les villes canadiennes qui les ont recueillis.
« Ces gens sont un cadeau énorme pour nous », a déclaré Jamal, « et ce qu'ils font ici, à Calgary, est un exemple pour le monde entier. »
Traduction de l’anglais (original).
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