Deux Yézidies ayant survécu à l’EI remportent le prix Sakharov
Deux femmes yézidies qui ont survécu à l’épreuve cauchemardesque du kidnapping, du viol et de l’esclavage aux mains du groupe État islamique (EI) ont reçu jeudi le prix Sakharov « pour la liberté de l'esprit » décerné par le parlement européen, qui a salué leur « courage » et leur « dignité ».
Nadia Murad et Lamia Haji Bachar sont devenues des figures de la défense de la communauté yézidie, minorité kurdophone, pratiquante d’une ancienne religion de plus d’un demi million de croyants concentrés au nord de l’Irak.
« Elles ont une histoire douloureuse, tragique » mais « elles avaient le sentiment de devoir survivre pour porter témoignage », a souligné le président du parlement européen, Martin Schulz, en séance plénière à Strasbourg.
« Le courage de ces deux femmes, la dignité qu'elles représentent dépassent toutes les descriptions. »
Selon des experts de l'ONU, environ 3 200 Yézidis sont actuellement prisonniers de l'EI, la majorité en Syrie.
Attribué chaque année par le parlement européen, cette récompense doit son nom au scientifique dissident soviétique Andrei Sakharov, décédé en 1989, et honore ceux qui se battent contre l’intolérance, le fanatisme et l’oppression, et en conséquence, sont souvent victimes de leur gouvernement.
Nadia Murad, 23 ans, une jeune femme mince à la voix douce a été enlevée par l’EI à son domicile dans le village de Kocho, près de la ville de Sinjar au nord de l’Irak, en août 2014, et emmenée à Mossoul.
Elle a raconté que pendant sa captivité, elle avait été torturée et violée pendant trois mois jusqu’à ce qu’elle parvienne à s’échapper et à fuir en Allemagne.
Lamia Haji Bachar, également originaire de Kocho, aujourd’hui âgée de 18 ans, en avait 16 lorsqu’elle a été enlevée. Elle a vu sa famille et ses amis se faire assassiner par l’EI avant d’être réduite à l’esclavage et vendue.
Après vingt mois de captivité, elle s’est échappée mais est alors tombée entre les mains d’un directeur d’hôpital irakien qui abusa aussi d’elle et la viola, elle et plusieurs autres victimes.
Une vie vécue à travers un cauchemar
Lamia a également subi d’horribles brûlures sur son visage et a perdu son œil droit quand une de ses amies a marché sur une mine au moment où elles fuyaient le directeur d’hôpital.
Le massacre perpétré par les combattants de l’EI contre les Yézidis en 2014 a poussé des milliers d’entre eux à s’enfuir et a laissé une communauté déjà vulnérable sous la menace.
Les enquêteurs des Nations unies estiment que les attaques de l’EI contre les Yézidis représentent un effort prémédité pour exterminer une communauté entière – des crimes équivalent à un génocide.
Lors de ses discours et dans les entretiens qu’elle a accordés, Nadia Murad a exprimé sa frustration profonde de voir la communauté internationale abandonner son peuple entre les mains de violents criminels.
Lamia Haji Bachar a déclaré dans un message laissé avec Mirza Dinnayi, fondateur de l’organisation humanitaire gemano-irakienne Air Bridge Iraq : « très heureuse de ce prix parce que je l'ai remporté au nom des victimes yézidies ».
« Cette récompense est un message puissant (...) à notre peuple et aux plus de 6 700 femmes, filles et enfants devenus des victimes de l'esclavage et du trafic d'êtres humains de l'EI, disant que le génocide ne se répétera pas ».
L’an dernier, le parlement européen avait été attribué au blogueur saoudien Raef Badaoui, emprisonné pour « insulte à l'islam ».
Martin Schulz et les présidents des différents groupes politiques du parlement ont dû faire un choix difficile entre les deux jeunes femmes et deux autres personnalités en lice, le journaliste d'opposition turc Can Dündar et le leader historique des Tatars de Crimée Moustafa Djemilev.
Le prix Sakharov, doté de 50 000 euros, doit être remis aux lauréates lors d'une cérémonie le 14 décembre à Strasbourg.
Traduit de l'anglais (original).
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