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Devant l’objectif, les sourires de réfugiées syriennes au Liban

Quinze visages de réfugiées syriennes. Quinze sourires. Pour sa première exposition, « Demain ne changera rien… », Benoît Durand désirait mettre en avant les sourires de ces femmes réfugiées au Liban, contrastant avec leurs histoires tragiques
La photo de Rouloub, réfugiée au Liban depuis six ans, constitue l’affiche de l’exposition « Demain ne changera rien… » du jeune photographe Benoît Durand (avec l’aimable autorisation de Benoît Durand)

Au printemps 2016, Benoît Durand, alors âgé de 20 ans, voyage au pays du Cèdre dans le cadre d’un stage universitaire à la rédaction du journal francophone libanais L’Orient-Le Jour. Passionné par le Moyen-Orient, le Liban était pour lui un passage obligé pour appréhender cette région.

Après avoir rencontré des réfugiés afghans et syriens dans un camp de Rome en 2015, le jeune étudiant s’intéresse à l’histoire de l’exode et de la migration des peuples. Profitant de son séjour à Beyrouth, il décide de se rendre compte par lui-même de la réalité de la plus grande crise humanitaire de ce début de XXIe siècle.

Avec l’aide des frères franciscains de Zahlé, dans la vallée de la Bekaa, le photographe autodidacte se rend dans le camp d’El Fayda, aujourd’hui dissout, où sont regroupés plus de 500 réfugiés syriens. Là-bas, il parvient à participer à la vie des familles, avant d’entamer son travail photographique consacré aux femmes présentes dans ce camp. Un temps d’apprivoisement indispensable, explique-t-il à Middle East Eye :  

« On ne prend pas de photos au début car il faut s’intégrer. Il fallait qu’elles acceptent ma présence et qu’elles comprennent ma démarche. Plusieurs rencontres auront été nécessaires avant que je puisse commencer à les prendre en photo. »

En prenant le temps de les connaître personnellement, Benoît Durand crée de véritables liens avec ces femmes, lui permettant ainsi d’immortaliser leurs rires et sourires.

Avec son fils Mehir, Samar n’a qu’un seul souhait : reprendre ses études. Elle avait 16 ans lorsque les premières bombes sont tombées sur le chemin de l’école (avec l’aimable autorisation de Benoît Durand)

Car voilà bien l’objectif de son projet, détourner les regards de la sombre réalité de la crise des réfugiés pour en offrir une vision plus humaine. Alors que les images de réfugiés fuyant la guerre en Syrie défilent sur nos écrans depuis plus de cinq ans, le jeune photographe parisien désirait sensibiliser le public européen en lui offrant, sinon une identification aux personnes photographiées, au moins une meilleure compréhension de leurs histoires.

« La photo d’affiche de l’exposition est celle de Rouloub, réfugiée au Liban depuis six ans. J’ai réussi à la faire sourire à l’évocation de son meilleur souvenir de jeunesse. Pudique, elle s’est mise à rire en se cachant avec ses mains. C’est là que j’ai pris la photo, en contraste total avec sa légende, qui décrit son périple semé de bombes pour arriver au Liban, seule, avec ses cinq enfants.

« Beaucoup de grands photographes ont déjà travaillé sur la crise des réfugiés, je voulais donc l’aborder sous un angle différent. Il fallait toucher les gens autrement. »

Une fois terminé, son projet fait l’objet du tout premier vernissage de son école, l’École Française de Journalisme (EFJ), basée à Paris. Inaugurée lors de la journée internationale des droits des femmes le 8 mars, l’exposition rend hommage à ces femmes que le photographe considère comme le pilier de toutes sociétés.

Les vêtements des enfants sèchent au soleil sur les grillages du camp d’El Fayda. Avec des moyens de fortune, la vie continue malgré tout… (avec l’aimable autorisation de Benoît Durand)

En dépassant les barrières de genre, de langue et de religion, le jeune photographe a voulu entendre de vive voix les témoignages de ces réfugiées. Chaque entretien commençait automatiquement par leur fuite de Syrie et l’horreur du conflit qu’elles ont subi. Pourtant, à la question des souvenirs heureux, toutes se mettaient à rire et à sourire, offrant ainsi des histoires fortes dépassant le récit de guerre.

Comme celle de Fatima, qui a fui Alep en 2015 et dont les yeux s’illuminent au souvenir de la naissance de son aîné. Si pour elle, « la Syrie, c’est fini », elle garde l’espoir de retrouver son frère porté disparu depuis quatre ans.

Pour Fatima, qui a fui Alep en 2015, « la Syrie, c’est fini » avec l’aimable autorisation de Benoît Durand)

Récemment parti en Serbie, Benoît Durand y a suivi un groupe de réfugiés tentant de traverser la frontière croate dans l’espoir de poursuivre leur périple vers l’Europe pour une vie meilleure.

Avec cette expédition, le jeune homme a souhaité cette fois partir à la rencontre des réfugiés, en l’occurrence uniquement des hommes, ayant réussi la traversée de la Méditerranée. Pour ce projet, le photographe a voulu exposer la condition de ces hommes oubliés des médias et condamnés à errer sur les routes.

À LIRE : Le dangereux périple vers l’Europe

Malgré son jeune âge, Benoît Durand a déjà tout d’un grand photographe, s’effaçant totalement derrière son objectif. Pour lui, « la photographie est la capture d’un instant particulier ouvrant le champ libre à l’interprétation. Aborder de telles questions de société rend ce travail beaucoup plus riche et intense. Il faut aller chercher l’image et faire en sorte que les gens acceptent de la donner. C’est un échange perpétuel ».

L’exposition « Demain ne changera rien… » est à retrouver sur le site personnel de Benoît Durand, ainsi que sur Instagram @benoitdrd. Le photographe peut également être contacté via Twitter @benoitdrd.

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