« Donne-moi ta main » : un artiste algérien chante pour plus de solidarité avec les migrants
ALGER – « J’espère qu’à travers cette vidéo, les gens vont se mettre à la place des migrants et se souvenir des valeurs comme l’hospitalité chaleureuse, qui à chaque fois me rendent fier d’être Algérien ».
Le message de l’artiste algérien Sadek Bouzinou, plus connu sous le nom de Democratoz, passe déjà très bien : son clip, « Donne-moi ta main », diffusé le 19 août pour la Journée mondiale de l’aide humanitaire, a enregistré près de 10 000 vues en moins de trois jours.
On y voit une jeune actrice algérienne, Ikram Yemmi, dont c’est le premier rôle, jouer une migrante subsaharienne. Avant que la musique commence, l’histoire raconte comment, après avoir survécu à un massacre dans lequel toute sa famille a été tuée, elle arrive en Algérie après être passée par un camp de réfugiés et avoir traversé des milliers de kilomètres.
Puis on la voit aux prises avec les dangers de la rue, agressée, exclue, jusqu’à ce qu’elle ne parvienne plus à reconnaître ceux qui lui veulent du bien.
Selon les estimations des associations algériennes, il y aurait en Algérie 100 000 migrants (sans-papiers), et selon celles du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), 7 000 réfugiés. Et ces populations sont parfois la cible de comportement racistes, de la part de la société, mais aussi des politiques.
Début juin, une violente campagne qualifiant les migrants de « rats », les accusant d’être « porteurs de maladies » et des « violeurs s’adonnant à tous les crimes » avait été lancée par des Algériens anonymes sur les réseaux sociaux, appuyée par certains médias.
Mais elle avait aussitôt été contrée par d’autres Algériens désireux de montrer que ces propos racistes ne reflétaient pas l’ensemble de la société. Certains avaient même diffusé des selfies pris avec les migrants et rappelé que les Algériens sont… aussi des Africains.
Traduction : « Des Algériens au grand cœur »
Mais début juillet, des politiques algériens avaient à leur tour dérapé. Ahmed Ouyahia, récemment nommé Premier ministre, leader du deuxième parti d’Algérie, le Rassemblement national démocratique (RND), à l’époque directeur de cabinet de la présidence, avait notamment déclaré : « Les étranger en séjour irrégulier amènent le crime, la drogue et plusieurs autres fléaux. »
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« J’ai été touché par les incidents violents contre les migrants subsahariens en Algérie, dont on entend parler de plus en plus depuis environ deux ans », explique Sadek Bouzinou. « Ça a commencé avec des agressions quotidiennes contre les migrants dans ma ville natale, Oran [à l’ouest], comme par exemple le viol d’une femme noire par plusieurs hommes qui n’a pas trouvé de soutien, les incidents violents à Béchar suite à des rumeurs de viol sur une fillette – qui se sont avérées fausses – puis aussi les expulsions de migrants qui, selon plusieurs médias, ont ressemblé à une ‘’chasse à l’homme noir’’. »
Dans sa chanson, l’artiste oranais, aussi membre du collectif Solidarité Migrants Algérie, rappelle les origines africaines, la culture et l’histoire partagée entre son pays et le reste de l’Afrique.
« Ô mon frère algérien, fils de l'Afrique, donne-moi ta main. Ô mon frère algérien, Ô enfants de l'Afrique, donnez-moi votre main. Votre cœur est grand, connu pour son hospitalité, pourquoi avez-vous peur ? Que ce soit blanc ou noir, si quelqu'un a besoin d'aide, ouvrez la porte ! », chante-t-il.
En octobre dernier, à l’occasion de la campagne « I welcome » (J’accueille) pour la protection des réfugiés, Amnesty International Algérie avait lancé une série de pastilles vidéo pour sensibiliser les Algériens au quotidien des migrants, et demandé aux autorités de protéger les migrants contre les violences et plaidé pour la création d’une législation nationale sur l’asile – ce à quoi s’était engagé l’ex-Premier ministre Abdelamdjid Tebboune après sa nomination en mai.
« Nous sommes tous des Africains », conclut Sadek. « J’invite tout le monde à donner la main à nos sœurs et à nos frères réfugiés ».
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