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EXCLUSIF : Énorme augmentation des ventes d’armes secrètes de la Grande-Bretagne à l’Arabie saoudite

Alors que Mohammed ben Salmane doit se rendre mercredi à Londres pour rencontrer Theresa May, le Royaume-Uni est accusé d’avoir dissimulé la véritable ampleur de son soutien à la guerre au Yémen
Un jet Typhoon fabriqué par BAE Systems et exploité par les forces aériennes saudiennes (Creative Commons)

LONDRES – Le Royaume-Uni est accusé d’avoir dissimulé la véritable ampleur de son soutien à la campagne de bombardement du Yémen par l’Arabie saoudite via le recours accru à des licences secrètes d’exportation d’armes, selon des informations recueillies par Middle East Eye.

Mohammed ben Salmane, prince héritier saoudien et principal architecte de la guerre au Yémen, doit se rendre mercredi à Londres pour rencontrer la Première ministre Theresa May.

Le Royaume-Uni a utilisé des licences d’armement standard pour approuver plus de 6,4 milliards de dollars (environ 5 milliards d’euros) de vente d’armes à l’Arabie saoudite depuis le début de la guerre au Yémen en 2015, notamment des jets et munitions avancés.

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Mais les chiffres consultés par MEE montrent que le gouvernement a activement supervisé une augmentation de plus de 75 % de l’utilisation de « licences ouvertes » secrètes pour approuver des ventes d’armes supplémentaires au royaume, y compris des pièces vitales pour les avions qui visent le Yémen.

Les règles relatives aux licences ouvertes ont été mises à jour par le gouvernement en 2015. Elles sont difficiles à suivre et permettent d’envoyer plusieurs cargaisons d’armes vers la même destination sans examen public ni surveillance parlementaire.

Le gouvernement a maintes fois défendu ses exportations d’armes vers l’Arabie saoudite, un allié capital pour sa sécurité et dans la région, mais Emily Thornberry, ministre travailliste des Affaires étrangères du cabinet fantôme, a accusé le gouvernement de Theresa May d’essayer de « cacher son rôle dans l’alimentation » de la guerre au Yémen. 

Des Yéménites fuient une attaque aérienne (AFP)

« Au lieu de prendre ses responsabilités pour aider à faire cesser cette guerre épouvantable, le gouvernement essaie simplement de cacher son rôle en l’alimentant », a-t-elle déclaré à MEE.

Le mois dernier, MEE a révélé que la coalition menée par l’Arabie saoudite enquêtait sur moins de 15 % des 300 violations du droit international qui auraient été commises par ses forces dans le pays.

Selon les militants anti-armes, ces licences ouvertes comprennent des pièces de rechange pour les avions de combat et les missiles et jouent un rôle capital dans le conflit, car elles sont essentielles pour maintenir l’aviation saoudienne dans les cieux yéménites. 

« Sans les ventes d’armes, les pièces de rechange et l’aide du Royaume-Uni et des États-Unis, la campagne aérienne au Yémen s’arrêterait dans les 48 heures », affirme une ancienne source militaire.

« Les armes britanniques jouant un rôle central dans la guerre en cours au Yémen »

Les données, compilées par la Campagne contre le commerce des armes (CAAT), montrent que l’année dernière, 36 licences ont été accordées pour 707 éléments de matériel militaire ou à double usage destinés à l’Arabie saoudite, contre 28 licences et 163 kits militaires en 2015.

Au total, le gouvernement a approuvé 85 licences ouvertes distinctes et plus de 1 127 éléments de matériel militaire ou à double usage dans le cadre de ce système depuis le début du conflit au Yémen. Il s’agit notamment de licences pour les composants d’avions et d’hélicoptères.

Le système de licence ouverte signifie que les fabricants d’armes n’ont pas à déclarer la valeur des armes, ni leur nature exacte. Il est également très difficile de savoir combien de missiles, de mitrailleuses, de fusils de précision et de composants pour les avions de guerre et hélicoptères militaires le Royaume-Uni ont effectivement été envoyés en Arabie saoudite en vertu de ces licences.

Le château d’al-Qahira, qui surplombe la ville de Ta'izz, touché par des frappes de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite (Twitter/@AmyFeldtmann)

Cependant, selon Andrew Smith, porte-parole du CAAT, ces chiffres suggèrent « que l’ampleur des ventes d’armes à l’Arabie saoudite est encore plus importante que ce à quoi nous nous attendions ».

« Des dizaines de millions de livres de matériel meurtrier reçoivent une licence, avec encore moins de transparence que d’habitude », précise-t-il à MEE. « Les armes britanniques jouant un rôle central dans la guerre en cours au Yémen, et avec le prince héritier en visite mercredi, il est clair que ce gouvernement s’inquiète davantage des exportations d’armes et de ses relations avec la dictature saoudienne que de la vie du peuple yéménite. »

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Oliver Feeley-Sprague, directeur du contrôle des armes pour Amnesty International UK, explique à MEE : « L’augmentation spectaculaire du recours à ce type de licences ouvertes ouvre la porte à des augmentations massives d’envois impossibles à surveiller correctement et qui ne peuvent être contrôlées efficacement par le Parlement ou par le public. »

« Étant donné que nous parlons d’une période au cours de laquelle les bombardements aveugles de la coalition militaire menée par l’Arabie saoudite au Yémen ont fait des milliers de morts ou blessés, la multiplication des licences ouvertes saoudiennes est extrêmement préoccupante. »

La visite de ben Salmane à Londres cette semaine devrait mettre en lumière l’ampleur des exportations d’armes britanniques vers l’Arabie saoudite et leur utilisation dans la guerre du Yémen. 

Traduit partiellement de l’anglais (original) par VECTranslation.

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