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La guerre israélienne à Gaza réduit au silence ses mosquées historiques

Alors que plus de 300 mosquées ont été endommagées, un vide se fait sentir à travers Gaza, où l’appel à la prière est désormais absent
Le soleil se couche derrière le minaret d’une mosquée à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 29 décembre 2023 (AFP)
Par Ruwaida Amer à GAZA, Palestine occupée

Dans une série de frappes ciblées lors de son actuelle campagne de bombardements sur Gaza, l’armée israélienne a ravagé des dizaines de mosquées, dont l’emblématique mosquée al-Omari, réputée pour son importance historique et archéologique.

Les Palestiniens, tant à Gaza que dans la diaspora, pleurent la perte d’une mosquée au patrimoine unique.

Depuis le 7 octobre, les forces israéliennes ont détruit totalement ou partiellement plus de 300 mosquées et trois églises. Dès lors, les quartiers concernés souffrent désormais d’un vide pendant les heures de prière, car l’adhan n’y résonne plus.

« Nous n’entendons plus l’appel à la prière dans notre quartier à cause de la destruction complète de la partie orientale de la ville, dont les mosquées », déplore Khaled Abu Jame, un Palestinien de 25 ans habitant la ville méridionale de Khan Younès.

« Les habitants d’ici écoutent désormais l’appel à la prière sur leur téléphone. Cette guerre ne ressemble à rien de ce que nous avons connu auparavant. Les mosquées, symboles de notre foi, ont été prises pour cible de manière aveugle. »

Évoquant les souvenirs précieux qu’il associe à la mosquée al-Omari, Khaled Abu Jame souligne son rôle central dans la vie quotidienne des Gazaouis.

« Nous gardons de beaux souvenirs de la mosquée. Nous y priions quotidiennement, y accomplissions les prières du Ramadan et de l’Aïd, lisions le Coran et rencontrions nos amis », raconte-t-il à Middle East Eye.

« Le cœur de la communauté »

Khaled Abu Jame indique que les mosquées sont profondément ancrées dans la vie des habitants depuis leur enfance. L’appel à la prière sert de réveil matinal et la mosquée constitue un point de repère pour tous, explique-t-il.

C’est davantage qu’un simple bâtiment ; elle représente « le cœur de la communauté ».

Pour cet habitant, la reconstruction du quartier est étroitement liée à celle des mosquées, puisque celles-ci ne sont pas secondaires mais bien au contraire le fondement principal de leur vie.

La mosquée al-Omari ou Grande Mosquée de Gaza a été bâtie sous le règne du calife Omar ibn al-Khattab. Autrefois temple romain puis église, elle est devenue la plus grande mosquée de Gaza après la conquête islamique. Située dans la vieille ville de Gaza, près de la place de Palestine, elle s’étend sur 4 100 m² et dispose d’une cour de 1 190 m² pouvant accueillir plus de 3 000 fidèles.

Des Palestiniens passent devant une mosquée détruite dans la ville de Gaza, le 24 novembre 2023 (AFP)
Des Palestiniens passent devant une mosquée détruite dans la ville de Gaza, le 24 novembre 2023 (AFP)

« Je n’aurais jamais pensé que cette guerre détruirait les mosquées », déplore Saeed Labad, originaire de Gaza. L’homme de 45 ans vit désormais en Turquie, mais sa famille réside près de la mosquée al-Omari à Shuja’iyya, dans la ville de Gaza.

« J’y ai assisté à toutes les prières. C’est un lieu ancien et précieux que mes enfants adorent. Je me demande pourquoi elle a été détruite ; la mosquée menace-t-elle les occupants ? »

Il ajoute que des dizaines d’autres mosquées, comme celle d’al-Hasayna, près du port de Gaza, ont été rasées.

« Ces mosquées sont les dépositaires de nos souvenirs, surtout ceux du Ramadan. Cette guerre a tout anéanti. J’espère que Gaza sera reconstruite après la guerre, que je pourrai revivre ces beaux moments et revisiter ces lieux avec ma famille. »

Les attaques persistantes contre les mosquées de Gaza ont conduit de nombreux Palestiniens à croire qu’ils n’étaient pas en sécurité même pendant les prières. Malgré la peur, beaucoup refusent toutefois de cesser de fréquenter ces lieux de culte, exprimant ainsi leur résilience face aux attaques.

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« Je n’hésiterai pas à aller à la mosquée. Si j’y meurs, ce sera une belle fin à ma vie », affirme Khaled Islim, 30 ans, de Khan Younès.

« Les mosquées ne présentent aucun danger. Nous les reconstruirons, nous ferons résonner l’appel à la prière au milieu des ruines. Voir des Corans déchirés et brûlés sous les décombres est douloureux, c’est un reflet de l’injustice à laquelle Gaza est confrontée. »

Le ministère du Tourisme et des Antiquités a condamné la destruction de la mosquée al-Omari, qui s’inscrit selon lui dans le cadre d’un plan israélien visant à effacer le patrimoine palestinien.

Le ministère a déclaré que cet acte violait les traités internationaux, notamment la Convention de La Haye de 1907, la quatrième Convention de Genève de 1949 et les conventions de l’UNESCO sur la protection des biens culturels.

Notant que les racines historiques de la mosquée remontaient à un monastère byzantin du Ve siècle, le ministère a considéré sa destruction comme un « crime contre le patrimoine culturel du peuple palestinien », symbole de son lien avec la terre.

Il a par ailleurs énuméré d’autres infractions israéliennes, notamment la destruction de sites archéologiques tels que le vieux port de Gaza, l’église Saint-Porphyre, la mosquée de Jabalia et de nombreux bâtiments historiques et musées. Le ministère a demandé à l’UNESCO et à la communauté internationale de contraindre Israël à « cesser son agression contre le peuple palestinien et son patrimoine », soulignant que de tels actes ne dissuaderaient pas « la détermination du peuple palestinien pour la liberté et l’indépendance ».

Traduit de l’anglais (original).

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