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L’Irak, nouvelle destination à la mode pour les touristes occidentaux

Alors qu’en 2021, plus de 100 000 touristes venus de France, des États-Unis ou même de Norvège ont visité l’Irak, le gouvernement ambitionne de développer des infrastructures comme des aires de repos sur les sites ou de nouveaux musées
Une touriste étrangère visite l’ancienne ville de Babylone, à 100 km au sud de Bagdad, le 7 mars 2022 (AFP/Ahmad al-Rubaye)
Une touriste étrangère visite l’ancienne ville de Babylone, à 100 km au sud de Bagdad, le 7 mars 2022 (AFP/Ahmad al-Rubaye)
Par AFP à HILLA, Irak

Devant la porte d’Ishtar, immense ouvrage de briques bleues reconstruit sur le site archéologique de Babylone, Ileana Ovalle pose pour une photo. Comme elle, des dizaines d’Européens et d’Américains partent à la découverte de l’Irak, qui s’ouvre doucement au tourisme mondial.

En voyage organisé ou seuls avec un sac à dos, retraités ou YouTubeurs célèbres explorent, malgré des infrastructures touristiques quasi-inexistantes, les sites qui témoignent d’une histoire plurimillénaire rivalisant avec celle de l’Égypte, de la Syrie ou de la Jordanie.

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À Bagdad ou à Mossoul, ancien bastion du groupe État islamique (EI) dans le nord, ils déambulent dans des rues qui portent les stigmates de conflits ayant longtemps isolé le pays.

« L’Irak faisait partie de mon ‘’top trois’’ des destinations », confie Ileana Ovalle, quinquagénaire de Californie.

« Je suis super enthousiaste à l’idée de tout voir ici, le berceau des civilisations », ajoute celle qui a visité une quarantaine de pays.

Derrière ce mini-boom touristique : les visiteurs étrangers peuvent obtenir leur visa à l’arrivée en Irak depuis un an. C’est ainsi qu’avec quatorze autres touristes, la touriste participe au voyage organisé par l’agence irakienne Bil week-end.

« Ce qui m’a frappée, c’est la chaleur et la générosité des Irakiens. Ils vous accueillent avec le sourire, ils sont fiers de leur pays », ajoute la touriste américaine.

« N’allez pas en Irak »

La porte d’Ishtar garde l’une des huit entrées de la capitale antique de Babylone érigée par les Mésopotamiens il y a plus de 4 000 ans. Dans cette cité située à une centaine de kilomètres au sud de Bagdad, les herbes folles poussent parmi les vieilles briques et des ordures jonchent le sol.

Après l’invasion de l’Irak emmenée par les États-Unis en 2003, une base militaire accueillant soldats américains et polonais avait élu domicile quasiment sur le site de Babylone.

La porte d’Ishtar garde l’une des huit entrées de la capitale antique de Babylone érigée par les Mésopotamiens il y a plus de 4 000 ans (AFP/Hussein Faleh)
La porte d’Ishtar garde l’une des huit entrées de la capitale antique de Babylone érigée par les Mésopotamiens il y a plus de 4 000 ans (AFP/Hussein Faleh)

« La notice de voyage de mon gouvernement dit ‘’N’allez pas en Irak, c’est dangereux, vous risquez d’être kidnappés, il y a souvent des violences’’ », reconnaît Justin Gonzales, un New-Yorkais de 35 ans. « Mais je n’ai rien vu de tout cela. »

Entre l’invasion, le sanglant conflit confessionnel qui a suivi, puis la montée en puissance de l’EI, l’Irak a surtout fait les gros titres pour une actualité violente.

Aujourd’hui, plusieurs pays occidentaux déconseillent toujours formellement de se rendre en Irak. Outre les États-Unis, la France qui évoque des « risques d’enlèvement ».

Pourtant, Bagdad veut faire décoller son secteur touristique, en relevant de nombreux défis.

Si dans les villes saintes chiites de Kerbala et de Nadjaf, au sud de Bagdad, des hôtels accueillent les pèlerins iraniens par milliers chaque année, dans le reste du pays « il faut des infrastructures, des investissements privés, pour avoir des hôtels, des autocars », confie à l’AFP le propriétaire de l’agence Bil week-end, Ali al-Makhzoumi.

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Depuis moins d’un an, il accueille chaque mois entre 30 et 40 touristes. Mais il appelle son gouvernement à s’investir pour « faciliter et organiser » le travail.

En 2021, plus de 107 000 touristes sont allés en Irak, en provenance de France, Turquie, Royaume-Uni, États-Unis ou Norvège, contre 30 000 en 2020, selon des chiffres de l’autorité du Tourisme.

Le gouvernement ambitionne de développer ses infrastructures comme des aires de repos sur les sites ou de nouveaux musées.

Le musée national de Bagdad vient d’ailleurs de rouvrir, après trois ans de fermeture. La mythique rue des bouquinistes à Bagdad, al-Moutanabi, s’est offert un lifting en décembre.

Ur, la cité natale du patriarche Abraham, père des monothéismes, attire désormais les Occidentaux, enhardis par la visite historique du pape François en 2021.

Le gouvernement « a autorisé l’obtention d’un visa à l’arrivée. Mais pour le reste, tout est encore compliqué », déplore Aya Saleh, qui a fondé l’agence de voyage Safraty.

« La moitié du voyage est perdue aux barrages [des forces de l’ordre] sur les routes, même si nous avons les autorisations nécessaires. »

Malgré le casse-tête, l’engouement est réel, surtout chez les blogueurs qui inondent YouTube : « Explorer Bagdad de nuit avec une Irakienne, c’est sûr? » « Explorer Bagdad, c’est si dangereux? », « Deux Allemands seuls en Irak ».

L’Écossaise Emma Witters, 54 ans et plus de 70 000 abonnés sur YouTube, en est à son second voyage en Irak. « J’aime aller dans des endroits qui ne sont pas encore touristiques. »

« Après tout ce qu’ils ont vécu, on pourrait croire que les Irakiens sont des gens tristes », dit-elle. « Mais ils sont tellement heureux de voir des étrangers et ils sont si généreux qu’ils vous invitent chez eux ».

Par Laure Al Khoury.

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