« Je veux juste survivre » : les réfugiés syriens éreintés par la succession de tempêtes au Liban
QOB ELIAS, Liban – Lorsque la tempête Norma a ravagé le Liban la semaine dernière, Mahmoud, un réfugié syrien qui vit dans un campement avec son épouse et ses enfants depuis cinq ans et demi, a tenté de stabiliser son habitation du mieux qu’il pouvait.
Néanmoins, sans béton pour couvrir la terre autour de lui, la pluie a rapidement inondé son espace de vie et les toilettes adjacentes. Les eaux usées mélangées à la boue ont formé un mélange toxique et rendu malades tous les membres de la famille de Mahmoud, ainsi que leurs voisins.
« Il y avait de l’eau partout et nous ne pouvions pas y faire grand-chose », a confié l’homme de 36 ans à Middle East Eye samedi après-midi, deux jours avant l’arrivée prévue d’une deuxième tempête.
« Les couvertures et les matelas sur lesquels nous dormons encore ne sont toujours pas secs et nous allons une nouvelle fois devoir faire face à la pluie, au vent et au froid. »
Selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), la tempête a eu de graves conséquences pour environ 11 000 réfugiés syriens.
« Nous plaidons pour pouvoir utiliser des éléments plus robustes pour les abris plutôt que de simples toiles de plastique et du bois. Nous clarifions auprès de toutes les parties concernées le fait que des structures améliorées ne sont pas synonymes de structures permanentes »
- Mireille Girard, représentante du HCR au Liban
Ceux qui vivent dans des conditions précaires à plus haute altitude ont été frappés par les vents violents et la neige qui ont provoqué l’effondrement total des tentes. À Minieh, dans le nord du Liban, une jeune Syrienne de 8 ans a été tuée. À travers la Bekaa, qui abrite la majorité des réfugiés syriens vivant au Liban, les fortes pluies ont provoqué des inondations massives.
Bien qu’ils fassent les frais de conditions hivernales extrêmes depuis près d’une décennie, les réfugiés syriens n’ont connu aucune amélioration de leurs conditions de vie au Liban.
Par crainte de voir les réfugiés syriens rester de manière permanente dans le pays, les déplacés syriens vivant dans des campements ne sont pas autorisés à y établir des constructions avec des matériaux robustes.
« Il y a un certain nombre de raisons qui expliquent pourquoi les réfugiés et les organisations humanitaires qui leur viennent en aide ne peuvent pas construire des structures de vie plus solides », a déclaré à Middle East Eye Mireille Girard, représentante du HCR au Liban.
« Nous plaidons pour pouvoir utiliser des éléments plus robustes pour les abris plutôt que de simples toiles de plastique et du bois. Nous clarifions auprès de toutes les parties concernées le fait que des structures améliorées ne sont pas synonymes de structures permanentes ; elles demeurent temporaires. Elles aident simplement à assurer une meilleure prévention et une meilleure protection des personnes en cas de conditions météorologiques difficiles. »
Pour Mahmoud et beaucoup de réfugiés comme lui, rester au Liban et survivre à un hiver rigoureux sans provisions suffisantes n’est pas un choix.
« Ma famille et moi n’avons nulle part où retourner. Nous venons d’une ville proche d’Idleb. Notre maison a été rasée. Nous préférons endurer le froid et les tempêtes [au Liban] plutôt qu’aller affronter la mort [en Syrie] », a-t-il déclaré.
Un demi-kilomètre plus loin, Yasser Hurrat, 34 ans, a aidé d’autres réfugiés à reconstruire des systèmes de drainage avant la tempête qui s’annonçait. Le sol est encore boueux à cause des précipitations et des allées et venues des réfugiés.
« Ma famille et moi n’avons nulle part où retourner. Nous venons d’une ville proche d’Idleb. Notre maison a été rasée. Nous préférons endurer le froid et les tempêtes [au Liban] plutôt qu’aller affronter la mort [en Syrie] »
- Mahmoud, réfugié syrien
En tant que chef d’un campement informel d’environ 200 personnes, ou shawish, Hurrat est responsable de l’organisation de la petite communauté et de la communication avec le propriétaire auquel les réfugiés louent leur parcelle.
« Certains enfants ont été transférés dans une école à Bar Elias pour une nuit, mais presque tout le monde est resté pour protéger ses biens et vider l’eau des maisons », a déclaré Hurrat.
Wasel Khodor faisait partie des réfugiés qui sont restés.
L’homme de 46 ans a rassemblé ses trois fils, dont l’aîné n’a pas plus de 11 ans, et exprimé sa fierté de les avoir tous vus travailler jusqu’à l’aube pour que leur tente puisse tenir debout.
Selon le HCR, les réfugiés les plus vulnérables se sont vu proposer des logements temporaires en dehors des camps, mais tout le monde n’a pas accepté de s’installer ailleurs.
« Toutes nos affaires sont ici », a déclaré Khodor à Middle East Eye pour expliquer pourquoi sa famille était restée malgré la météo.
La tempête Miriam, qui a culminé mardi soir, a occupé les organisations humanitaires, dont le personnel s’est affairé à distribuer des couvertures et des vêtements et à reloger les réfugiés souhaitant partir. Mardi soir, le ministre libanais de l’Éducation Marwan Hamadé a annoncé la fermeture des écoles le lendemain.
Comme Mahmoud, Hurrat est originaire de la région d’Idlib, tandis que Khodor a grandi près d’Alep. Aucun d’entre eux ne peut imaginer un retour en Syrie pour le moment ; malgré les conditions maussades qu’ils connaissent au Liban, ils concèdent qu’au moins, ils ont pu y créer leur propre « communauté ».
Selon l’agence des Nations unies pour les réfugiés, environ 88 % des réfugiés syriens vivant au Liban souhaitent rentrer chez eux : Hurrat, Mahmoud et Khodor sont donc minoritaires.
Si le HCR ne les a pas poussés à repartir en raison de l’instabilité persistante en Syrie, le gouvernement libanais a fortement préconisé et facilité leur retour.
À l’automne, le major général Abbas Ibrahim, à la tête de la Direction générale de la Sûreté générale du Liban, a déclaré à l’agence de presse Reuters que près de 50 000 réfugiés syriens étaient rentrés dans leur pays d’origine.
Le sort de beaucoup de ces réfugiés demeure cependant inconnu, dans la mesure où les organisations humanitaires ne peuvent pas opérer aisément sous le gouvernement de Bachar al-Assad et alors que la guerre se poursuit.
« C’est la réalité à laquelle nous sommes confrontés et je veux juste survivre, faire ce qu’il y a de mieux pour ma famille », a confié Wasel Khodor.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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