Le monde selon Marine Le Pen : souveraineté et repli sur soi
Dès le début de son programme, Marine Le Pen avertit, « cette élection présidentielle mettra face à face deux visions. Le choix ‘’mondialiste’’ […] qui veut l’abolition de toutes les frontières, économiques et physiques, et qui veut toujours plus d’immigration et moins de cohésion entre les Français. Le choix patriote de l’autre, qui […] veut la protection de notre identité nationale, notre indépendance […] ».
Le programme international de Marine Le Pen reflète ainsi sa devise en matière de politique intérieure : « la préférence nationale ». Non–alignement donc, souveraineté des nations, intérêts nationaux comme seuls points à défendre. « Je refuse le repli. Je refuse l’alignement », martèle-t-elle.
Sa diplomatie aura deux piliers : « l’indépendance et l’équilibre », rejetant « la logique des blocs » et posant que la France portera « la voix d’un monde multipolaire ».
Marine Le Pen se donne même le luxe de citer Charles de Gaulle, qui a impulsé la politique d’indépendance de la France : « Les États n'ont pas d'amis, que des intérêts », disait le général. La présidente du Front national (FN) en appelle donc à la realpolitik. S’en suit une logique de non-ingérence, qu’elle décline sur tous les abcès de fixation qui scandent les relations internationales.
Autre axe majeur de son programme de politique étrangère, la lutte contre la menace de « l’islamisme » – compris comme synonyme de terrorisme – qui est agitée ad nauseam tant au niveau national qu’international.
Petit tour d’horizon de la vision frontiste des relations internationales, de la diplomatie dont Marine Le Pen entend doter la France au Moyen-Orient si elle est élue, et des défis que font peser les troubles dont est victime cette région du monde sur le territoire national.
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La place de la France dans le monde : La candidate entend engager la France « au service d’un monde multipolaire fondé sur l’égalité en droit des nations, leur concertation permanente et le respect de leur indépendance ». Sur la base du réalisme, elle souhaite que la France reprenne son rôle « de puissance de stabilité et d’équilibre ».
Cela passe par une réduction de l’interventionnisme français à l’étranger. Pour elle, « au cours des dix dernières années, la France a été belliciste, la France a cru résoudre par la guerre des questions politiques, religieuses, ethniques, d’une complexité qui exclut toute solution simple ».
La France de Marine Le Pen s’appuiera aussi sur « les liens entre les peuples qui ont le français en partage » et « une véritable politique de co-développement avec les pays d’Afrique, fondée prioritairement sur l’aide au développement ».
L’OTAN : Marine Le Pen entend, si elle est élue, quitter le commandement militaire intégré de l’OTAN « pour que la France ne soit pas entraînée dans des guerres qui ne sont pas les siennes ».
Pour contrebalancer ce retrait, elle souhaite assurer au pays une capacité de défense autonome dans tous les domaines. Cela passe par l’augmentation du budget de la Défense à 2 % du PIB dès la première année du mandat (aux alentours de 3 % vers la fin du quinquennat) et par le rétablissement progressif du service militaire (obligatoire, de trois mois minimum).
Haro sur l’Europe : C’est le premier point des 144 que compte son programme. Si elle est élue, une négociation sera engagée avec les partenaires européens, suivie d’un référendum sur le maintien de la France dans l’Union européenne. « L’objectif est de parvenir à un projet européen respectueux de l’indépendance de la France, des souverainetés nationales et qui serve les intérêts des peuples ».
Dans la foulée, elle fera rétablir les frontières nationales et sortira de l’espace Schengen. Pour elle, les relations internationales ont toujours pour acteurs principaux les États-nations ; or l’Europe aurait, selon elle, mis « la France en retard sur le monde ».
Vis-à-vis des États-Unis… : On se souviendra de l’épisode de Marine Le Pen aperçue à la cafétéria de la Trump Tower de New-York. Pourtant, ses mots vis-à-vis de la politique états-unienne sont tranchés : les États-Unis auraient fait preuve d’un « aventurisme stratégique qui a pu les conduire à porter atteinte à ce que nous considérons comme nos intérêts ». Et de citer : « destruction de l’Irak, de la Syrie, de la Libye avec le déferlement de millions de migrants, l’instauration d’un déséquilibre en Méditerranée ; les jeux dangereux avec les milices islamistes ; le renforcement de la présence russe en Méditerranée ; les inquiétudes de la Turquie. »
Pour la candidate frontiste, les États-Unis, « sont devenus à la fois l’incontestable allié de long terme et parfois, il faut le dire, presqu’un adversaire ».
… et de la Russie : La russophilie supposée de Marine Le Pen, qui a été reçue au Kremlin par Vladimir Poutine à la fin du mois de mars, transparaît dans son discours de politique internationale. Selon elle, la Russie a été « maltraitée par l’Union européenne, elle a été maltraitée par une France vassalisée ». Elle déplore ainsi « le reniement » des engagements français devant « la pression étrangère », puisque Paris avait refusé de livrer à Moscou « des bâtiments de projection et de commandement de type Mistral ».
Marine Le Pen constate également que la Russie « a repris pied au Moyen-Orient », ce qui fait de Moscou « un interlocuteur essentiel » qui a, selon elle, marqué des points sur la scène internationale. Dès lors, la France « doit œuvrer à arrimer la Russie au continent européen, parce que c’est dans l’ordre du monde, mais surtout parce qu’il y va de l’intérêt des pays d’Europe ».
Le Moyen-Orient, justement, est envisagé par Marine Le Pen sous l’angle exclusif du « djihadisme ».
Lors de son déplacement en Égypte en mai 2015, la candidate du FN avait ainsi loué le président Abdel Fattah al-Sissi qui, selon ses dires, « est l’un des leaders qui a le message le plus clair à l’égard du fondamentalisme ». D’après elle, l’Égypte comme les Émirats arabes unis sont aux premières lignes des « pays qui luttent contre le fondamentalisme ».
Dans la Libye voisine, Marine Le Pen estime que « par leur intervention », Nicolas Sarkozy et Bernard-Henri Lévy ont déclenché une « vague islamiste dans toute l'Afrique sahélienne », dont le Mali « risque de n'être que la première pièce ».
« Vouloir imposer la démocratie à coup de missiles était irréaliste dans un pays profondément taraudé par des divisions tribales et régionales, dans une partie du monde travaillée par l'islam radical ».
Elle constate par ailleurs que la France « s’est laissée entraîner, ou s’est entraînée d’elle-même, dans des guerres qui n’étaient pas les siennes, au nom d’intérêts qui n’étaient pas les siens, et qui parfois étaient contraires aux résolutions des Nations unies, comme à l’objectif proclamé de maintien de la paix et de protection des populations civiles ». Pour elle, l’intervention anglo-française de 2011 en Lybie a outrepassé le mandat des Nations unies.
Le rapport de la France à l’Algérie est évidemment marqué par la guerre d’indépendance, dont le souvenir demeure vif chez une partie de l’électorat frontiste. Marine Le Pen a su exploiter cette blessure : « Le FN a soutenu de toutes ses forces les rapatriés de l’Algérie. Je défends les harkis, les rapatriés, je pense qu’ils ont été maltraités, mal accueillis dans leur pays ; les harkis, ça a été encore pire, ils ont été mis dans des camps dans des conditions épouvantables ».
Quant à la colonisation, elle affirme qu’elle a « beaucoup apporté, notamment […] à l’Algérie : des hôpitaux, des routes, des écoles... Même des Algériens qui sont de bonne foi l’admettent ».
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En ce qui concerne la Turquie, Marine Le Pen estime que ce pays « a eu un comportement pour le moins ambigu à l'égard de l'État islamique. Dans le cadre de la lutte contre les Kurdes, ils [les responsables turcs] sont à tout le moins suspectés d'avoir pendant des mois facilité […] le travail de l'État islamique ».
Elle dénonce en outre le processus d’adhésion de la Turquie à l’UE, qui serait, selon elle, « contre la volonté manifeste de la majorité des Européens ». Pour Marine Le Pen, la Turquie n’est pas européenne, « ni géographiquement, ni culturellement, ni historiquement […]. Maintenant, le problème de la religion, c’est qu’il y a énormément de musulmans dans l’Union européenne. Je ne suis pas sûre que c’était [sic] un des éléments majeurs en l’occurrence, mais nous avons un problème avec le multiculturalisme. »
Dans la Syrie déchirée par la guerre, la candidate frontiste estime que le soutien aux « islamistes supposés modérés » a été, et demeure, une erreur. Pire, elle considère que la France a « bafoué l’embargo international en délivrant aux supposés “islamistes modérés syriens” des armes qui ont aussitôt grossi l’arsenal de Daech et qui, peut-être, ont tué des Français ».
Elle fustige également « la fermeture de l’ambassade de France » en Syrie. D’après elle, cette décision « dans un pays qui a longtemps conservé une élite francophone et protégé ses minorités chrétiennes a été plus qu’une faute. Combien d’attentats sur le sol français auraient été évités par des relations maintenues avec les services syriens ? Combien de Français ont-ils payé de leur vie l’aveuglement qui s’est emparé du Quai d’Orsay ? », demande-t-elle.
Marine Le Pen pense que « soit les ministres responsables, soit le chef d’État lui-même étaient mal informés […], soit nos dirigeants politiques ont mis la France au service d’autres intérêts. Ils ont servi des intérêts étrangers contre la sécurité de la France et la vie des Français ».
Si la diplomatie française a toujours fait du départ de Bachar al-Assad un impératif indépassable, en visite au Liban en février dernier, Marine Le Pen a pris une position opposée : « Dans le cadre de la politique du moindre mal, qui est une politique réaliste », le maintien à la tête du pays de Bachar al-Assad lui semble « une solution bien plus rassurante pour la France » que Daech, « si celui-ci venait à prendre la tête de la Syrie ».
Sur le dossier Palestine-Israël, pourtant majeur dans la région moyen-orientale, on ne trouve étonnamment aucune mention dans son discours de politique internationale.
Notons que Marine Le Pen n’a pas été invitée au dernier dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), rendez-vous devenu quasiment incontournable pour les élites politiques françaises. Francis Khalifat, qui préside ce lobby pro-israélien considéré comme le plus puissant de France, avait alors expliqué vouloir « maintenir le cordon sanitaire, ne pas faire sauter le verrou moral » autour du FN.
Si, en janvier dernier, le parti frontiste avait délégué en Israël son numéro 3, Nicolas Bay, pour « lever des incompréhensions ou malentendus », la récente déclaration de Marine Le Pen sur la non-responsabilité de l’État français dans les rafles de citoyens juifs durant la Seconde Guerre mondiale a marqué en Israël.
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Quant aux relations de la France avec l’Arabie saoudite et le Qatar, elle doivent prendre fin selon Marine Le Pen : « La France doit rompre ses relations avec le Qatar et l’Arabie saoudite qui ont aidé, assisté, financé les fondamentalistes islamistes à travers le monde. On ne peut donc pas être dans une coalition avec ces pays-là. Il faut être capable de choisir nos alliés, ne pas s’allier avec des gens qui ont en réalité un objectif différent des nôtres ».
Suite à l’attaque revendiquée par l’État islamique jeudi dernier sur les Champs-Élysées, la présidente du FN a déclaré que « le Qatar et l'Arabie saoudite [...] ont bénéficié [...] d'une bienveillance coupable ».
Concernant la lutte contre le terrorisme sur le territoire national, le programme frontiste entend « interdire et dissoudre les organismes de toute nature liés aux fondamentalistes islamistes. Expulser tous les étrangers en lien avec le fondamentalisme islamiste. Fermer toutes les mosquées extrémistes recensées par le ministère de l’Intérieur et interdire le financement étranger des lieux de culte et de leur personnel. Interdire tout financement public (État, collectivités territoriales…) des lieux de culte et des activités cultuelles ».
Marine Le Pen inscrit donc la lutte contre le terrorisme dans une approche résolument sécuritaire. Un « tout répressif » qui est l’un des axes de son programme, lequel entend en finir aussi avec « le laxisme judiciaire ». En outre, le seul extrémisme dénoncé est « islamiste ».
Sur le dossier des réfugiés, Marine Le Pen, dont le parti a toujours fait de la lutte contre l’immigration l’un de ses piliers, considère que « le verrou libyen protégeait l’Europe de l’afflux de réfugiés subsahariens ».
En ce qui concerne la procédure du droit d’asile, elle souhaite « revenir à l’esprit initial du droit d’asile, qui ne pourra par ailleurs être accordé qu’à la suite de demandes déposées dans les ambassades et consulats français dans les pays d’origine ou les pays limitrophes ». Marine Le Pen estime en effet que le droit d’asile favorise en fait une autre immigration, de nature économique.
Enfin, la « promotion de la laïcité » et la « lutte contre le communautarisme » sont au cœur du programme frontiste, qui prévoit notamment d’inscrire dans la Constitution le principe selon lequel « la République ne reconnaît aucune communauté ». Le « communautarisme » tel qu’il est compris par la candidate frontiste est systématiquement lié au seul « islamisme » et au « multiculturalisme ».
Elle souhaite en outre « étendre la laïcité à l’ensemble de l’espace public et l’inscrire dans le Code du travail ». Marine Le Pen semble faire sienne la volonté d’élargir à l’espace professionnel, voire à la totalité de l’espace public, la loi de 2004 qui interdit les signes confessionnels dits « ostensibles » à l’école.
« Je pense que chacun des Français, y compris nos compatriotes juifs, peuvent comprendre que si on leur demande un sacrifice pour lutter contre l'avancée de cet islam politique [...] ils feront cet effort », a plaidé la présidente du Front national. Pour elle, le port du voile musulman est un « un acte politique ».
De fait, en ce qui concerne l’islam en France, la candidate frontiste s’en tient officiellement à un credo : « Ce n’est pas l’islam qui pose problème, mais sa visibilité ».
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