Le vieux front de mer de Salalah, un patrimoine omanais perdu
Un projet de développement touristique le long de ce front de mer attractif du sultanat d’Oman a conduit à la destruction de bâtiments historiques, mais certains habitants refusent de partir
Le progrès est inévitable, dit-on. Mais à quel prix ? Oman a connu un développement rapide au cours des dernières décennies et le gouvernement essaie de trouver des moyens de convaincre les communautés que le changement leur sera bénéfique.
En 2015, le changement – accompagné de destructions – s’est présenté sur le front de mer de Salalah, dans le sud d’Oman. Tout cela faisait partie d’un plan visant à créer un nouveau pôle touristique le long de ce front de mer attractif.
Mais il y avait un hic. Ce programme de développement nécessitait la démolition du front de mer historique de Hafa, où des marchands et des familles de pêcheurs vivaient depuis des générations, alors que certains n’étaient pas du tout disposés à abandonner leur maison.
La première phase du programme de développement, en 2015, a impliqué la démolition d’une large portion des maisons du front de mer, ce qui a suscité un profond ressentiment chez certains habitants de Salalah.
Au cours d’une visite effectuée l’an dernier, Middle East Eye a pu observer ce qu’il restait du front de mer démoli de Hafa : un groupe de bâtiments désormais en ruine séparés de la route et de la plage par des barrières.
« Jusqu’à présent, le gouvernement a essayé de reprendre le secteur de Hafa et la plage pour les réaménager », a expliqué à MEE Sayyid, guide touristique local. « Ils vont construire des hôtels et des villas et louer des maisons historiques. »
Depuis lors, un certain nombre de complexes de luxe et d’hôtels ont été construits, non sans causer de problèmes.
Selon Sayyid, de nombreuses familles locales, y compris celles qui tiennent des commerces dans le vieux souk de Hafa, ne sont pas disposées à vendre.
« Le gouvernement a appelé mon père et lui a demandé de venir signer pour vendre sa maison. » Le père de Sayyid possède une propriété dans la vieille ville.
Le gouvernement a proposé aux habitants de l’argent et des terres à un autre endroit en échange de leur propriété, a-t-il déclaré. Toute la vieille ville est intégrée au programme de développement touristique.
« Ils pensent que les personnes âgées sont stupides », a déclaré Sayyid.
En 2016, un responsable du gouvernement a appelé le père de Sayyid pour lui demander de vendre la propriété qu’il possède dans le souk.
Le jeune homme a raconté que son frère avait pris le téléphone et répondu : “Nous sommes responsables de notre père, si vous voulez parler, adressez-vous à nous.” Cela fait maintenant deux ans qu’ils ne nous appellent plus. »
« Notre maison est un fonds de commerce. Nous pouvons le louer pour 5 000 ou 6 000 rials par an. Ils nous en ont proposé 100 000 [pour le racheter]. Ils devraient nous offrir beaucoup plus pour nous indemniser. »
Sayyid a expliqué que la maison était un cadeau spécial offert à la famille par la mère du souverain d’Oman, le sultan Qabus, à l’époque où le futur souverain vivait à Salalah, avant de succéder à son père en 1970. MEE n’est pas en mesure de vérifier cette affirmation de manière indépendante.
La pièce maîtresse du projet Al Hafa Waterfront, qui est censé couvrir l’intégralité des 4,5 km du littoral bordant l’océan Indien, est un « village patrimonial » de 120 000 m². Ce programme de développement est censé mettre en valeur « le riche patrimoine maritime et culturel de Salalah », selon le site internet qui en fait la promotion.
Cependant, quel type de patrimoine restera-t-il si l’ancien souk de Hafa, qui existe depuis des siècles, est voué à la démolition ? Selon Sayyid, le projet n’a rien à voir avec ce que souhaitent les habitants et ceux qui résistent à la vente ne seront pas faciles à déloger.
Jerzy Wierzbicki, un photographe chevronné spécialiste d’Oman, est retourné à Hafa en novembre. « Le souk se porte toujours bien », a-t-il rapporté à MEE. « Mais j’ai vu que les bâtiments sur le front de mer avaient été rasés. »
Ces photos sont donc tout ce qu’il reste du vieux front de mer de Hafa.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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