L’EI « est à court de carburant » en Europe, affirme l’ex-chef du contre-terrorisme du MI6
L’idée de l’État islamique (EI) est « à court de carburant » en Europe, selon l’ancien directeur du contre-terrorisme du MI6.
Richard Barrett, ancien chef des opérations mondiales de lutte contre le terrorisme auprès de l’agence du renseignement britannique M16 et actuellement conseiller spécial pour le Soufan Group, a indiqué à un auditoire du King’s College de Londres qu’il ne pensait pas que « nous devrions être si préoccupés par le terrorisme » et qu’en fin de compte, ce sera une « irritation relativement mineure dans nos vies » comparé à ce qu’il signifie pour les populations d’Irak, d’Afghanistan et d’ailleurs.
Dans un discours appelant à une approche plus nuancée et réfléchie face à la menace de l’EI, Barrett a prévenu que l’amplification de l’importance et de la portée mondiale des attaques comme celles de Nice ou de Normandie par les gouvernements risquait de faire apparaître le groupe militant comme bien plus important qu’il ne l’est en réalité.
« Après quinze années d’investissements énormes dans la lutte contre le terrorisme – un détournement des efforts, entre autres choses –, les contribuables pourraient objecter que nous aurions pu mieux utiliser leur argent », a-t-il déclaré lors du discours inaugural d’une conférence consacrée à l’EI en Europe organisée par l’International Centre for the Study of Radicalisation and Political Violence.
« Pourquoi est-ce que cet effort considérable pour traiter la question n’a pas remporté plus de succès ? »
Son discours est intervenu dans un contexte tendu en Europe suite à une série d’attaques perpétrées par des individus ayant prêté allégeance à l’EI, ainsi qu’un cas d’attaque motivée apparemment par des idées d’extrême droite.
L’atmosphère est telle que même une explosion causée par des bombes aérosols dans une valise à l’extérieur d’un centre de migrants de Bavière a pu faire la une des journaux internationaux.
Richard Barrett a critiqué la « réponse à la guerre » adoptée par les pays européens face à la menace de l’EI et de ses sympathisants et s’est interrogé sur la capacité de l’état d’urgence imposé en France après les attentats de Paris en novembre à rendre le pays véritablement plus sûr.
« Tout ce qui divise une société, que ce soit une attaque de droite ou une attaque islamiste, aide l’État islamique », a déclaré Barrett.
« Notre réponse en ce moment est complètement disproportionnée par rapport à la menace… nous devons croire que nos propres sociétés sont assez résilientes pour résister à la menace. »
Charlie Winter, chercheur principal associé à la Transcultural Conflict and Violence Initiative de l’Université de Géorgie, a sur Twitter décrit le discours de Barrett comme étant « excellemment mesuré » et en a fait l’éloge pour avoir appelé à « arrêter d’exagérer la menace ».
En France, les services de sécurité ont essuyé de nombreuses critiques en raison de la quantité d’attentats terroristes perpétrés dans le pays et de leur échec apparent à surveiller les assaillants.
Le public a été particulièrement choqué d’apprendre qu’Adel Karmiche, le meurtrier présumé du père Jacques Hamel dans une église de Normandie mardi dernier, n’était pas seulement connu des autorités mais portait un bracelet électronique au moment de l’attentat.
Barrett a reconnu que tandis que d’autres services de renseignement, en particulier britanniques, ont probablement fait un « meilleur boulot » dans la lutte contre de potentielles menaces, le problème en France est simplement « écrasant ». Certes, les autorités avaient identifié Karmiche et l’avaient obligé à porter ce bracelet électronique, mais « vous avez probablement 500 autres individus comme lui avec des bracelets électroniques », a-t-il ajouté.
« Ils [les services de sécurité] n’ont pas les ressources pour surveiller ces personnes 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 », a expliqué Barrett. « Les mettre sous les verrous, je ne pense pas non plus que ce soit la solution. Ce n’est pas une solution pour plus de cinq minutes. »
Alors que la controverse bat son plein et que la peur que l’EI ne multiplie les attaques en Europe s’accentue, le nombre de ceux qui partent rejoindre le groupe en Syrie et en Irak a diminué ces derniers temps. Au Royaume-Uni, au moins la moitié des 800 personnes parties combattre dans ses rangs sont rentrées depuis.
L’EI a perdu de vastes pans du territoire syrien et irakien depuis l’annonce de la création de son califat en juin 2014. En Irak, la ville de Mossoul – tombée entre les mains du groupe en juin 2014 – est le seul bastion qu’il lui reste.
Certains commentateurs ont avancé l’idée selon laquelle la hausse des attaques internationales attribuées à l’EI est due en partie à ses défaites militaires au Moyen-Orient.
Toutefois, bien qu’il ait perdu du terrain en Irak au profit de l’armée irakienne et de ses milices alliées, l’EI est parvenu à commettre son attentat à la bombe le plus dévastateur début juillet, quand une série d’attentats-suicides a causé la mort de près de 300 personnes dans le quartier de Karrada, à Bagdad.
Traduite de l’anglais (original).
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