Les armes nucléaires américaines stockées dans une base turque « risquent d’être saisies »
Des dizaines d’armes nucléaires américaines stockées dans une base aérienne turque près de la Syrie risquent d’être capturées par des « terroristes ou autres forces hostiles », a déclaré lundi un think tank de Washington.
Les États Unis possèdent une cinquantaine de bombes nucléaires à Incirlik, au sud de la Turquie et à 110 kilomètres de la frontière avec la Syrie.
Le commandant turc de la base a été arrêté pour suspicion de complicité dans la tentative de coup d’État du mois dernier.
« Il est impossible de savoir si les États-Unis auraient pu maintenir le contrôle des armes dans l’éventualité d’une conflit civil prolongé en Turquie », peut-on lire dans le rapport publié lundi par le Stimson Center, un think tank apolitique qui œuvre à promouvoir la paix.
Incirlik est une base vitale pour la coalition dirigée par les États-Unis contre le groupe État Islamique (EI) en Irak et en Syrie car ce complexe, stratégiquement situé, fournit aux drones et avions de guerre un accès rapide aux cibles de l’EI.
Cependant, en mars dernier, le Pentagone a ordonné aux familles des soldats et du personnel civil américain stationnés dans le sud de la Turquie de quitter la région en raison de préoccupations concernant la situation sécuritaire.
« D’un point de vue sécuritaire, continuer à stocker approximativement 50 armes nucléaires américaines dans la base aérienne d’Incirlik en Turquie est un coup de dé », a déclaré Laicie Heeley, co-auteur du rapport.
« Des précautions significatives sont en place. ... Mais ce ne sont que des précautions, elles n’éliminent pas le risque. En cas de coup d’État, nous ne pouvons dire avec certitude que nous aurions été capables de maintenir le contrôle », a-t-elle dit à l’AFP.
« Désastre évité jusqu’à présent »
On pense que les bombes sont conservées à Incirlik pour servir de moyen de dissuasion à l’intention de la Russie et pour prouver l’engagement de l’Amérique envers l’OTAN, l’alliance militaire de 28 membres qui inclut la Turquie.
La question des armes nucléaires d’Incirlik a fait l’objet d’un débat renouvelé aux États-Unis depuis la tentative de coup d’État.
« Si nous avons évité le désastre jusqu’à présent, de nombreuses preuves en notre possession indiquent que la sécurité des armes nucléaires des États-Unis stockées en Turquie peut changer littéralement du jour au lendemain », a écrit Steve Andreasen, directeur de la politique de défense et du contrôle des armes du Conseil de la sécurité nationale de la Maison Blanche de 1993 à 2001, dans un article d’opinion pour le Los Angeles Times la semaine dernière.
Kori Schake, chercheur associé à la Hoover Institution basée en Californie, a observé dans un débat écrit dans le New York Times que « les forces nucléaires américaines ne peuvent être utilisées sans code, ce qui rend impossible leur déclenchement sans autorisation ».
« Le fait que des armes nucléaires soient placées en Turquie ne les rend pas vulnérables à leur capture et utilisation, même dans l’éventualité où le pays deviendrait hostile aux États-Unis », a-t-elle soutenu.
Le Pentagone a décliné les demandes de commentaires sur l’étude de Stimson.
« Nous ne discutons pas de l’emplacement de nos atouts stratégiques. Le [Département de la Défense] a pris des mesures appropriées pour maintenir la sûreté et la sécurité de notre personnel, de leurs familles, et de nos installations, et nous continuerons à le faire », a-t-il indiqué dans un communiqué.
Les préoccupations soulevées par Incirlik ont été mises en évidence dans le cadre d’une étude plus vaste sur le programme de modernisation nucléaire du Pentagone, selon lequel les États-Unis devraient dépenser des centaines de milliards de dollars pour mettre à jour leur arsenal atomique.
Les auteurs affirment qu’un type de bombe en particulier – la bombe B61 – devrait être retiré d’Europe immédiatement. 180 exemplaires de cette bombe sont stockés en Belgique, en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Turquie.
Traduit de l’anglais (original).
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