Les civils d’Alep regardent, impuissants, les combats qui font rage
ALEP, Syrie – La puanteur de la bataille imprègne l’atmosphère, des véhicules blindés transportant de lourdes mitrailleuses rôdent dans les rues jonchées de gravats où les enfants jouaient. La nuit, les soldats sont suffisamment proches pour être entendus par-dessus les coups de feu et les détonations d’obus de mortier. Il suffit de regarder par la fenêtre pour observer des dizaines de lueurs de départ et le balayage aveuglant des projecteurs.
À mesure que l’armée syrienne et ses alliés avancent sur l’est de la ville contrôlé par les rebelles, des quartiers qui étaient autrefois loin des combats de rue sont en train de devenir les nouveaux points chauds. De nombreux habitants qui ont bravé les bombes se retrouvent maintenant avec la ligne de front à leur porte.
Ici, à Saif al-Dawla et Salah al-Din, deux zones centrales à proximité d’un parc public tentaculaire et de l’ancienne citadelle de la ville, ces derniers mois ont été dévastateurs.
« Aucun bâtiment n’a échappé aux dégâts », a déclaré Ghalia Samao, une enseignante de Saif al-Dawla, à Middle East Eye. « Tant de choses ont changé au cours des trois derniers mois : tous les bâtiments encore debout sont dévastés, les voitures sont carbonisées, il y a du verre brisé partout. »
De fiers immeubles qui avaient résisté à des années de guerre sont désormais en ruine, alors que les soldats du gouvernement les détruisent pour dégager les rues en vue des combats dans une nouvelle offensive après la fin du cessez-le-feu de septembre.
Les combats sont si proches que les habitants à l’abri dans leurs maisons peuvent entendre les rebelles échanger des insultes avec leurs ennemis – « Les chiens d’Assad vont mourir », « Cochons du Qatar et de Turquie » et pire encore – tandis qu’ils lancent des attaques déchaînées sur les positions des uns et des autres.
Mercredi, il a été signalé que les forces gouvernementales avaient intensifié leur offensive sur Salah al-Din et que les rebelles se moquaient des fusées éclairantes lancées pour éclairer la progression du gouvernement – ils les préfèrent de beaucoup aux bombes barils et antibunker larguées sur toute la ville.
Même si en termes de gains territoriaux, l’avance du gouvernement n’est pas énorme – les combats rue par rue ne constituent pas une de ses forces – les effets sur les zones fraîchement englouties ont été dévastateurs.
Et les habitants de Saif al-Dawla et Salah al-Din sont piégés, n’ayant nulle part où aller.
Il y a un an, Samao a déménagé à Saif al-Dawla depuis Marja, dans la banlieue sud de la ville près de la route de Castello, après que sa maison a été dévastée par les attaques aériennes qui les ont blessés elle et son mari. Elle ne peut pas déménager à nouveau.
« Ceci est notre vie quotidienne ces dernières semaines : le régime avance, prend le contrôle d’un nouveau terrain, puis les rebelles contre-attaquent et le reprennent », a expliqué cette habitante âgée de 38 ans.
« Des bombardements, des combats, voilà, c’est notre vie. Je n’ai aucune idée de quand cela va finir, chaque jour semble être le premier jour des combats, les combattants continuent à lutter et la plupart d’entre eux ne se soucient pas de la souffrance des habitants. »
« Ma maison est très proche de la ligne de front. Ces derniers jours, les affrontements n’ont pas cessé la nuit car le régime tente de progresser. Et je n’ai d’autre choix que de rester vu qu’il n’existe pas d’autres options. »
Nader Saaqa, un bibliothécaire qui vit dans les environs de Salah al-Din avec ses quatre enfants et sa femme, craint que les forces gouvernementales n’arrivent dans sa rue dans quelques jours si elles continuent leur progression.
« Les combats sont acharnés dans la ville et dernièrement autour de ma rue », a-t-il rapporté. « La ligne de front n’est pas loin, je peux entendre les jurons provenant du côté du régime et d’autres du côté des rebelles s’écriant : "Allah Akbar", puis des affrontements et des bombardements. »
« Je suis terrorisé. Les progrès du régime sont lents mais constants. Je ne veux pas me réveiller un jour et voir les forces de régime dans ma rue. »
Saaqa a indiqué que le siège des zones rebelles mettait une énorme pression sur les civils, déjà usés par des années de bataille et des mois de guerre de siège.
« Nous n’avons rien de la vie, hormis le mot lui-même, nous sommes proches de la mort », a-t-il ajouté. « Je ne pense pas qu’on pourrait s’y faire. Pas de pain, ni de nourriture. Nous n’avons pas d’eau courante depuis un mois après que les tuyaux ont été endommagés par les bombardements et la majeure partie s’est déversée sur la rue, gaspillée.
« Le régime l’a ciblé pour priver les gens d’eau. Ils bloquent les routes, donc aucune nourriture ne peut entrer. Nous pouvions auparavant passer, il y avait des chemins, mais maintenant nous n’avons plus rien. »
« Cela fait partie de la grande stratégie du régime : d’abord couper les routes dans la ville, intensifier les bombardements et forcer les gens à partir, comme ce qui est arrivé à Daraya et Damas, les forçant à aller à Idlib et dans d’autres régions. »
« Le régime a amené ses chars et ses combattants à Damas pour combattre et faire la même chose ici, mais, si Dieu le veut, cela ne se produira pas et les choses vont tourner en notre faveur très bientôt. »
Alors que la nuit tombe sur Salah al-Din, les rues se vident de ceux qui avaient osé s’y aventurer et les combats éclatent une fois de plus.
Les insultes familières s’échangent à nouveau par-dessus le bruit des coups de feu et des obus de mortier et les civils se replieront dans ce qui reste de leurs maisons, en attendant le jour.
La Russie a démenti jeudi que le groupe de porte-avions se dirigeant vers la côte de la Syrie sera utilisé pour attaquer Alep et a déclaré au cours des derniers jours qu’elle n’avait mené aucune attaque dans la ville depuis plus d’une semaine.
Cependant, avec les batailles qui font rage sur le terrain, une horreur est remplacée par une autre.
Et les combats ne cesseront pas de sitôt.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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