Les forces irakiennes face à une rude bataille dans les rues de Falloujah
Les forces irakiennes ont frappé la ville de Falloujah depuis trois directions, lundi matin, marquant une nouvelle et périlleuse phase urbaine dans l’opération qui dure depuis une semaine pour reprendre ce bastion de l’État islamique (EI).
Dirigées par le service de contre-terrorisme d’élite (CTS), l’unité de combat la plus qualifiée et expérimentée d’Irak, les forces ont lancé l’assaut avant l’aube, selon les commandants.
« Les forces irakiennes sont entrées dans Falloujah avec le soutien aérien de la coalition internationale et de l’armée irakienne, et ont été soutenus par l’artillerie et les chars », a déclaré le lieutenant-général Abdelwahab al-Saadi, le commandant de l’opération.
« Les forces du CTS, la police [provinciale] d’Anbar et l’armée irakienne ont commencé à entrer dans Falloujah depuis trois directions vers 4 heures (01h00 GMT) », a-t-il précisé.
« Daech oppose une résistance », a-t-il ajouté.
Le porte-parole du CTS, Sabah al-Noman, déclaré à l’AFP : « Nous avons commencé tôt ce matin nos opérations pour entrer dans Falloujah. »
Alors que les forces irakiennes ont croisé des combattants de l’EI dans et autour de Falloujah, le groupe semblait poursuivre son retour à ses premières tactiques consistant à cibler des civils par des attentats à la voiture piégée et des attentats-suicides, avec 11 personnes tuées dans une série d’attentats-suicides dans et autour de proximité Bagdad lundi matin.
Trois attentats à la bombe ont frappé la capitale et ses environs, notamment le quartier chiite de Sadr City. Au moins 20 personnes ont également été blessées.
Aucun groupe n’a encore revendiqué la responsabilité de ces attentats, bien que les attaques un schéma similaire à d’autres attaques meurtrières lancées par l’EI à Bagdad au cours des dernières semaines.
Crainte d’une certaine hostilité vis-à-vis de l’avancée contre l’EI
Le gouvernement irakien, sous pression en ce qui concerne la sécurité, s’est engagé à reprendre la ville-clé à majorité sunnite de Falloujah, le Premier ministre Haider al-Abadi annonçant la semaine dernière l’opération nommée « Break terrorism ».
Cependant, les alliés des États-Unis se sont montrés plus prudents, prévenant que l’EI pourrait encore bénéficier d’un large soutien parmi les habitants de la ville.
« Nous n’avons vraiment pas connu de bataille comme celle-ci [auparavant] », a déclaré le lieutenant général Sean MacFarland, qui commande les forces américaines et leurs alliés en Irak, dans une interview la semaine dernière.
MacFarland a averti que certains des habitants de la ville avaient « adopté rapidement » l’EI, ajoutant qu’« il pourrait y avoir un pourcentage assez important de la population d’une assez grande ville qui nous est hostile. »
Falloujah est sous le contrôle de l’EI depuis plus longtemps que toute autre ville en Irak, et certains officiers impliqués dans l’opération de reprise de la ville soupçonnent que les civils y soutiennent le groupe.
« Ils sont endoctrinés maintenant », a déclaré un officier de la police fédérale irakienne à Vox lundi. « Ils doivent être placés dans un camp spécial. »
L’opération, qui concerne une ville où, en 2004, les forces américaines ont mené certaines de leurs batailles les plus difficiles depuis la guerre du Vietnam, avait déjà mis l’accent sur les villages et reprendre les zones rurales autour de Falloujah, qui se trouve à seulement 50 kilomètres à l’ouest de la capitale, Bagdad.
Seules quelques centaines de familles ont réussi à se glisser hors de la zone de Falloujah avant l’assaut sur la ville, environ 50 000 civils étant encore piégés à l’intérieur, faisant craindre que des militants pourraient tenter de les utiliser comme boucliers humains.
Les seules familles qui ont pu fuir jusqu’à présent vivaient dans les régions périphériques ; la plus grande vague de personnes déplacées a atteint des camps samedi soir.
« Nos ressources dans les camps sont maintenant très tendues et alors qu’on s’attend à ce que beaucoup d’autres personnes fuient, nous pourrions ne pas être en mesure de fournir suffisamment d’eau potable pour tout le monde », a déclaré Nasr Muflahi, le directeur pour l’Irak du Norwegian Refugee Council (NRC).
« Nous nous attendons à de plus grandes vagues de déplacement à mesure que les combats se renforcent. »
La branche irakienne de l’agence pour les réfugiés de l’ONU a déclaré qu’elle avait entendu dire que certaines personnes déplacées s’étaient suicidées parce que « les conditions sont si terribles ».
Inquiétude pour les civils
À Amriyat al-Falloujah, une ville contrôlée par le gouvernement au sud du bastion militant, se déverse un flot de civils, affamés et épuisés après une marche de nuit à travers la campagne pendant des heures, esquivant la surveillance de l’EI.
« J’ai décidé de tout risquer. Soit je sauvais mes enfants, soit je mourais avec mes enfants », a déclaré Ahmad Sabih, un homme âgé de 40 ans qui a atteint le camp géré par le NRC tôt ce dimanche.
Falloujah est l’un des deux grands centres urbains en Irak encore contrôlés par l’EI.
Ils détiennent également Mossoul, la deuxième ville du pays et capitale de facto de l’EI en Irak, à l’est de laquelle les forces dirigées par les Kurdes ont lancé une nouvelle offensive dimanche.
Il y aurait environ un millier de militants retranchés dans Falloujah.
On ne sait pas encore quelles ressources l’EI est prêt à investir dans la défense de Falloujah, qui a été presque complètement isolée pendant des mois, mais la ville occupe une place importante dans la mythologie militante moderne.
Centre d’apprentissage de la minorité sunnite irakienne, connu comme « la cité des mosquées », il s’agissait déjà d’une étincelle de la rébellion nationale en 1920 contre la domination coloniale britannique.
En novembre 2004, l’armée américaine a subi certaines de ses pires pertes depuis des décennies au cours d’une opération baptisée « Phantom Fury » au cours de laquelle au moins 95 membres des forces américaines ont été tués dans un combat féroce contre l’une des incarnations précédentes de l’EI.
Falloujah devrait constituer l’une des plus dures batailles pour les forces irakiennes, mais l’EI est apparu affaibli ces derniers mois et a constamment perdu du territoire l’année dernière.
Selon le gouvernement, l’organisation qui a fait des ravages à travers l’Irak et la Syrie au cours des deux dernières années, contrôle désormais environ 14 % du territoire national, en baisse de 40 % en 2014.
Cependant, tandis que le « califat » proclamé il y a deux ans se délite, l’EI revient à ses vieilles tactiques d’attentats contre des civils et de raids de commandos.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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