Les musulmans du monde entier condamnent la fusillade de Paris et craignent la stigmatisation
Le Haut-Commissairiat des Nations unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, condamne avec la plus grande fermeté le massacre qui a eu lieu mercredi dans les bureaux de l’hebdomadaire Charlie Hebdo à Paris, tuant au moins douze personnes. Il prévient néanmoins que toute réaction raciste ferait directement le jeu des extrémistes.
Il se joint à tous ceux qui condamnent « l’attaque odieuse » qui a visé le journal satirique Charlie Hebdo ce mercredi. Des hommes armés de Kalachnikovs et de fusils à pompe ont tiré sur des membres de la rédaction de Charlie Hebdo et abattu deux policiers.
Depuis la publication au milieu des années 2000 des caricatures du prophète Mahomet, jugées blasphématoires par la communauté musulmane, le journal avait fait l’objet de plusieurs attaques.
« La liberté d’expression et d’opinion sont les fondements de toute société démocratique », a déclaré Zeid Ra’ab Al Hussein, ajoutant qu’« on ne doit pas permettre à ceux qui essaient de diviser les communautés pour des motifs religieux, ethniques ou autres d’atteindre leurs objectifs. »
Tout en espérant que les auteurs de l’attentat seront arrêtés et traduits en justice, il met en garde contre toute réaction qui alimenterait la « discrimination et les préjugés » à l’égard d’un groupe tout entier.
« Cela ferait directement le jeu des extrémistes qui clairement ont pour objectif la division des religions et des sociétés », a averti Zeid Ra’ad Al Hussein.
Il ajoute : « Dans un climat où la xénophobie et les sentiments d’hostilité à l’égard des migrants sont déjà exacerbés en Europe, je suis inquiet que cet acte effroyable et prémédité ne soit exploité par des extrémistes de tous bords ».
Les chefs religieux musulmans de France dénoncent cet acte « barbare »
Les dirigeants de la communauté musulmane française condamnent avec la plus grande fermeté un acte « barbare », une attaque contre la démocratie et la liberté de la presse.
Le Conseil français du culte musulman (CFMC) a publié un communiqué affirmant : « Cet acte barbare d’une extrême gravité est aussi une attaque contre la démocratie et la liberté de presse. »
Le CFMC représente la communauté musulmane de France, la plus large d’Europe. Elle compte entre 3,5 et 5 millions de fidèles.
Les deux ou trois auteurs de l’attaque qui, lourdement armés, ont pris d’assaut le siège de Charlie Hebdo, ont ouvert le feu en criant des slogans islamistes. Le siège était la cible récurrente d’attaques depuis la publication des caricatures de Mahomet au milieu des années 2000.
Dalil Boubakeur, président de la CFMC et recteur de la Grande mosquée de Paris, s’est rendu sur les lieux du drame.
Le Conseil musulman a également lancé un appel au calme et invité les fidèles à faire preuve de vigilance face aux manipulations des groupes extrémistes.
« Dans un contexte politique international tendu alimenté par les délires de groupes terroristes se prévalant injustement de représenter l’islam, nous appelons tous ceux qui sont attachés aux valeurs de la République et de la démocratie à éviter les provocations qui ne servent qu’à jeter de l’huile sur le feu », poursuit le Conseil.
La communauté musulmane doit « faire preuve de la plus grande vigilance face aux éventuelles manipulations émanant de groupes aux visées extrémistes quels qu’ils soient », ajoute-t-il.
Une autre déclaration provenant d’une organisation proche des Frères musulmans, l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), a également condamné « de la manière la plus ferme cette attaque criminelle et ces horribles meurtres ».
Le grand rabbin de France, Haim Korsia, a déclaré à l’AFP que le pays devait faire montre « d’unité nationale » et « défendre tous ensemble nos libertés, dont la liberté d’expression ».
Avec 500 000 à 600 000 membres, la communauté juive de France est également la première d’Europe.
Les musulmans américains dénoncent l’attentat contre Charlie Hebdo à Paris
Bravant le froid glacial, des milliers de personnes se sont rassemblées au Canada et dans plusieurs villes des Etats-Unis comme à Washington et New York. Parmi elles, de nombreux musulmans proclamant « Je suis Charlie ».
« On est encore tous sous le choc » a déclaré la directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, qui se trouvait parmi les manifestants à Washington.
Par une température de -20°C, plusieurs centaines de personnes se sont regroupées à New York sur la place Union Square pour dénoncer l’attentat, chantant la Marseillaise et scandant « Charlie, Charlie ».
Aux Etats-Unis, des groupes influents de confession musulmane ont condamné avec la plus grande fermeté l’attaque sanglante qui a visé le journal satirique Charlie Hebdo, connu pour la publication de caricatures peu flatteuses du prophète Mahomet.
Les représentants religieux de la communauté musulmane ont immédiatement déclaré qu’ils n’avaient rien à voir avec ces actes terroristes et que les moqueries à l’encontre des religions et des figures religieuses ne justifiaient en rien le meurtre d’innocents.
« La bonne réponse à de telles attaques sur les libertés que nous chérissons est de ne dénigrer aucune foi, mais de marginaliser les extrémistes de tous bords qui cherchent à étouffer la liberté et à creuser les divisions sociales », a fait savoir Nihad Awad, directeur exécutif du CAIR (Conseil des relations américano-islamiques).
« Nous condamnons cet attentat brutal et lâche et réaffirmons notre rejet face aux actes menaçant la liberté d’expression », a-t-il déclaré.
Qu’il s’agisse de dirigeants politiques ou de personnes ordinaires, ils sont de plus en plus nombreux à condamner l’attentat de mercredi et à exiger des sanctions pour les agresseurs. Veillées solidaires et rassemblements sont organisés dans le monde entier en réaction à cet attentat.
En 2006 et en 2012 les caricatures de Mahomet publiées par Charlie Hebdo avaient provoqué la polémique. Il y a trois ans, suite à la sortie de son numéro spécial « Charia Hebdo », dépeignant le prophète Mahomet comme « rédacteur en chef », le siège du journal avait été la cible d’un incendie criminelle.
Les musulmans des Etats-Unis se sont regroupés pour réciter la sourate 5, verset 32 du Coran : « [...] quiconque tuerait une personne [...], c'est comme s'il avait tué tous les hommes. Et quiconque lui fait don de la vie, c'est comme s'il faisait don de la vie à tous les hommes. »
« L’ironie tragique est que si ces criminels avaient quelque peu étudié la vie de Mahomet, ils auraient su comment le prophète réagissait aux insultes et aux traitements dégradants », déclare Haris Tarin, directeur du Conseil musulman des affaires publiques situé à Washington.
« Le prophète a toujours fait preuve de miséricorde. Les souffrances des individus ou des communautés, quelles qu’elles soient, ne peuvent être soignées par la violence », déclare-t-il.
D’après le Coran et les textes islamiques, au début VIe du siècle le prophète Mahomet était constamment confronté aux injures, persécutions et tentatives d’assassinats par ses opposants. Cependant, il n’a jamais exercé de représailles, même lorsqu’il devint le leader d’un mouvement de minorités persécutées qui se transforma en une force sociale et politique dominante en Arabie.
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