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Les renseignements allemands révèlent l’étendue du programme d’« asile contre informations »

Au cours des quinze dernières années, environ 1 000 personnes ont obtenu l’asile en Allemagne en échange de renseignements
L’entrée du siège des services de renseignement allemands, à Pullach, dans le sud de l’Allemagne (AFP)

L’agence allemande du renseignement a publié vendredi des chiffres qui montrent que l’Allemagne a accordé l’asile à environ 1 000 personnes en échange d’informations au cours des quinze dernières années.

Ces chiffres ont été publiés par le Service fédéral du renseignement (BND en allemand) en réponse à des questions posées au Parlement par le parti d’opposition Die Linke (« La Gauche »).

Selon ces chiffres, la grande majorité des personnes qui ont reçu l’asile après avoir transmis des renseignements entre 2000 et 2015 étaient originaires du Moyen-Orient, mais le BND n’a pas donné de précisions sur leurs nationalités respectives.

Des responsables du renseignement américain étaient présents lors de nombre de ces interrogatoires, bien que les demandeurs d’asile interrogés n’en aient pas été clairement informés, a rapporté le quotidien allemand Die Zeit.

Au total, 998 personnes se sont vu accorder l’asile entre 2000 et 2015 après avoir transmis des informations aux services de renseignement allemand, la plupart en raison de la crainte qu’elle soient torturées ou tuées en cas de retour dans leur pays d’origine suite à leurs contacts avec ces services.

Des politiciens de l’opposition allemande critiquent cette pratique et remettent en question la fiabilité des informations glanées auprès d’individus qui recherchent la protection internationale en échange de leur collaboration avec les services de renseignement.

Martina Renner, la députée Die Linke qui a posé les questions parlementaires à l’origine de la publication de ces données, a déclaré qu’il était « stupéfiant de constater sous quelle pression les autorités nationales avaient placé les réfugiés ».

« Il est très suspect que les services de renseignement, les douanes et la police promettent le séjour à des personnes en recherche de protection à condition que celles-ci acceptent de collaborer, a-t-elle remarqué. Il y a donc de fortes raisons de douter de la qualité des informations récoltées. »

L’une des personnes susceptibles d’avoir été impliquées dans le programme d’asile du BND était un Irakien connu sous le nom de code « Curveball », qui a plus tard été identifié comme étant Rafid Alwan al-Janabi.

Rafid Alwan al-Janabi est originaire d’Irak, mais il est parti en Allemagne en 1999, donc avant le début de la période couverte par les données que le BND a récemment publiées.

À son arrivée, Rafid Alwan al-Janabi a déclaré avoir travaillé comme ingénieur dans une usine qui créait des laboratoires mobiles de fabrication d’armes biologiques, et ce dans le cadre du programme irakien de production d’armes de destruction massive.

Son témoignage fut une pierre angulaire des preuves utilisées par les gouvernements américain et britannique pour justifier l’invasion de l’Irak en 2003 malgré les avertissements du BND sur la véracité de ses propos.

Il fut révélé en 2004 que cette histoire était fausse, un ancien agent de la CIA ayant décrit Rafid Alwan al-Janabi comme « un type qui essayait d’obtenir [un permis de séjour] en Allemagne et qui profitait du système, si vous voulez mon avis ».

Malgré la baisse du nombre de personnes recevant l’asile en échange d’informations (on observe 50 cas par an depuis 2006), ce programme de recueil d’informations reste actif.

Des agents des services de renseignement sont postés dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile, a rapporté Die Zeit, et ils tentent fréquemment de recruter de nouveaux arrivants pour en faire des informateurs.

Traduction de l’anglais (original) par Mathieu Vigouroux.

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