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Obama décide d’envoyer davantage de troupes en Irak

À l’occasion de l’anniversaire de la prise de Mossoul par l’EI, les États-Unis envisagent de renforcer leur présence sur le terrain
Le Président américain Barack Obama a reconnu ne pas avoir une « stratégie complète » pour lutter contre l’Etat islamique

Le Président Barack Obama prévoit d’envoyer 450 soldats et officiers américains en Irak afin de renforcer les capacités de l’armée irakienne et des combattants des tribus sunnites, selon un communiqué de la Maison Blanche.

Le personnel militaire des États-Unis et d’autres pays participant à la coalition américaine contre l’État islamique (EI) ont entraîné jusqu’à présent plus de 9 000 soldats irakiens, et 3 000 seraient actuellement en cours de formation, selon le communiqué.

Les troupes fourniront une assistance aux soldats irakiens à la base militaire de Taqaddum, dans la province d’Anbar, et « n’auront pas un rôle de combat », a indiqué la Maison Blanche. 

Cette semaine, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, Alistair Baskey, avait déclaré à l’AFP que Washington « étudi[ait] plusieurs options pour accélérer la formation et l’équipement des forces de sécurité irakiennes ». Trois mille formateurs, conseillers et troupes de soutien en provenance des États-Unis sont déjà présents sur le terrain.

« Ces options incluent l’envoi de formateurs supplémentaires en Irak », avait précisé Baskey au New York Times.

Par le passé, l’envoi de troupes supplémentaires avait suscité l’appréhension, certains craignant une « mission creep », ou déviation incontrôlée de la mission initiale, qui pourrait voir l’Amérique accroître graduellement sa présence et son mandat.

Alors que l’administration américaine a nié ces accusations à plusieurs reprises, répétant que ses forces ne mèneraient pas de combats sur le terrain, la violence a augmenté et le Pentagone a admis plus tôt cette année que certaines troupes étaient « régulièrement » visées par le feu adverse. 

Le colonel Steven Warren, porte-parole du Pentagone, a lui aussi indiqué dans un communiqué que les États-Unis « avaient fini par conclure qu’il était préférable d’entraîner un plus grand nombre d’officiers des forces de sécurité irakiennes ».

« Les performances des éléments que nous avons déjà formés ont été supérieures à ce à quoi nous nous attendions, et nous avons le sentiment qu’il est dans l’intérêt de tous de former plus de personnel. »

Ces déclarations font suite à l’annonce du Premier ministre anglais, David Cameron, d’un envoi de 125 officiers britanniques supplémentaires.

Le renforcement de la présence militaire américaine en Irak doit encore recevoir le feu vert. Des sources de l’armée et du gouvernement indiquent que la manœuvre ferait suite à des mois de discussions entre les dirigeants américains sur la façon de faire face à la menace de l’État islamique, mais aussi à un aveu controversé d’Obama – prononcé lors du sommet du G7 qui a rassemblé les gouvernants de la planète en début de semaine – selon lequel les États-Unis n’avaient pas [encore] une « stratégie complète ».

Les troupes américaines se focaliseront sur Ramadi

Sur les 450 soldats américains déployés dans la province d’Anbar, moins de 100 seront des conseillers chargés d’aider les commandants irakiens en vue d’une éventuelle contre-attaque à Ramadi, on indiqué des responsables. Le reste du contingent s’occupera de la logistique et de la sécurité des autres troupes. 

Les troupes « fourniront leur aide pour la planification, l’intégration et le soutien des Forces de sécurité irakiennes et des forces tribales dans leur lutte pour reprendre le corridor de Ramadi et de Fallujah », a précisé un communiqué du Pentagone.

La nouvelle équipe sera localisée dans la base aérienne de Taqaddum, située à seulement 37 kilomètres de Ramadi. Jusqu’à présent, les troupes de la province d’Anbar étaient stationnées dans la base aérienne d’al-Asad. Selon de hauts gradés, la présence de conseillers américains si près de Ramadi permettra d’accélérer le rythme des frappes aériennes de la coalition contre l’EI.

Outre la bataille pour Ramadi, les conseillers chercheront à forger des liens avec les tribus sunnites de la région afin de les encourager à rejoindre la lutte contre le groupe EI.

Cependant, la communauté sunnite demeure méfiante. Par le passé, après avoir recruté des combattants sunnites pour lutter contre le précurseur de l’État islamique, à savoir la branche irakienne d’al-Qaïda, les Américains s’étaient retirés d’Irak en laissant les sunnites à la merci d’un régime chiite sectaire.

Les militants de l’EI ont exploité le sentiment d’aliénation des sunnites et leur victoires sur le terrain ont conduit à la mobilisation de nombreux miliciens chiites soutenus par l’Iran, ravivant encore davantage les craintes de persécution des sunnites. 

Les responsables américains ont précisé qu’ils ne prévoyaient pas dans l’immédiat d’armer directement une garde nationale sunnite dont la formation est prévue.

Neuf mois de frappes aériennes

Malgré la formation par Washington d’une coalition internationale pour lutter contre les militants de l’EI – laquelle, selon les affirmations du Pentagone, aurait causé la mort de plus de 10 000 miliciens au cours des neuf derniers mois – le groupe n’a pas relâché son emprise sur les villes de Raqqa en Syrie et de Mossoul en Irak. S’il a perdu quelques territoires, notamment en faveur des factions kurdes rivales au nord, le groupe a cependant mené avec succès une série d’offensives au sud.

Le mois dernier, l’EI a pris le contrôle de Ramadi, la capitale de la province agitée d’Anbar, en Irak, et a étendu son influence en Syrie, où il a capturé la cité antique de Palmyre – une prise stratégique qui a jeté le doute sur l’efficacité de la stratégie de refoulement des miliciens suivie actuellement.

Rick Perry, candidat républicain à la présidentielle et critique féroce d’Obama, a fustigé la politique anti- État islamique de Washington cette semaine.

« C’est un échec du leadership. Si j’étais le commandant en chef, cela ne prendrait pas neuf mois pour développer avec nos responsables militaires une stratégie complète permettant de détruire l’EI et de protéger les intérêts sécuritaires et les valeurs des Etats-Unis », a-t-il déclaré.

Les critiques se sont également multipliées en Irak, où la population blâme à la fois les Etats-Unis et le gouvernement irakien.

Les sunnites font notamment valoir qu’ils sont pris à partie et mis de côté par Bagdad.

« Les sunnites ne font pas confiance au gouvernement dirigé par les chiites », a déclaré mardi Usama al-Nujayfi, une personnalité sunnite. « Bagdad continue sa politique de discrimination politique à l’encontre des sunnites. »

Nujayfi a ajouté qu’il était déçu par la performance du gouvernement du Premier ministre Haïder al-Abadi et s’est plaint du manque d’efforts déployés pour libérer Mossoul.

« [La province de] Ninive ne sera libérée que par ses fils, qui se sont unis au sein de brigades prêtes à défendre leur terre… ils attendant des armes », a indiqué Usama al-Nujayfi, affirmant qu’il était de la responsabilité du gouvernement de soutenir les combattants volontaires.

Les résidents du bastion sunnite de Hawija, à environ 50 kilomètres à l’ouest de Kirkouk, ont exprimé des griefs similaires.

« Sous [l’ancien Président Nouri al-] Maliki, l’armée nous traitait tous comme des terroristes, et aujourd’hui il n’y a pas de gouvernement. C’est une milice. Qui n’est pas différente [de l’EI] », a déclaré Abu Ahmed à Al Jazeera. « Il n’y a pas d’avenir pour l’Irak, pas d’avenir du tout. »

Les chiites, cependant, ont tendance à rendre les sunnites responsables de la montée en puissance de l’EI et de la violence semée par le groupe, alors que les attentats-suicides se poursuivent à travers la plus grande partie du pays. Le dernier en date a eu lieu mardi soir dans la capitale irakienne Bagdad, faisant trois morts et huit blessés.

L’administration américaine affirme être déterminée à faire front aux critiques. Des sources officielles ont indiqué à l’AFP que le gouvernement accordera « une importance particulière » à la formation d’un plus grand nombre de sunnites pour essayer d’atténuer les divisions, reconnaissant toutefois que de nombreux obstacles demeurent.

Notamment, le nombre de recrues qui se sont jusqu’à présent portées volontaires pour participer aux programmes d’entraînement américains n’est pas suffisant, et les Etats-Unis ont accusé le gouvernement irakien de ne pas en avoir fait assez en ce sens.

« Je ne sais pas précisément pourquoi les Irakiens ont eu du mal à mobiliser davantage de stagiaires », a indiqué Warren. 

Traduction de l’anglais (original).

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