Limitée en électricité, la bande de Gaza mène sa révolution solaire
Dans la bande de Gaza privée d’électricité douze heures par jour, Yasser al-Hajj, un pisciculteur et propriétaire d’un restaurant, a décidé de miser sur les panneaux solaires pour réduire ses factures de fioul.
« L’électricité est l’épine dorsale du projet », explique à l’AFP ce Palestinien qui a équipé sa pisciculture de panneaux photovoltaïques il y a six ans.
« Nous comptons sur l’énergie solaire pour fournir de l’oxygène aux poissons et pour puiser l’eau de la mer », lance-t-il, debout devant une dizaine de panneaux poussiéreux recouvrant des bassins où nagent des poissons.
Selon Yasser al-Hajj, l’introduction des énergies renouvelables lui a permis de réduire sa facture d’électricité de deux tiers.
« On payait 150 000 shekels [44 000 euros] par mois, ce qui est énorme », contre environ 50 000 shekels [14 693 euros] aujourd’hui, note l’entrepreneur.
Les autorités de la bande de Gaza, contrôlée par le Hamas, ne parviennent pas à fournir plus de douze heures d’électricité par jour dans cette enclave palestinienne soumise à un blocus israélien depuis 2007 et desservie par une seule centrale électrique endommagée par les multiples conflits.
Plus de 300 jours par an
Si certains Gazaouis ont recours à des blocs électrogènes gourmands en fioul, d’autres se tournent vers l’énergie solaire comme Yasser, pour s’offrir une indépendance énergétique, dans une région où le soleil brille plus de 300 jours par an.
Ces dernières années, les panneaux solaires ont fleuri sur les toits de Gaza, où 20 % des foyers comptent désormais sur le solaire, selon la revue Energy, Sustainability and Society.
Propriétaire d’une boulangerie, Bishara Shehadeh a installé cet été une centaine de panneaux solaires sur le toit de son commerce. Une opération rentable.
« Comme nous avons un surplus d’électricité durant la journée, nous le vendons à la compagnie d’électricité en échange de courant pendant la nuit », explique le boulanger.
« Nous utilisons actuellement des fours à diesel, mais nous voulons importer des fours électriques d’Israël et les alimenter au solaire », dit-il.
La transition énergétique de la boulangerie, comme celle pour la pisciculture, est possible grâce aux financements de donateurs étrangers.
Des Gazaouis mettent aussi la main à la poche mais, dans un territoire où selon l’ONU près de 80 % des habitants dépendent de l’aide humanitaire, tout le monde n’a pas les moyens de passer au vert.
Une « source d’énergie vraiment très prometteuse »
Bishara Shehadeh a notamment souscrit un prêt sur quatre ans pour financer son projet.
« Au cours des deux dernières années, les entrepreneurs se sont tournés vers l’énergie solaire car elle permet d’économiser [de l’argent] et constitue un investissement rentable », assure l’ingénieur Shehab Hussein, de la société locale MegaPower, spécialisée en kits solaires.
Selon lui, des panneaux solaires peuvent être installés à partir de 1 000 euros.
La plupart des tuiles solaires utilisées à Gaza proviennent de Chine. Avec un minimum d’entretien, elles peuvent servir plusieurs années mais leurs batteries doivent être changées tous les deux ou trois ans.
Raya al-Dadah, à la tête du laboratoire de technologie en énergie durable à l’université de Birmingham au Royaume-Uni, affirme que les panneaux solaires utilisés par sa famille à Gaza datent de plus de quinze ans, donc plus tout jeunes, mais, lance-t-elle, « l’eau de la douche est toujours très chaude ».
Si l’installation de panneaux standards pour chauffer l’eau est relativement simple, Raya al-Dadah a rencontré des difficultés pour importer des technologies plus élaborées, à cause notamment des restrictions imposées par l’Égypte et Israël qui contrôlent les points d’entrée à Gaza.
Parmi les nouveautés, des panneaux rotatifs qui épousent la trajectoire du soleil pour optimiser l’approvisionnement en énergie. Une technologie de pointe, plus onéreuse, développée de l’autre côté de la frontière, par la société israélienne SolarGik, grâce à un dispositif de suivi des conditions météorologiques.
« Ce système nous permet de produire 15 à 20 % d’électricité de plus que les panneaux standards », explique à l’AFP Gil Kroyzer, le PDG du groupe, soulignant que ces panneaux devraient pouvoir un jour « prédire la météo » grâce à l’intelligence artificielle. « La révolution est en marche […] mais nous avons besoin de meilleurs moyens de stockage de l’énergie solaire avant de pouvoir remplacer les énergies fossiles ».
En attendant, Raya al-Dadah estime que les panneaux classiques procurent une « source d’énergie vraiment très prometteuse et disponible partout ».
Par Rosie Scammell et Mai Yaghi.
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