Aller au contenu principal

Le plan américano-israélien pour le « jour d’après » à Gaza va laisser l’enclave dans une « instabilité permanente »

Selon un article du Washington Post, un plan en cinq points inclut des raids militaires réguliers à Gaza, calqués sur les raids en Cisjordanie
Des troupes israéliennes en patrouille lors d’une opération militaire dans le nord de la bande de Gaza, le 22 novembre 2023 (Ahikam Seri/AFP)
Des troupes israéliennes en patrouille lors d’une opération militaire dans le nord de la bande de Gaza, le 22 novembre 2023 (Ahikam Seri/AFP)
Par Umar A Farooq à WASHINGTON, États-Unis

Selon un article publié dans The Washington Post le 20 mai, les discussions entre les principaux responsables américains concernant une fin éventuelle de la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza se traduisent par un plan en plusieurs étapes. Mais les perspectives pour le « jour d’après » restent floues.

Ce plan en cinq points, toutefois, ne décrit pas comment la présence sécuritaire israélienne à Gaza va concrètement se terminer et ouvre la voie à une occupation israélienne continue du territoire sans que le Hamas ne puisse être complètement éliminé.

Un aspect du plan qu’Israël a finalisé est son assaut sur Rafah, la ville la plus au sud de Gaza où des centaines de milliers de Palestiniens ont fui depuis le début de la guerre.

Il ne s’agirait pas d’une invasion à grande échelle telle que les dirigeants israéliens l’avaient annoncée il y a quelques mois, mais plutôt, selon les responsables américains, d’une « attaque plus limitée », qui, selon Washington causerait « moins de victimes civiles ».

Le Hamas resterait à Gaza

Rien dans l’article du Washington Post n’explique quelle sont les préoccupations américaines concernant la crise humanitaire et la crise des réfugiés que le plan – l’article indique que Biden ne s’y opposerait pas – pourrait provoquer à Rafah.

Les forces israéliennes ont déjà lancé le 7 mai un assaut sur Rafah, s’emparant du point de passage avec l’Égypte et bloquant ainsi l’aide humanitaire.

L’Égypte a déclaré que les opérations israéliennes empêchaient l’aide humanitaire d’entrer par le passage de Rafah. Israël – et depuis cette semaine, l’administration Biden – ont clairement attribué la responsabilité de la fermeture de Rafah à l’Égypte.

L’ONU met en garde contre un « nettoyage ethnique » des Palestiniens à Gaza, « étranglée » par Israël
Lire

L’article du Washington Post indique également que la présence du Hamas à  Gaza se poursuivra, une conclusion qui va à l’encontre de l’objectif principal d’Israël depuis octobre, à savoir l’éradication complète du Hamas.

« Si vous regardez les choses d’un point de vue strictement militaire, alors d’accord, Israël a réussi à porter un coup au Hamas. Et Israël a probablement réussi à garantir que le Hamas ne puisse pas répéter un 7 octobre pendant de nombreuses années », commente pour Middle East Eye Adam Weinstein, directeur adjoint du programme Moyen-Orient au Quincy Institute for Responsible Statecraft (Institut Quincy pour une diplomatie responsable).

« Mais en même temps, ce qu’il a créé à la place est une instabilité permanente. Donc tout dépend s’ils [les Israéliens] veulent se concentrer sur une solution politique ou une stricte solution militaire. Mais une stricte solution militaire échouera inévitablement sans une solution politique et c’est le nœud du problème. »

La stratégie militaire d’Israël est de plus en plus critiquée par Washington, notamment par le chef d’état-major des armées, le général Charles Brown, qui fustige le manque de résultat à Gaza.

« Vous ne devez pas seulement entrer et éliminer l’adversaire auquel vous êtes confronté, vous devez entrer, tenir le territoire et ensuite le stabiliser », a déclaré Brown.

Des raids réguliers

Autre objectif clé des États-Unis, négligé mais crucial pour prévenir une crise humanitaire déjà sévère, les pourparlers pour un cessez-le-feu, qui ont connu peu, voire pas de progrès du tout, depuis qu’Israël a rejeté une proposition de paix négociée par la CIA début mai.

Le Qatar, un pays clé dans les négociations entre Israël et le Hamas, a déclaré mardi que les discussions étaient « proches de l’impasse », et l’Égypte, autre médiateur clé, a menacé mercredi de se retirer des négociations en raison de « doutes présumés sur son rôle ».

Voilà huit mois qu’Israël mène une guerre à Gaza et jusqu’à présent, les forces israéliennes ont tué plus de 35 000 Palestiniens, pour la plupart des femmes et des enfants, selon le ministère palestinien de la Santé.

Le dernier massacre de Palestiniens à Gaza s’inscrit dans un long passif de crimes de guerre israéliens
Lire

Les forces israéliennes ont également ciblé des écoles, des hôpitaux et des abris de l’ONU, tout en tuant des journalistes, des employés du secteur de la santé et des humanitaires. Des groupes de défense des droits de l’homme ont accusé Israël de commettre des crimes de guerre dans l’enclave, une accusation qu’Israël rejette.

Pourtant, huit mois plus tard, les combattants palestiniens sont toujours capables de cibler les forces israéliennes dans toute la région, avec trois soldats israéliens tués dans le nord de Gaza mercredi.

Le plan approximatif du « jour d’après » à Gaza indique que selon les dirigeants israéliens, 75 % de la « capacité militaire organisée » du Hamas a été détruite, mais il restera intégré dans la population locale.

Un article du site américain Politico publié le 21 mai a également indiqué que, selon les renseignements américains, environ 30 à 35 % des combattants du Hamas ont été tués par les forces israéliennes à Gaza, et 65 % des tunnels de Gaza sont intacts.

Aucun article ne mentionne les dommages causés à d’autres groupes armés opérant à Gaza, y compris le Jihad islamique palestinien. Les renseignements américains et israéliens rapportés ne disent pas clairement s’ils identifient ces groupes comme étant le Hamas.

« Une future intifada »

La solution esquissée par les responsables américains est qu’Israël prévoie de « mener des raids réguliers » comme il le fait en Cisjordanie occupée.

« En effet, la Cisjordanie pourrait être un modèle pour l’évolution future de Gaza, » a écrit David Ignatius dans sa chronique pour le Washington Post.

Selon Adam Weinstein, si le plan proposé consiste à modeler Gaza après la Cisjordanie occupée, où les forces de sécurité israéliennes ont lancé des raids militaires réguliers, avec pour objectif de tuer, même avant octobre, cela préparera le terrain pour une instabilité accrue.

« Si votre objectif était de porter un coup suffisamment important au Hamas pour qu’il ne puisse pas présenter une menace crédible pour Israël disons pour les dix prochaines années, alors d’accord, je suppose que cela a du sens. Si votre objectif est la stabilité, en vous prémunissant contre une autre intifada à l’avenir, alors cela n’a pas de sens », ajoute Adam Weinstein

« Ce qu’Israël a permis aux colons de faire et ce qu’Israël a fait en Cisjordanie au cours de ces raids qui tuent souvent des gens innocents prépare le terrain pour une future intifada. »

Traduit de l’anglais (original).

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].