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À Gaza, les conditions de vie aggravent les risques de brûlures

Médecins sans frontières a vu le nombre de grands brûlés augmenter ces dernières années dans ses cliniques à Gaza, passant de 3 675 en 2019 à plus de 5 500 l’an passé
Yasser Khila, quatre ans, est réconforté avec une sucette après qu’un pansement a été appliqué sur ses brûlures, dans une clinique gérée par Médecins sans frontières (MSF) à Gaza le 7 septembre 2022 (AFP/Mohammed Abed)
Yasser Khila, 4 ans, est réconforté avec une sucette après qu’un pansement a été appliqué sur ses brûlures, dans une clinique gérée par Médecins sans frontières (MSF) à Gaza le 7 septembre 2022 (AFP/Mohammed Abed)
Par AFP à GAZA, Palestine occupée

Des bandages enserrant son corps et sa tête, Attia al-Sawarifi, 50 ans, attend sa première greffe de peau dans un hôpital de Gaza. En cause ? Non pas la guerre mais les conditions de vie de l’enclave qui font des milliers de brûlés chaque année.

Comme ailleurs dans la bande de Gaza, le système des égouts du quartier d’Attia est rudimentaire. En tentant de le déboucher, l’homme a versé de la soude caustique en trop grande quantité.

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« La soude a giclé et a brûlé ma tête, mes mains et mes jambes », raconte-t-il, en attendant sa première greffe à l’hôpital al-Chifa, dans le centre de l’enclave paupérisée de 2,3 millions d’habitants sous strict blocus israélien depuis quinze ans.

Dans les couloirs de l’hôpital, un petit garçon gémit et réclame sa mère en sortant de la salle d’opération où il a été soigné pour de graves brûlures. 

L’enfant jouait avec un briquet lorsque celui-ci est tombé, allumé, sur une flaque d’essence, causant un embrasement et des brûlures au troisième degré sur 45 % du corps.

« Nous avons effectué de nombreuses opérations sur ce garçon. Il a fallu nettoyer les blessures puis faire des greffes de peau en plusieurs étapes car nous n’avons pas de banque de tissus pour greffe », explique le docteur Jamal al-Assar, spécialiste des grands brûlés à l’hôpital al-Chifa, le plus grand de Gaza.

Un « problème sanitaire chronique »

Bien que confrontés à un manque criant de matériel, les médecins de l’enclave palestinienne soignent des milliers de brûlés par an. 

Attia al-Sawarifi, 50 ans, attend sa première greffe de peau dans l’hôpital al-Chifa de Gaza, le 6 septembre 2022 (AFP/Mohammed Abed)
Attia al-Sawarifi, 50 ans, attend sa première greffe de peau dans l’hôpital al-Chifa de Gaza, le 6 septembre 2022 (AFP/Mohammed Abed)

La plupart s’ébouillantent avec des liquides, d’autres sont victimes d’incendies, du réseau électrique défaillant ou de brûlures chimiques.

À Gaza, les brûlures sont un « problème sanitaire chronique », estime l’ONG Médecins sans frontières (MSF) qui a vu le nombre de grands brûlés augmenter ces dernières années dans ses cliniques, passant de 3 675 en 2019 à plus de 5 500 l’an passé. La plupart sont des enfants de moins de 5 ans.

MSF mène un projet qui fournit aux grands brûlés des masques thérapeutiques 3D créés sur mesure grâce à un ordinateur. Avec des sangles réglables qui le maintiennent sur le visage, le masque exerce une pression sur la peau et facilite la cicatrisation.

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Ce masque est une solution dans un territoire où le matériel est « cher et difficile à trouver », explique le docteur Abed al-Hamid Qaradaya, en charge de la kinésithérapie pour la clinique MSF.

Celle-ci a été endommagée par un raid aérien israélien l’an passé lors d’une nouvelle guerre avec le Hamas, qui contrôle ce territoire palestinien.

Pour expliquer le nombre de grands brûlés, l’ONG blâme notamment les conditions de logement « dangereuses » dans l’enclave, où de « nombreuses personnes vivent dans des maisons surpeuplées, insalubres, sans accès suffisant à l’électricité et au chauffage », estime MSF.

Tentative de suicide 

Jamal al-Assar de l’hôpital al-Chifa pointe lui aussi le réseau électrique défaillant : nombre d’enfants jouent avec des prises abîmées et d’autres habitants manipulent parfois des générateurs défectueux.

Un autre médecin, Medhat Saidam, se rappelle aussi de plusieurs « catastrophes », évoquant notamment des incendies déclenchés par des bougies non surveillées, l’un d’eux ayant tué six membres d’une même famille.

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Mais ces accidents sont moins nombreux, souligne-t-il, grâce à un meilleur approvisionnement en électricité. Selon l’ONU, les Gazaouis ont reçu en moyenne douze heures d’électricité par jour cette année, contre sept il y a cinq ans. 

Avec l’arrivée de l’hiver, les médecins craignent un nouvel afflux de brûlés, les habitants de Gaza utilisant souvent des moyens dérisoires pour se chauffer, note le docteur Saidam de l’hôpital al-Chifa.

Il souligne la gravité des « problèmes économiques » de la population dans ce territoire où le taux de chômage avoisine 50 %, et affirme avoir constaté une hausse des tentatives de suicide.

Dans son unité, un patient de 20 ans a tenté de s’immoler par le feu. Cela fait deux mois qu’il est hospitalisé.

Pour Dina Khila, mère d’un garçon de 4 ans qui s’est brûlé en renversant un plat, il ne faut pas sous-estimer l’impact psychologique des brûlures. « Il me veut toujours à ses côtés et est devenu très sensible », raconte-t-elle aux côtés de son fils Yasser, qu’une sucette peine à réconforter.

Par Yahya Hassouna et Rosie Scammell.

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