Furush Beit Dajan, un village palestinien asséché par Israël et son contrôle drastique de l’eau
Contemplant ses citronniers autrefois féconds, Thabet Muhammad Abdul Kareem se demande anxieusement s’ils vont continuer à s’étioler.
Les terres de cet agriculteur palestinien et sa famille constituent leur principale source de revenus depuis près de 50 ans, tout comme pour les autres habitants de Furush Beit Dajan, village agraire de Cisjordanie occupée par Israël.
Situé juste à l’est de la ville de Naplouse, au cœur de la vallée du Jourdain, ce village palestinien couvre 14 000 dounams (1 400 hectares) de terres, dont la plupart ont été confisquées par les autorités d’occupation israéliennes.
Le village est également encerclé par le poste de contrôle militaire de Hamra et les colonies israéliennes de Hamra et Mekhora.
Les cultures sont interdites aux résidents palestiniens sur 11 000 dounams de ces terres, ce qui leur laisse seulement 3 000 dounams classés en zone C selon les accords d’Oslo, ce qui signifie qu’il est interdit aux villageois d’y ériger des structures – ne serait-ce que des réservoirs d’eau.
Ressources enviables
Les habitants de Furush Beit Dajan travaillent à 98 % dans l’agriculture, et les cultures et l’élevage constituent leur principale source de revenus.
En raison de son emplacement privilégié – derrière la chaîne de montagnes de Naplouse où se trouve le bassin oriental –, l’eau souterraine ne manque pas.
Furush Beit Dajan est connu pour ses terres fertiles et ses citronniers, déclare le chef du conseil du village, Azem Hajj Muhammad, à Middle East Eye, mais en raison du forage par l’armée israélienne de puits artésiens sur leurs terres, l’eau des puits souterrains du village a commencé à s’épuiser et, avec elle, la production de citrons du village a chuté.
Avec des terres amputées et un approvisionnement en eau réduit, les habitants se sont adaptés en passant aux serres et à l’agriculture verticale. Mais on leur rappelle constamment les ressources naturelles disponibles juste sous leurs pieds.
« Furush Beit Dajan se tient sur un puits d’eau souterraine, et on entend l’eau se déplacer à travers les conduites d’eau israéliennes, mais on ne peut pas l’utiliser », explique Muhammad.
Selon le chef du conseil, les autorités israéliennes harcèlent les villageois qui tentent de creuser des puits ou d’utiliser les conduites d’eau. Plusieurs agriculteurs ont été arrêtés et condamnés à de lourdes amendes lorsqu’ils ont été reconnus coupables d’avoir tenté d’accéder à l’eau.
En outre, les réservoirs d’eau sont interdits dans le village. Le 16 juillet 2021, les autorités israéliennes ont démoli l’un des réservoirs de Muhammad, contenant 500 mètres cubes d’eau, malgré un ordre de la Cour suprême israélienne qui suspendait la démolition.
« Israël pratique la discrimination raciale à notre encontre. À 500 mètres de nous, la colonie de Hamra a des piscines, un accès illimité à l’eau et toutes les infrastructures dont elle a besoin », affirme-t-il à MEE.
Rêves construits sur l’eau
Thabet Muhammad Abdul Kareem a aujourd’hui 72 ans. Il est père de neuf enfants et treize fois grand-père. Tous dépendent de leurs terres, comprenant six dounams plantés principalement de vieux citronniers.
L’année dernière, sa famille a senti un certain optimisme lorsqu’elle a été l’une des bénéficiaires d’un projet du ministère palestinien de l’Agriculture visant à ériger des réservoirs pour collecter l’eau. Peu de temps après, Abdul Kareem a ajouté une centaine de citronniers à son lopin, sur lesquels il avait placé tous ses espoirs.
Toutefois, dès que la construction du réservoir d’eau s’est achevée le 15 novembre 2021, les autorités israéliennes ont ordonné sa démolition, portant un coup dévastateur à l’exploitation.
« Nous souffrons de sécheresses constantes pendant les mois d’été, je dois acheter de l’eau pour entretenir mes arbres et j’avais besoin de ce réservoir pour stocker toute l’eau que j’avais achetée », explique Abdul Kareem à MEE, soulignant que les citronniers doivent être arrosés tous les deux jours et consomment de grandes quantités d’eau, ce qui nécessite un réservoir de cette taille.
Après l’installation du réservoir d’eau, l’administration civile israélienne a ensuite pénétré sur ses terres, pris des photos et même accroché une ordonnance militaire sur le réservoir stipulant que celui-ci devait être démonté dans les 96 heures.
« Nous sommes allés devant les tribunaux israéliens et nous avons essayé d’interjeter appel de l’ordonnance. Le 28 janvier, nous avons reçu un rejet définitif du tribunal ordonnant sa destruction », rapporte-t-il à MEE.
Quelques jours plus tard, le 8 février, les autorités israéliennes ont fait irruption sur les terres d’Abdul Kareem et démoli le réservoir, qui contenait 250 000 litres d’une précieuse eau.
« Ces ordonnances militaires sont injustes. Ils ne nous ont pas donné la possibilité d’obtenir un permis ou de faire appel de l’ordre de démolition », se désole-t-il. « La politique de l’occupation [Israël] contre nous est claire, ils veulent nous expulser de notre terre. »
« C’est la première fois que nous recevons de l’aide de l’Autorité palestinienne et j’ai été heureux d’avoir l’opportunité de construire un réservoir d’eau et d’y placer tous mes espoirs. Mais tous ces espoirs ont été éparpillés au vent. »
Abdul Kareem détient de vieux documents datant de 1920 prouvant que la terre appartient à sa famille. Il emporte ces papiers partout où il va et les montre aux défenseurs des droits de l’homme et aux journalistes. Il précise toutefois que les tribunaux israéliens ne reconnaissent pas la légitimité de ces documents.
« C’est notre terre, la terre de nos ancêtres. Ceux qui ont démoli le réservoir sont des étrangers et des envahisseurs. Je construirai un autre réservoir à sa place et s’ils déracinent nos arbres, nous en planterons de nouveaux… nous ne quitterons pas nos terres. »
Nouvelles cultures et contaminations
Avec sa production de citrons en déclin, Furush Beit Dajan se concentre désormais sur la culture de tomates en serres, la diversification de ses cultures et le remplacement de sa production d’agrumes. Le village fournit maintenant 60 % des besoins du marché palestinien en tomates.
Burhan Abu Jaysh (32 ans) inspecte ses plants de tomates dans l’une des serres de son terrain en examinant méticuleusement chaque branche une par une.
« Les tomates sont très délicates et nous en prenons soin comme nous le faisons pour un enfant. Nous les inspectons tous les jours, nous les cueillons et nous les traitons avec les sprays nécessaires », indique-t-il à MEE.
La pénurie d’eau a forcé sa famille à passer de la plantation de citrons à la culture maraîchère, en particulier des tomates. Ils ont également dû changer leurs pratiques agricoles et se concentrer sur le travail en hiver en utilisant l’eau de pluie, et en l’arrêtant complètement pendant les chauds mois d’été en raison du manque d’eau.
Selon Abu Jaysh, certains agriculteurs ont commencé à utiliser de l’eau contaminée car l’eau douce n’est pas disponible, ce qui a endommagé la terre et affaibli sa production.
« Dans quelques années, nous ne pourrons plus planter de nombreuses cultures dans notre village en raison des effets de l’eau contaminée », regrette-t-il.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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