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Selon Amnesty, la Turquie détient, maltraite et expulse les réfugiés syriens

L’organisation des droits de l’homme indique que des centaines de réfugiés sont maltraités, maintenus en isolement et contraints à signer des accords d’expulsion « volontaires » en turc
À la station d’Esenler (Istanbul), des migrants et des réfugiés attendent les autobus qui les conduiront à la frontière gréco-turque (AFP)

La Turquie détient, abuse et expulse les réfugiés en violation du droit international, selon une enquête menée par Amnesty International.

Dans un nouveau rapport, Europe’s Gatekeeper, l’organisation de défense des droits de l’homme affirme que les autorités turques ont fait monter des centaines de personnes dans des bus et les ont déplacées à plus de 1 000 kilomètres dans des centres de détention, où ils sont maintenus en isolement et souvent soumis à des mauvais traitements ou menottés pendant des jours.

Certains ont également déclaré avoir été renvoyés de force dans leur pays d’origine qu’ils fuyaient.

Cette étude – menée à Ankara, Bursa, Gaziantep, Hatay, Istanbul, Osmaniye et Şanlıurfa – repose sur des informations provenant d’Afghans, de Kurdes, d’Iraniens et de Syriens.

Un Syrien de 40 ans a rapporté avoir été enfermé dans une pièce du centre de rétention d’Erzurum pendant sept jours, pieds et mains liés.

« Lorsqu’on vous enchaîne les mains et les jambes, vous vous sentez comme un esclave, comme si vous n’êtes plus un être humain », a-t-il déclaré.

Il a ajouté que l’équipement utilisé sur lui comportait des étiquettes indiquant qu’il provenait du financement de l’UE.

Le rapport indique que les détenus du camp Düziçi à Osmaniye avaient été contraints au rapatriement « volontaire ».

Dans le camp, les gardiens auraient dit à une jeune femme de 23 ans qu’elle pouvait « repartir en Syrie ou rester en prison ; voilà vos options ».

Une autre femme originaire d’Idlib dans le nord de la Syrie a déclaré qu’elle avait été détenue à Düziçi avec ses quatre enfants, qu’on lui avait dit de signer un accord de retour volontaire rédigé en turc et que la traduction lui avait été refusée.

John Dalhuisen, directeur d’Amnesty pour l’Europe et l’Asie centrale, a déclaré qu’un tel traitement était « non seulement inadmissible… mais aussi en violation du droit international ».

Il a également critiqué l’Union européenne, qui, en novembre, a promis 3 milliards d’euros à la Turquie pour l’aider à améliorer les conditions des réfugiés en Turquie et ralentir le flux de réfugiés vers l’Europe occidentale.

« En engageant la Turquie comme garde-frontière de l’Europe dans la crise des réfugiés, l’UE risque d’ignorer et d’encourager maintenant de graves atteintes aux droits de l’homme », a déclaré Dalhuisen.

« La coopération liée à la migration entre l’UE et la Turquie doit cesser jusqu’à ce que ces violations fassent l’objet d’une enquête et prennent fin. »

Le gouvernement turc a rejeté les accusations d’Amnesty International.

« Nous démentons catégoriquement que des réfugiés syriens aient été contraints de retourner en Syrie », a déclaré un responsable du gouvernement turc à Middle East Eye. « Tous les rapatriés sont interrogés indépendamment par le personnel du HCR. »

« La Turquie ne dicte pas aux réfugiés syriens où ils doivent vivre. Alors que la majorité des Syriens choisissent de vivre dans les zones urbaines à travers la Turquie, près de 280 000 réfugiés habitent dans des logements gérés par le gouvernement. Pour prévenir les problèmes sociaux, les sans-abri sont installés dans des camps de réfugiés – dont ils sont libres de partir. »

Il a ajouté que les réfugiés détenus dans le camp de réfugiés de Düziçi avaient des « liens établis avec des bandes criminelles » et que leurs mouvements étaient limités pour cette raison.

La Turquie a été saluée dans le passé pour son traitement des réfugiés fuyant la Syrie, dont le nombre s’élève aujourd’hui à pas moins de 2,3 millions. Des responsables du gouvernement ont exprimé leur frustration face aux tergiversations de l’UE sur la question.

Mardi, une proposition de l’UE sur l’accueil de réfugiés syriens installés en Turquie indiquait que celle-ci ne fixerait pas de limite minimale au nombre de réfugiés qu’elle était disposée à accueillir.

« Si nous parvenons à réinstaller 10 000 réfugiés en provenance de Turquie d’ici cet été, ce serait une énorme réussite », a déclaré à Reuters un haut fonctionnaire impliqué dans la préparation de ce projet.

Traduction de l’anglais (original) de VECTranslation.

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