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Ramasser des truffes en Syrie, un gagne-pain périlleux

Depuis février, 130 personnes ont été tuées alors qu’elles cherchaient des truffes à cause de l’explosion de mines disséminées par le groupe État islamique (EI) ou de tirs de ses combattants retranchés dans le désert
Le kilo de truffes se vend entre cinq et 25 dollars, selon la taille et la qualité, dans un pays où le salaire mensuel moyen est de 18 dollars (AFP/Louai Beshara)
Le kilo de truffes se vend entre cinq et 25 dollars, selon la taille et la qualité, dans un pays où le salaire mensuel moyen est de 18 dollars (AFP/Louai Beshara)
Par AFP à HAMA, Syrie

Au marché de la ville de Hama, en Syrie, Mohammad Salha vend les truffes qu’il a ramassées en plein désert au péril de sa vie : s’il échappe aux mines, il peut être victime d’une attaque islamiste armée.

Depuis février, 130 personnes ont été tuées alors qu’elles cherchaient des truffes à cause de l’explosion de mines disséminées par le groupe État islamique (EI) ou de tirs de ses combattants retranchés dans le désert, selon un décompte l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une ONG au vaste réseau de sources en Syrie.

Des marchands trient des truffes du désert dans un marché de la ville de Hama, dans le centre-ouest de la Syrie, le 6 mars 2023 (AFP/Louai Beshara)
Des marchands trient des truffes du désert dans un marché de la ville de Hama, dans le centre-ouest de la Syrie, le 6 mars 2023 (AFP/Louai Beshara)

« C’est un gagne-pain plein de sang. On risque de mourir pour les trouver, mais on s’en fiche, on veut pouvoir nourrir nos enfants », affirme Mohammad Salha devant des sacs remplis de champignons.

Le jeune homme de 31 ans vient de passer une semaine à sillonner le désert, près de son village des environs de Hama (centre), à la recherche de ces truffes vendues à un prix considérable pour le marché syrien.

« Je sors chaque jour de la maison et je ne sais pas si je reverrai ma femme et mes enfants », ajoute-t-il. « Or jaune, venez acheter de l’or jaune », dit-il pour interpeller les clients.

« C’est comme jouer aux cartes »

Le kilo se vend entre cinq et 25 dollars, selon la taille et la qualité, dans un pays où le salaire mensuel moyen est de 18 dollars.

Moins parfumées que les truffes françaises ou italiennes, les truffes des sables syriennes sont considérées parmi les meilleures au monde et ne peuvent être ramassées qu’à la saison des pluies, entre février et avril. 

En raison de l’effondrement économique causé par la guerre en Syrie, de plus en plus de villageois se risquent à partir à leur recherche.

« On fait beaucoup de profits pendant la saison des truffes […] mais c’est au risque de notre vie », résume Mohammad Salha.

« C’est un gagne-pain plein de sang. On risque de mourir pour les trouver, mais on s’en fiche, on veut pouvoir nourrir nos enfants »

- Cueilleur et vendeur de truffes

Sur les étalages du marché, les caisses de truffes s’alignent devant des dizaines de vendeurs assis par terre. Ils vendent à la criée leur récolte, au milieu d’un attroupement de grossistes.

L’un d’eux, Omar al-Bouch, ouvre les enchères à 4,5 dollars le kilogramme, mais le prix grimpe rapidement à 9 dollars. 

Beaucoup de commerçants achètent les meilleures truffes à Hama pour les exporter ensuite vers l’Irak et le Liban, ou les envoyer en contrebande vers les riches pays du Golfe, via la Jordanie, note Jamaleddine Dakkak, un grossiste de Damas, 

Youssef Saffaf, un commerçant de 43 ans, achète les truffes à des Bédouins qui viennent vendre leur précieux butin chaque matin.

« Certains ont encore les vêtements tachés de sang » lorsqu’ils arrivent au marché, raconte-t-il. « D’autres ont perdu des proches en ramassant des truffes et continuent de le faire […] parce qu’ils n’ont pas le choix. »

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Début mars, une source militaire citée dans un journal a appelé les Syriens « à ne pas aller dans le désert ramasser des truffes des opérations de nettoyage des cellules de Daech étant en cours. »

« Il y a beaucoup de mines antipersonnel et d’engins explosifs » dans ces secteurs, a-t-elle ajouté.

Près de 10,2 millions de Syriens vivent dans des zones infestées par des engins explosifs, qui ont fait environ 15 000 morts de 2015 à 2022, selon l’ONU.

Malgré les fréquentes mises en garde des autorités, cette activité à haut risque se poursuit.

Il y a trois ans, Jihad al-Abdallah a perdu une jambe en allant chercher des truffes, lorsqu’une mine a explosé au passage du camion qu’il conduisait dans le désert, à l’est de Hama. 

Depuis, le jeune homme de 30 ans se déplace à l’aide de béquilles mais il n’a pas renoncé à vendre des truffes.

Ramasser des truffes, « c’est comme jouer aux cartes », affirme-t-il, assis devant ses truffes. « Un coup vous gagnez, un coup vous perdez. C’est un pari et je l’ai accepté. »

Par Maher al-Mounes.

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