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Thatcher a tenu des pourparlers secrets avec les Saoudiens pour remporter un gros contrat d’armement

Selon des archives, Margaret Thatcher s’est rendue en Arabie saoudite où elle a engagé une diplomatie secrète pour adjuger à la Grande-Bretagne le plus gros contrat d’armement de son histoire
Le roi d’Arabie saoudite Fahd ben Abdelaziz al-Saoud lors d’une rencontre avec la Première ministre britannique Margaret Thatcher (AFP)
Par MEE

Margaret Thatcher a engagé une diplomatie secrète dans les années 1980 pour adjuger à la Grande-Bretagne son contrat d’armement le plus important et le plus controversé, selon des documents gouvernementaux récemment publiés.

Les documents du Foreign Office montrent que Thatcher s’est rendue en Arabie saoudite en avril 1985, en tant que Première ministre, où elle a rencontré le roi Fahd pour discuter de la vente d’avions de chasse, aboutissant cinq mois plus tard au contrat al-Yamamah.

Dans le cadre de ce contrat, d’une valeur de 43 milliards de livres, la firme de défense BAE Systems devait fournir plus de 100 avions à l’Arabie saoudite.

La vente s’est avérée très controversée en raison d’affirmations selon lesquelles BAE disposait d’une caisse noire de plusieurs millions de livres sterling délivrant des paiements secrets à la famille royale et à des intermédiaires saoudiens dans le but d’assurer la concrétisation de l’accord.

Thatcher était à la tête du Parti conservateur de 1975 à 1990 et a occupé le poste de Première ministre entre 1979 et 1990. Elle est décédée en 2013.

En 1985, Michael Heseltine, alors ministre britannique de la Défense, a accepté que Thatcher fasse une halte à Riyad à son retour d’un voyage en Asie du Sud.

Heseltine a approuvé la visite uniquement sur la base du fait que Thatcher serait en mesure de conclure le contrat al-Yamamah.

Le prince Bandar ben Sultan al-Saoud, alors ambassadeur saoudien à Washington, a invité Thatcher à rencontrer Fahd. D’après les documents du Foreign Office, la rencontre avait pour but de « forcer la main » aux Saoudiens au sujet du contrat d’armement.

Avant la rencontre, les Saoudiens hésitaient entre les avions de chasse britanniques et français, mais le Foreign Office d’Heseltine s’est montré confiant quant à la capacité de Thatcher à remporter le contrat après l’invitation de Bandar.

« Il semble peu probable que le prince Bandar cherche à orchestrer une telle rencontre sans que quelque chose de positif puisse en ressortir, sinon il court le risque évident d’embarrasser à la fois la Première ministre et le roi Fahd », indiquait un document d’information du conseiller de Thatcher en politique étrangère, Charles Powell.

Le Foreign Office a suggéré que la visite de Thatcher était un moyen de « s’attaquer au roi en personne » et était « probablement le seul moyen de forcer la main aux Saoudiens ».

L’un des documents désormais publiés énonce les « arguments tactiques » à déployer par Thatcher si elle voulait remporter le contrat d’armement. Parmi ces arguments figurait le fait de mettre l’accent sur le prix moins élevé des avions britanniques par rapport à leurs équivalents français, tout en avertissant qu’il n’était pas garanti que le prix reste le même.

La rencontre avec le roi a été officiellement présentée comme une rencontre axée sur les développements régionaux et les documents officiels ne font aucune mention de discussions sur les avions de chasse.

On a également dit à Thatcher de laisser le roi soulever la question du contrat dans les discussions, et alors qu’il n’existe aucune trace de celles-ci, une note envoyée par la Première ministre britannique au roi saoudien après la visite semble donner la preuve de discussions entre eux au sujet du contrat.

« Je suis heureuse que nous ayons pu discuter d’une autre question en privé au cours du déjeuner », a écrit Thatcher au roi Fahd après leur rencontre. « Je me réjouis de recevoir sous peu l’envoyé personnel de Votre Majesté afin que nous puissions finaliser cette affaire. »

En septembre 1985, le contrat d’armement a été signé pour que la Grande-Bretagne fournisse l’Arabie saoudite en avions Tornado, Hawk et PC-9.

La nature controversée de l’accord a été plus tard renforcée lorsqu’un rapport du National Audit Office sur cet accord datant de 1992 a été supprimé par crainte d’offenser les Saoudiens.

Une décennie plus tard, le Serious Fraud Office a lancé une enquête sur l’affaire, mais en 2006, celle-ci a été abandonnée après l’intervention du Premier ministre de l’époque, Tony Blair.

En 2010, BAE Systems a conclu un accord avec le Serious Fraud Office et le Département américain de la Justice suite à des allégations de corruption. Cet accord a coûté 286 millions de livres sterling à la société.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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