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Dans la banlieue pauvre de Tunis, l’art pour échapper à la violence

Se sentant abandonnés et stigmatisés par les autorités, les jeunes tunisiens des quartiers défavorisés veulent prendre leur destin en main
À 23 ans, Mohamed Ali Ayari, habitant de Douar Hicher, lutte via le rap contre les préjugés et le mépris dont sa génération est la cible (AFP/Fethi Belaid)
À 23 ans, Mohamed Ali Ayari, habitant de Douar Hicher, lutte via le rap contre les préjugés et le mépris dont sa génération est la cible (AFP/Fethi Belaid)
Par AFP à DAOUAR HICHER, Tunisie

« Arrêtez de nous considérer comme des voyous ! » : dans plusieurs quartiers défavorisés de la banlieue de Tunis, des jeunes, privés d’opportunités et d’infrastructures, ont trouvé refuge et un début de notoriété dans la musique, le cinéma et la photo.

Stigmatisés socialement, les quartiers populaires de la capitale qui ont subi des décennies de pauvreté et d’érosion des services publics ont la réputation d’abriter des délinquants et d’être des zones de non-droit. 

« Ces préjugés sont méprisants et nous compliquent la vie », déplore auprès de l’AFP Mohamed Ali Ayari, de Douar Hicher, banlieue très pauvre et surpeuplée dans l’ouest de Tunis.

Ce jeune de 23 ans, qui travaille comme gardien de sécurité, a remporté récemment avec un morceau de rap une compétition organisée par International Alert, qui travaille sur l’inclusion.

Mohamed Ali Ayari (debout), un rappeur d’un quartier défavorisé de Tunis, se tient dans un studio d’enregistrement à Douar Hicher le 1er mars 2023 (AFP/Fethi Belaid)
Mohamed Ali Ayari (debout), un rappeur d’un quartier défavorisé de Tunis, se tient dans un studio d’enregistrement à Douar Hicher le 1er mars 2023 (AFP/Fethi Belaid)

« Je veux sortir à la lumière », chante Mohamed Ali dans son clip réalisé avec l’aide de cette ONG.

L’organisation a sélectionné des dizaines de jeunes de Daouar Hicher, Fouchana, Cité Ettahdhamen et Sidi Hssine, pour qu’ils s’expriment à leur manière, à travers la musique, un documentaire et des photos, sur la thématique de la violence.

« Il y a des gens qui vivent la violence au quotidien, certains la pratiquent et d’autres la subissent. C’est à partir de là que nous avons pensé à la canaliser dans des activités culturelles », explique à l’AFP Houcem Ayari, coordinateur à International Alert.

« Il y a des gens qui vivent la violence au quotidien, certains la pratiquent et d’autres la subissent. C’est à partir de là, que nous avons pensé à la canaliser dans des activités culturelles »

Houcem Ayari, coordinateur à International Alert

Dans une petite chambre transformée en studio, au milieu de constructions anarchiques à Daouar Hicher, Mohamed Ali enregistre ses couplets, élaborés avec des amis du même quartier. 

En l’absence d’espaces culturels, une situation qui accroît, selon eux, le risque de sombrer dans la délinquance, ces jeunes ont équipé un studio, avec les moyens du bord.

« Nous avons choisi la musique pour parler de nous, de notre vie, de jeunes [qui se sont] perdus [en route] et d’autres qui veulent réussir, des policiers qui nous agressent verbalement et physiquement, de l’État qui nous marginalise et de la société qui nous stigmatise », lance Wassim Tayachi, 22 ans.

Selon lui, leur provenance de « quartiers difficiles » entrave leur recrutement sur le marché de l’emploi ou l’obtention de papiers officiels.

Ces jeunes, déçus de l’État dans un pays secoué par de vives tensions politiques et une crise socio-économique, ont trouvé dans le rap « une thérapie contre la dépression et les tentations interdites », renchérit Mohamed Ali, qui veut devenir un grand rappeur mais doute de réaliser son rêve en Tunisie.

L’échec de la classe politique à améliorer leur quotidien suscite chez ces jeunes une grande déception. Beaucoup pensent à l’immigration clandestine.

« Un État qui n’écoute pas ses jeunes ne pourra rien leur donner », regrette Wassim.

Marginalisation

Mariem Chourabi, 24 ans, dotée d’un master en fiscalité et comptabilité, a ouvert un centre de soutien scolaire dans son quartier à Fouchana il y a un an et a participé à la réalisation d’un documentaire. Celui-ci évoque l’injustice sociale et économique, le harcèlement sexuel, la dégradation des transports publics et des infrastructures et la déscolarisation.

Pourtant beaucoup de jeunes des quartiers populaires « ont la volonté de réussir plus que les autres parce que leurs conditions de vie les y poussent davantage », dit-elle.

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À Sidi Hssine, Belhssan Jabri, 26 ans, ingénieur en génie civil au chômage, a choisi la photo pour dire aux autorités : « nous ne méritons pas la marginalisation ! ».

Dans ses clichés, il montre des espaces délaissés de son quartier « qui pourraient être des endroits pour des activités sportives, culturelles ou des jardins, au lieu d’être encombrés en permanence de bacs à ordures remplis à ras bord ».

Dénonçant cette « violence environnementale », Belhassen espère voir émerger une « volonté réelle » des hauts responsables pour réaliser des changements. 

« Il y a des médecins, des ingénieurs, des artistes et beaucoup de jeunes cultivés et diplômés issus de notre quartier, donc il ne faut pas regarder uniquement le côté négatif ni dévaloriser les jeunes venant des quartiers populaires », dit-il encore.

Par Kaouther Larbi.

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