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Dans les ruines d’Antakya, sauver les animaux console les humains

L’ONG Haytap a délivré 900 chats, chiens, lapins, vaches ou encore oiseaux des ruines d’Antakya, souvent appelée par des propriétaires éplorés, incapables de récupérer leurs animaux dans leurs logis détruits
Une bénévole de l'ONG Haytap, Une bénévole de l’ONG Haytap nourrit un chaton à Antakya, au sud de la Turquie, le 18 février 2023 (AFP/Yasin Akgul) un chaton à Antakya, au sud de la Turquie, le 18 février 2023 (AFP/Yasin Akgul)
Une bénévole de l’ONG Haytap nourrit un chaton à Antakya, dans le sud de la Turquie, le 18 février 2023 (AFP/Yasin Akgul)
Par AFP à ANTAKYA, Turquie

Casques et lampe-torche sur le front, les sauveteurs s’enfoncent sous une maison effondrée d’Antakya. En vue : Asghar et Nouma, deux taureaux coincés sous les décombres.

Des centaines de chats, chiens, lapins, oiseaux, choyés par la population de cette grande ville dévastée par le tremblement de terre du 6 février, dans le sud de la Turquie, se sont retrouvés pris au piège des décombres tels ces deux bovins.

Et pas plus que les humains, il n’a été question de les abandonner.

Une volontaire de l’ONG locale Haytap transporte deux cages afin d’attraper des chats à Antakya, au sud de la Turquie, où de nombreux animaux sont piégés dans les décombres après le séisme, le 18 février 2023 (AFP/Yasin Akgul)
Une volontaire de l’ONG locale Haytap transporte deux cages afin d’attraper des chats à Antakya, au sud de la Turquie, où de nombreux animaux sont piégés dans les décombres après le séisme, le 18 février 2023 (AFP/Yasin Akgul)

Comme 75 000 bâtiments totalement dévastés par ce séisme qui a fait plus de 44 000 morts en Turquie et en Syrie, la maison de Nazli Yenocak s’est écroulée.

Cette robuste femme de 47 ans s’estime encore chanceuse car sa famille est indemne, même s’ils campent désormais à six sous une tente au milieu du jardin. 

En revanche il est temps d’aller secourir Asghar et Nouma d’ordinaire bruyants. « De les entendre si calmes, ça me fait pleurer » dit-elle.

Pendant onze jours, Nazli les a nourris à travers un soupirail. Puis elle a contacté les secouristes de Haytap, une association turque de protection des animaux qui, après des heures d’efforts et avec l’aide de bénévoles allemands et autrichiens, ont fini vendredi par sortir ses taureaux.

Haytap a ainsi délivré 900 chats, chiens, lapins, vaches ou encore oiseaux des ruines d’Antakya, souvent appelée par des propriétaires éplorés, incapables de récupérer leurs animaux dans leurs logis détruits. 

Traduction : « À la 116e heure du tremblement de terre, un chat a été sauvé des décombres à Hatay. »

Dans le camp de bénévoles où la structure est installée, les animaux secourus sont fêtés comme des rock-stars, filmés par une myriade de téléphones portables et applaudis.

Traduction : « Si nous tenons encore debout et ne perdons pas espoir, c’est grâce à des personnes qui, malgré la terrible catastrophe, peuvent entendre le petit chat crier dans ces cris énormes et douloureux. »

Cinq chiens chow-chow d’élevage, petites boules de poils blancs, sont d’abord soignés, puis acheminés vers un refuge hors de la zone sinistrée. Tout comme un husky aux yeux bleus, ou plusieurs portées de chiots dont les jappements aigus égayent l’atmosphère.

Traduction : « Le chat, coincé sous les décombres pendant 104 heures, a fait entendre sa voix aux équipes en miaulant. »

Sous la tente vétérinaire d’Haytap, une portée de chatons dorment en couveuse, nourris au biberon. L’ONG assure aussi des points de nourriture pour animaux à travers la ville.

Car sur les montagnes de gravats qui encombrent désormais Antakya, ils sont souvent les uniques signes de vie quatorze jours après le séisme : un chien qui somnole près d’un canapé défoncé, un chat qui fait sa toilette dans une cuisine dévastée.

Dans la vieille ville, un homme secouru après deux jours sous les décombres s’occupe d’un chaton noir, découvert devant un immeuble atomisé : « Sa propriétaire a fui. Lui est resté ici. Alors on le nourrit. »

Quelques rues plus loin, un grand chien s’agite et aboie au premier étage d’une maison soufflée. « Il pourrait descendre, mais il reste par fidélité à ses maîtres », explique Efe Subasi, 27 ans, un volontaire d’Haytap amené sur les lieux par un voisin.

Retrouver des vivants relève désormais du miracle. Alors « en sauvant des vies [animales], on arrive à se sentir un tout petit peu mieux », lance ce réalisateur.

Quelques belles histoires mettent du baume au cœur d’une population en état de choc.

Un chat de Gaziantep baptisé « Enkaz » (Décombres en turc), par son sauveteur et qui ne le lâche plus d’une semelle, est ainsi devenu un héros des réseaux sociaux.

Pris sous des gravats, chiens ou chats réussissent à se faufiler vers la nourriture ou jusqu’à un frigo, ce qui leur permet de tenir plus longtemps, observe Mehti Fidan, responsable du pôle vétérinaire de la ville d’Istanbul, qui a traité 300 animaux d’Antakya.

« Quand ils nous arrivent, les chats ont les pupilles dilatées. Les chiens refusent qu’on les approche. Ils sont traumatisés, comme des humains »

- Mehti Fidan, responsable du pôle vétérinaire de la ville d’Istanbul

« Mais quand ils nous arrivent, les chats ont les pupilles dilatées. Les chiens refusent qu’on les approche. Ils sont traumatisés, comme des humains », note-t-il.

Parfois, leur présence agace les équipes de recherche : leurs scanners thermiques n’arrivent pas à différencier leur température corporelle de celle des humains.

« Après des heures d’effort, on est tombé sur un chat qui, une fois dégagé, a décampé sans même un ‘’miaou’’ pour nous », raconte décontenancé un secouriste étranger.

Pourtant, neuf jour après la catastrophe, un bébé d’Antakya a été découvert dans son berceau couvert de pierres par un voisin qui cherchait son chat, a rapporté jeudi la chaîne CNN Türk.

Erol Donmezer, rencontré devant la tente d’Haytap, est en revanche au désespoir de ne pas avoir retrouvé le sien. « On vient d’amputer mon fils de ses deux jambes », relate-t-il. Après l’opération, « il m’a dit: ‘’Papa, tout ce que je veux, c’est que tu me ramènes mon chat’’. »

Par Joris Fioriti.

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