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Un investissement dans un gazoduc ouvre la voie aux exportations israéliennes de gaz vers l’Égypte

Des sociétés leaders dans le développement gazier israélien achètent une participation de 518 millions de dollars dans l’entreprise qui contrôle le seul gazoduc reliant Israël et l’Égypte
Le gazoduc d’EMG entre Ashkelon et Al-Arish (MEE)

Les entreprises leaders du développement des réserves israéliennes en gaz offshore ont dévoilé un accord qui lève l’un des derniers obstacles majeurs à l’exportation du gaz naturel israélien vers l’Égypte.

Noble Energy et son partenaire israélien Delek, ainsi que l’Egyptian East Gas Company, ont acheté une participation de 39 % dans East Mediterranean Gas (EMG), compagnie qui contrôle le seul gazoduc reliant Israël et l’Égypte.

« Il s’agit de l’étape la plus importante pour le marché du gaz israélien depuis les récentes découvertes »

 - Yossi Abu, PDG de Delek

Annoncé jeudi, l’achat s’élève à 518 millions de dollars : 185 millions payés chacun par Noble et Delek, le reste par Egyptian East Gas, d’après les documents déposés par Delek à la Bourse de Tel Aviv.

Grâce au contrôle du gazoduc, Delek a expliqué que le gaz provenant des réservoirs gisements israéliens de Tamar et Léviathan pourrait être acheminé en Égypte dès l’année prochaine, quand se concrétisera le contrat d’un montant de 15 milliards de dollars sur dix ans, signé en février entre Delek, Noble et la société égyptienne privée, Dolphinus Holdings.

« Il s’agit de l’étape la plus importante pour le marché du gaz israélien depuis les récentes découvertes », s’est réjoui Yossi Abu, PDG de Delek, dans un communiqué.

« Le gisement du Léviathan devient ainsi le pilier de l’énergie primaire du bassin méditerranéen, avec des clients en Israël, en Égypte et en Jordanie. »

Une victoire israélienne

Cet accord est une victoire majeure pour l’industrie gazière israélienne qui, en raison de ses vicissitudes politiques et économiques, peinait à vendre ses découvertes.

Le premier champ, Tamar, fut identifié en 2009, suivi en 2010 par Léviathan, l’une des plus grandes découvertes de ce siècle au monde.

Mais près d’une décennie plus tard, seul Tamar produit du gaz destiné à la consommation commerciale, fournissant la quasi-totalité du gaz israélien et exportant également vers la société d’État jordanienne Arab Potash Company et sa filiale, Jordan Bromine Company.

Au fil du temps la liste des clients potentiels en Méditerranée s’est rétrécie, car l’Égypte et Chypre ont de leur côté découvert d’importantes quantités de gaz.

La pression sur le marché israélien a augmenté d’un cran la semaine dernière, avec l’annonce de la signature d’un accord entre Chypre et l’Égypte, portant sur la construction d’un gazoduc menant aux installations égyptiennes de gaz naturel liquéfié (GNL) et ouvrant la voie aux exportations chypriotes de gaz – concurrentes à celles d’Israël.

« Les partenaires de Léviathan désespèrent presque de trouver comment vendre leur gaz », a déclaré jeudi à Middle East Eye David Butter, associé au programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Chatham House. 

« Je pense aussi qu’ils veulent mettre les bouchées doubles pour que leur gaz soit commercialisé avant l’arrivée du premier lot de gaz chypriote. »

Un pied en Égypte

L’urgence de la signature d’un contrat s’est d’autant plus exacerbée que l’Égypte est en passe d’atteindre l’autosuffisance énergétique. Évolution majeure : depuis plusieurs années il lui faut importer à grand frais du gaz naturel liquéfié (GNL), parce qu’instabilité politique et mauvaise gestion du secteur énergétique l’empêchaient d’exploiter son propre gaz.

« Sur le papier en tous cas, le gaz israélien n’est plus indispensable », a expliqué il y a quelques mois à MEE Elai Rettig, chargé de recherche à l’Institute for National Security Studies de Tel Aviv. 

En fait, l’accord inversera le sens historique du flux de gaz entre les deux pays : à partir du début des années 2000, l’Égypte était exportatrice net de gaz et fournissait 40 % du gaz naturel d’Israël, à des prix parmi les plus bas du monde.

Cet accord a été conclu entre deux entreprises publiques égyptiennes et EMG, dont les partenaires comprenaient l’ancien agent du renseignement israélien et magnat de l’énergie Yossi Maiman, ainsi que l’investisseur milliardaire américain Sam Zell – et c’est dans cette même société que Delek, Noble et l’Egyptian East Gas Company achètent maintenant des participations à hauteur de 39 %.

Or, en 2012, des attaques répétées sur le gazoduc dans le Sinaï et l’incapacité de répondre à la demande d’une population croissante et régulièrement soumise à des pannes générales, ont conduit l’Égypte à annuler le contrat, et à devoir par conséquent débourser des milliards de dollars au titre des arbitrages intentés par l’Israël Electric Company et ses partenaires dans EMG.

Aujourd’hui, d’après le communiqué et le dossier de presse déposés jeudi par Delek, les actionnaires d’EMG – que Delek, Noble et Egyptian East Gas ont rachetés (dont Zell et Maiman) – ont accepté de renoncer à toute revendication, levant ainsi l’un des obstacles qui entravait la conclusion de l’accord.

Étant donné que l’Égypte est proche de l’autosuffisance énergétique, la plupart des analystes ont émis l’hypothèse que le gaz israélien sera liquéfié dans l’une des deux usines égyptiennes, puis réexporté : péages et redevances de transit génèreront donc des bénéfices au profit de l’État et des entreprises concernées.

Traduit de l’anglais (original) par Dominique Macabies.

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