Un tueur invisible dans les rues d’Aden
Après que la Résistance populaire a réussi à expulser les combattants houthis d’Aden en juillet, la vie a commencé progressivement à reprendre son cours normal dans la ville.
Le calme est revenu dans les rues où retentissaient autrefois les bruits assourdissants des tirs et des explosions. L’essence et la nourriture, à un moment donné uniquement disponibles sur le marché noir, sont de nouveau en vente.
En vous promenant dans les rues d’Aden, auparavant remplies d’houthis, vous n’entendrez plus d’affrontements, ni de frappes aériennes dans la ville, mais vous ne verrez personne non plus.
Malgré la paix apparente que connaît Aden, les habitants hésitent encore à retourner dans les zones de la ville autrefois contrôlées par les combattants houthis, de peur qu’un tueur invisible ne leur prenne la vie, là où les balles et les bombes ont échoué.
La semaine passée, une dizaine de personnes ont été tuées et plus de quatre-vingts autres ont été blessées par des explosions de mines terrestres à Aden, selon le directeur du service de santé de la ville, al-Khadher Laswar.
Laswar a indiqué à Middle East Eye qu’aucun chiffre exact n’est à disposition concernant le nombre de victimes des mines terrestres, mais que celui-ci augmente jour après jour.
Essam al-Shaeri, sous-secrétaire de la Fondation Sah pour la défense des droits et de la liberté basée à Aden, a indiqué à MEE que les combattants houthis avaient posé des mines terrestres dans des secteurs d’Aden, tels que Dar Saad et al-Mualla, lorsque ces derniers étaient sous le contrôle du groupe.
Une guerre silencieuse
Après l’expulsion des houthis par la Résistance populaire, les mines non explosées et non signalées ont commencé à ravager les civils qui ont eu le courage de rentrer chez eux, a-t-il ajouté.
Le Centre exécutif d’action antimines yéménite (YEMAC) ne travaille pas à Aden actuellement, ce qui signifie que tous les ingénieurs spécialistes des mines terrestres travaillant dans le secteur sont des bénévoles qui ne relèvent pas de la direction du centre, a affirmé Ali al-Qadri, ingénieur au YEMAC actuellement basé à Sanaa.
« C’est assez aventureux pour les ingénieurs spécialistes des mines terrestres de travailler sans planification de leur administration, mais il est très important d’aider les gens, et ils ne peuvent pas ignorer quelqu’un qui a besoin de leur aide », a expliqué al-Qadri à MEE.
Il a indiqué que trois ingénieurs spécialistes des mines terrestres avaient été blessés la semaine dernière à Aden, ajoutant que plusieurs d’entre eux s’affairent toujours à détecter les mines terrestres qui ont été à l’origine de la guerre silencieuse d’Aden.
« Les ingénieurs ont détecté des dizaines de mines terrestres au cours de la dernière semaine, mais le danger est toujours présent, étant donné que les mines ont été posées partout dans la ville, et que même si les ingénieurs font de leur mieux pour les détecter, ils ne peuvent cependant pas terminer le travail en un ou deux mois, cette tâche nécessite du temps », a-t-il expliqué.
La peur de rentrer
À cause des mines terrestres, de nombreux habitants des secteurs qui étaient sous le contrôle des houthis ont peur de rentrer chez eux.
Amal Ayash, 35 ans, a quitté al-Mualla et s’est installée dans le quartier d’al-Cheikh Othman à Aden pour tenter de se mettre à l’abri des combats ; aujourd’hui, elle fait partie de ces anciens habitants du secteur qui craignent de retourner chez eux.
« Les affrontements ont cessé dans la ville, mais la guerre se poursuit, car ces mines terrestres que les houthis ont posées peuvent tuer des dizaines de personnes. À cause d’elles, les gens ont peur de vivre dans les zones dont les houthis avaient pris le contrôle ; ainsi, cette situation est pire que la guerre », a confié Ayash.
Elle a ajouté que dans son quartier d’al-Mualla, plus de cinq mines terrestres ont explosé au cours de la semaine écoulée.
Ayash se montre très pessimiste quant à la possibilité de voir Aden redevenir une ville paisible, comme elle l’était avant la guerre.
Elle a affirmé espérer que la coalition dirigée par l’Arabie saoudite envoie des ingénieurs pour enlever d’Aden ces mines terrestres qui annihilent toute chance d’un retour à la paix.
La présence militaire continue
Bien que la guerre ait cessé entre la Résistance populaire et les houthis à Aden, il y a des véhicules militaires dans toutes les rues de la ville, signe supplémentaire pour les citoyens qu’un retour n’est pas sans danger.
« Je sais qu’il n’y a pas de combats ces jours-ci, mais quand je vois les véhicules militaires près de ma maison à Dar Saad, j’ai du mal à croire que ce n’est pas dangereux ; je ne peux pas retourner chez moi », a confié Ali al-Daas, un habitant d’Aden également en quête de sécurité dans le quartier d’al-Cheikh Othman.
La Résistance populaire a posté des véhicules militaires dans toutes les rues afin de garantir que les houthis ne puissent retourner dans la ville, a précisé Maged al-Shoaibi, membre de l’équipe médiatique de la Résistance populaire à Aden ; il a ajouté que les citoyens parviennent rarement à comprendre la raison de la forte présence de l’armée dans leur ville.
« Ces véhicules militaires ne resteront pas dans les rues indéfiniment, mais Aden [subit encore les contrecoups de] la guerre en ce moment ; une procédure doit donc être appliquée afin de s’assurer que les houthis ne puissent pas attaquer la ville, à la suite de quoi les véhicules militaires retourneront à leurs camps », a-t-il assuré.
De l’espoir à l’horizon
Bien que les mines terrestres et les soldats continuent de donner aux habitants d’Aden l’impression que leur ville est en état de siège, quelques points positifs ressortent de l’expulsion des houthis.
Amal Ayash a indiqué à MEE que les produits de base sont de nouveau disponibles au marché d’Aden à des prix raisonnables, ce qui a ainsi mis fin à la nécessité d’un marché noir.
« La plupart des gens à Aden n’ont pas les moyens d’acheter des produits de base alors les prix ont été baissés. La majorité des gens attendent en fait que la Résistance populaire leur fournisse ces produits de base », a-t-elle expliqué à MEE.
La semaine dernière, des navires de secours humanitaire ont commencé à arriver dans le port d’Aden, avec à leur bord de la nourriture, des fournitures médicales et des dérivés pétroliers, ce qui a permis d’atténuer les malheurs de ceux qui avaient bravé un retour dans la ville.
« Un litre d’essence coûte 75 riyals yéménites (0,32 €), tandis que les gens peuvent obtenir gratuitement du blé et d’autres produits de base de la part de la Résistance populaire. Cette dernière est responsable de la distribution de l’aide humanitaire », a ajouté Ayash.
Un litre d’essence coûte 150 riyals yéménites (0,64 €) à Sanaa, soit le double du prix du carburant à Aden. Le prix des denrées de base est également plus élevé dans la capitale.
En outre, le gouvernement yéménite basé à Riyad a déclaré ce dimanche que tous les navires de secours humanitaire devraient accoster à Aden, qui est sous le contrôle de la Résistance populaire, au lieu d’Hodeïda, qui reste contrôlée par les combattants houthis.
Essam al-Shaeri, de la Fondation Sah pour la défense des droits et de la liberté, a indiqué à MEE que le gouvernement avait pris la bonne décision, mais qu’une planification était nécessaire pour distribuer l’aide au-delà d’Aden.
Il a ajouté que les habitants d’Aden, qui ont enduré le siège des houthis au cours des quatre derniers mois, devraient ainsi faire preuve de sympathie envers les habitants des autres provinces qui subissent le même sort et vivent sans produits de base.
« La Résistance populaire et les habitants d’Aden pensent que ces navires sont uniquement destinés à Aden, et nous pouvons voir qu’Aden regorge de ces fournitures de base, ce qui entraînera une crise dans les autres provinces, dans la mesure où tous les approvisionnements arriveront [uniquement] à Aden », a-t-il estimé.
Traduction de l’anglais (original) par VECTranslation.
Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].