Une tribu jordanienne menace de « faire trembler » le pays si sa figure de proue n’est pas libérée
Des chefs d’une des tribus les plus puissantes de Jordanie ont menacé de « [faire] trembler les piliers de l’État jordanien » si une personnalité de premier plan de l’opposition arrêtée pour avoir appelé à un changement politique n’est pas libérée dans un délai de quelques heures.
Dimanche soir, lors d’une conférence de presse, le fils de Fares al-Fayez a déclaré que des membres de la tribu des Beni Sakhr bloqueraient la route principale entre Amman et Madaba et perturberaient les vols au départ de l’aéroport principal de Jordanie si son père n’était pas libéré.
Fares al-Fayez a été arrêté samedi après que des images d’un discours prononcé la semaine dernière devant des manifestants, dans lequel il s’était montré très critique envers le roi Abdallah II, ont été largement partagées sur les réseaux sociaux.
« Nous ferions trembler les piliers de l’État jordanien », a déclaré Muhjem al-Fayez lors d’une conférence de presse à Madaba, avant d’ajouter qu’il accepterait l’arrestation de son père si les autorités jordaniennes arrêtaient également dix personnalités accusées de corruption.
Traduction : « Fares al-Fayez a été arrêté samedi après avoir été accusé d’avoir cherché à “renverser le régime” »
Située à une trentaine de kilomètres au sud d’Amman et à proximité de l’aéroport international Reine-Alia, Madaba est considérée comme le foyer des Beni Sakhr.
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La Jordanie a été ébranlée par plusieurs jours de protestations de rue déclenchées par la hausse des prix et des propositions de réformes économiques – dont certaines ont désormais été retirées – qui auraient entraîné une augmentation des taux d’imposition des revenus dans le royaume.
Dimanche, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït ont proposé une aide de 2,5 milliards de dollars à la Jordanie, craignant que les protestations qui sévissent dans le pays ne débordent dans d’autres États de la péninsule du Golfe.
Néanmoins, le discours de Fayez et l’ultimatum adressé aux autorités par la tribu sont un signe que les protestations n’étaient pas seulement motivées par des préoccupations économiques, mais aussi par un mécontentement vis-à-vis du roi en personne.
Universitaire célèbre et membre de la deuxième plus grande tribu de Jordanie après celle des Beni Hassan, Fares al-Fayez a été arrêté après avoir été accusé d’avoir cherché à « renverser le régime » et est actuellement détenu dans la prison de Marka, à Amman.
Un « demi-dieu »
Dans son discours, al-Fayez a accusé le roi Abdallah II de Jordanie d’agir comme un « demi-dieu » et réclamé une transition du système politique jordanien vers une monarchie constitutionnelle.
« Nous voulons changer la formule politique. Nous ne vous accepterons pas [le roi Abdallah] en tant que roi, Premier ministre, ministre de la Défense, chef de la police et gouverneur. Vous êtes tout à la fois. Cette Constitution a fait de vous un demi-dieu et nous sommes des esclaves », a déclaré al-Fayez.
« Ici, c’est notre pays et notre terre. Vous, votre père et votre grand-père venez du Hedjaz. C’est mon père qui a accueilli votre grand-père. Vous nous êtes redevables, et non l’inverse », a soutenu al-Fayez.
« Nous ne vous accepterons pas en tant que roi, Premier ministre, ministre de la Défense, chef de la police et gouverneur »
– Fares al-Fayez
En vertu de la Constitution jordanienne actuelle, le roi détient l’ensemble des principaux postes de responsabilité au sein de l’État.
La tribu hachémite du roi Abdallah est originaire de la région du Hedjaz, dans l’Arabie saoudite actuelle, mais a été repoussée par les Saoud dans les années 1920 après plusieurs années de conflit dans la péninsule Arabique.
Les Hachémites ont été accueillis en Jordanie par d’autres tribus après la Première Guerre mondiale et ont été institués en tant que famille régnante du pays avec le soutien militaire et politique des Britanniques.
Traduction : « L’arrestation de l’activiste politique Fares al-Fayez »
« Vous avez semé l’injustice dans notre pays. Laissez-nous », a déclaré al-Fayez à la fin de son discours.
Il a également sévèrement critiqué Abdallah, le qualifiant de « joueur maladif », et décrit son épouse, la reine Rania, comme étant « Satan ».
« Elle est venue du Koweït avec sa famille en tant que réfugiés, et maintenant, ils sont millionnaires. Sa famille et elle ont pillé le pays », a soutenu al-Fayez.
La reine Rania est issue d’une famille palestinienne exilée par les autorités koweïties après que l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) a soutenu l’invasion irakienne de ce pays du Golfe en 1990.
« Nous vous avons accueillis dans notre pays, et maintenant, vous en pillez les ressources ? », a-t-il poursuivi, avant d’ajouter que le peuple jordanien « accus[ait] » le roi Abdallah d’être responsable de la situation économique désastreuse à laquelle de nombreux Jordaniens sont confrontés aujourd’hui.
« Vous n’avez pas prononcé le moindre discours pour expliquer ce qui se passe. On vous accuse. Qui êtes-vous ? Nous ne savons pas qui vous êtes. Un jour, vous êtes en Jordanie et le lendemain, vous jouez à des jeux d’argent en Afrique du Sud ou à Las Vegas… Vous avez même appris à beaucoup de responsables à jouer. Nous avons vu le président du Parlement jouer, tout comme d’autres responsables », a affirmé al-Fayez.
Le roi Abdallah a nié par le passé toute participation à des jeux d’argent, une pratique illégale en Jordanie ; néanmoins, en 2011, son gouvernement aurait approuvé un projet, abandonné par la suite, portant sur la construction d’un casino sur le littoral de la mer Morte.
Al-Fayez a également précisé que la Jordanie avait liquidé des parts de ses ressources naturelles, notamment du phosphate, ainsi que le port d’Aqaba, l’unique port maritime du pays, qui borde la mer Rouge.
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« Existe-t-il un pays qui vend le seul port maritime qu’il possède ? », a-t-il poursuivi.
Al-Fayez est depuis longtemps un détracteur féroce du gouvernement jordanien et du roi Abdallah II. Il s’est exprimé avec véhémence lors des protestations du Printemps arabe qui ont eu lieu en 2011 en Jordanie.
Des milliers de Jordaniens protestent depuis le 30 mai contre un projet de loi visant à augmenter les impôts alors que le coût de la vie est déjà élevé.
Au cours de ces protestations, parmi les plus importantes de ces dernières années, de nombreux Jordaniens – médecins, journalistes ou encore banquiers, entre autres – ont exigé l’abandon de la loi sur l’impôt sur le revenu proposée plus tôt ce mois-ci.
Des manifestations ont eu lieu à Amman et dans des villes importantes telles qu’al-Salt, Zarka et Madaba. Les manifestations ont cessé dans la capitale lorsqu’un nouveau Premier ministre a été nommé la semaine dernière et a retiré le projet de loi fiscale.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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