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Yémen : les séparatistes ne déposeront pas les armes même en cas de trêve

Des séparatistes du Yémen du Sud ont déclaré à MEE qu’ils continueront à combattre les Houthis jusqu’à l’indépendance à l’égard du nord
Une femme yéménite avec son arme à Dar Saad, dans la périphérie de la ville portuaire d’Aden, le 22 avril 2015 (AFP)

AL MUKALLA, Yémen – Les séparatistes du Yémen du Sud promettent de continuer à combattre contre les forces houthies et leurs alliés même dans l’éventualité d’un arrêt des frappes aériennes menées par la coalition dirigée par les Saoudiens. 

« La résistance [armée] du sud n’arrêtera pas de combattre jusqu’à ce qu’elle ait chassé du sud tous les nouveaux et les anciens envahisseurs yéménites comme les Houthis et les forces du destitué Président [Saleh] », a déclaré à MEE Ali Haitham al-Ghouraib, un des dirigeants du mouvement du sud.

Cette promesse de continuer à combattre remet en question l’espoir d’une cessation imminente des violences dans ce pays très appauvri.

Les séparatistes ont engagé des batailles acharnées contre les forces des Houthis et contre l’ancien Président yéménite Ali Abdallah Saleh depuis que le groupe a avancé dans le rétif sud en mars pour renverser le déposé Président Abd Rabo Mansour Hadi. Leur action a incité l’Arabie saoudite, soutenue par une coalition d’Etats arabes, à lancer une campagne militaire au cours de laquelle au moins 3 200 bombes ont été larguées sur le sol yéménite depuis le 26 mars.

Mardi dernier, un porte-parole saoudien a annoncé l’arrêt de l’Opération « Tempête Décisive » et le début d’une nouvelle nommée « Restaurer l’espoir ». Cependant, malgré cette annonce, les frappes aériennes ont rapidement recommencé et elles sont en cours sur plusieurs sites, y compris à Sanaa, Aden et Taëz. Alors que les attaques continuent de faire les gros titres, les tensions en cours sur le terrain et la promesse des dirigeants du mouvement du sud – un terme vague pour indiquer les factions qui réclament l’indépendance de ce qui autrefois était appelé le Yémen du Sud – de continuer à combattre indépendamment des décisions de Riyad et de ses alliés, pourraient signifier que la paix n’est pas aussi proche qu’espérée.

Le Mouvement du Yémen du Sud

Le nord du Yémen, dominé par des tribus et devenu un Etat après l’effondrement de l’Empire ottoman en novembre 1918, et le sud du Yémen, dirigé par un régime marxiste et qui a gagné son indépendance en 1967 suite à une révolte locale contre 128 ans de domination britannique, ont été unifiés en 1990.

Cependant, après l’unification, des tensions ont éclaté entre clans dans les deux parties du pays, menant à une guerre civile de plusieurs mois en 1994 dans laquelle des milliers de personnes ont été tuées.

Une fois les hostilités terminées, des milliers d’officiers de l’armée et de fonctionnaires du sud qui avait été battu, ont été forcés à prendre leur retraite, engendrant de la rancœur pour l’avenir.

Dans les années suivantes, les rassemblements des sudistes insatisfaits ont pris de l’ampleur. Beaucoup d’eux se plaignaient du fait qu’ils avaient perdu au profit des nordistes, mieux connectés, qui avaient mis en place de manière systématique l’expropriation des terres.

Même si la population du sud ne représente qu’un cinquième des 22 millions de Yéménites, c’est là qu’est générée la plupart de la richesse du Yémen. Jusqu’à 80% de la production du pétrole se trouve dans le sud, alors que les riches pêcheries, le port et la raffinerie d’Aden constituent un pôle d’activité économique.

En 2007, le sentiment en faveur de la sécession du sud s’est ravivé lorsque des centaines d’officiers armés et de fonctionnaires frustrés par la richesse et le pouvoir des nordistes sont descendus dans les rues d’Aden. C’est à ce moment-là qu’est né le Mouvement du Sud, un terme vague pour indiquer les clans du sud qui ont combattu le régime de l’ancien président Saleh.

De la paix aux armes

Pendant des années, les séparatistes se sont tenus aux moyens pacifiques de résistance, malgré les cruelles mesures de répression du régime Saleh. Mais désormais les dirigeants du sud affirment que leur stratégie a changé.

« Nous sommes passés d’une résistance pacifique à une résistance armée et nous ne nous arrêterons pas jusqu’à ce que le sud soit libéré des nordistes », a raconté à MEE depuis Aden un autre dirigeant des séparatistes, Nasser al-Fadheli.

A la déception des séparatistes, le Président déposé Hadi, dans un discours télévisé retransmis mercredi de la capitale saoudienne où il s’est réfugié le mois dernier, a déclaré qu’il était déterminé à reconstruire un « nouveau Yémen » sur la base des résultats des pourparlers de transition qui ont approuvé la division du pays en six régions semi-autonomes en 2014. Hadi a également fait appel aux forces armées fragmentées du pays afin qu’elles soutiennent sa légitimité.

« Avec tout le respect dû à ceux qui ne cessent de parler de légitimité, nous aimerions dire que personne dans le sud ne lutte pour la légitimité [de Hadi]. Les gens ici luttent pour la libération et l’indépendance », a affirmé al-Fadheli. 

Les séparatistes du Yémen du Sud – connus sous le nom de Hirak – affirment que les opérations militaires en cours dans le sud ont rapproché les différents clans du mouvement après de longues années de  divergences entre les dirigeants qui se sont battus pour le pouvoir en 1986.

« Tous les clans du sud combattent ensemble contre les Houthis et les forces de Saleh », a expliqué al-Ghouraib.

Les deux derniers jours, les médias ont reporté que les Houthis ont exprimé leur accord à rejoindre les pourparlers de paix après l’arrêt des frappes aériennes sur le Yémen. Les séparatistes ont expliqué qu’ils n’ont qu’une seule condition pour participer aux négociations de paix : la reconnaissance de leur demande de réinstauration de leur Etat dans le sud du Yémen.

« Nous sommes prêt à participer à toute solution à condition que les résistances pacifiques et armées soient reconnues. Notre point de vue est que la résistance armée continuera tant que la question du sud ne sera pas incluse dans tout règlement futur », a déclaré al-Ghouraib.

Al-Fadheli a ajouté : « Les populations de la région ne bénéficieront pas de la paix et de la stabilité si les sudistes ne réalisent pas leur droit à l’indépendance et à la libération ».

Traduction de l'anglais (original) par Pietro Romano.

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