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Yémen, une nation détruite par l’agressivité de ben Salmane

Mohammed ben Salmane a mené l’Arabie saoudite à la guerre au Yémen. Selon des analystes, son ascension à la couronne signifie davantage de catastrophes
Des Yéménites fuient une attaque aérienne à Sanaa lors de la campagne lancée par MBS (AFP)

L’accès de Mohammed ben Salmane au statut de prince héritier d’Arabie saoudite pourrait avoir un effet dévastateur sur le Yémen, tandis que la guerre qu’il a dirigée perdure, selon des analystes.

En tant que vice-prince héritier, ben Salmane était en charge de mener la guerre de l’Arabie saoudite au Yémen, qui a sombré dans le chaos, tandis que les Yéménites souffrent de la destruction des services de base, de la famine et d’une épidémie mortelle de choléra.

Ben Salmane a mené une politique étrangère active et agressive qui ne dépend plus de l’Arabie saoudite en tant qu’acteur depuis les coulisses mais qui se trouve au contraire à l’avant-garde

- Baraa Shiban, militant pour les droits de l’homme yéménite

Selon les analystes, son ascension et la rétrogradation de Mohammed ben Nayef signifient que le conflit qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts – par les frappes aériennes, les combats, la malnutrition et plus récemment le choléra – se poursuivra sans relâche.

Le militant pour les droits de l’homme yéménite Baraa Shiban a déclaré à Middle East Eye que le nouveau prince héritier, également connu sous le nom de MBS, a contribué à la transformation de ce conflit civil en crise régionale.

« La différence principale entre ben Salmane et son prédécesseur, c’est que MBS a mené une politique étrangère active et agressive qui ne dépend plus de l’Arabie saoudite en tant qu’acteur depuis les coulisses mais qui se trouve au contraire à l’avant-garde », explique-t-il.

« La guerre aurait éclaté de toutes les façons, mais en l’absence de ben Salmane, l’Arabie saoudite aurait peut-être influencé la guerre au moyen de financements et par un soutien à certains groupes. »

« Ben Salmane a décidé de s’engager activement dans le conflit en lançant des bombardements aériens qui ont eu un effet dévastateur sur les civils et le niveau de destruction. »

Mohammed ben Salmane, l’architecte de la dévastation du Yémen (AFP)

Plus de 8 000 personnes ont été tuées depuis que la coalition menée par l’Arabie saoudite a lancé sa campagne militaire en mars 2015 contre les rebelles houthis alliés à l’Iran et qui contrôlent la capitale, Sanaa.

Suite au conflit, plus de dix-sept millions de personnes font face à de graves pénuries alimentaires – dont sept millions de personnes sont au bord de la famine dans le pays, qui dépend énormément de l’importation de nourriture.

Au même moment, depuis la fin avril, une épidémie de choléra a fait plus de 1 100 morts tandis que 167 000 Yéménites – un tiers d’entre eux étant des enfants – sont malades, selon les chiffres de l’ONU.

La régionalisation du conflit yéménite

Selon Shiban, la formation par ben Salmane d’une coalition menée par l’Arabie saoudite et se battant contre les rebelles houthis soutenus par l’Iran a donné une dimension régionale au conflit, qui a impliqué les pouvoirs régionaux.

« Ce n’était plus l’Arabie saoudite qui travaillait avec les chefs de tribus pour protéger ses frontières et ses alliés. C’est devenu une situation au sein de laquelle l’Arabie saoudite avait besoin de l’implication d’autres pays – principalement les Émirats arabes unis – pour avoir un rôle et une stratégie plus larges dans le conflit », analyse-t-il.

L’analyste du Yémen Nadwa al-Dawasi est d’accord : « Le problème principal avec l’implication de l’Arabie saoudite dans le conflit a été la régionalisation du conflit, sa transition de guerre civile en crise régionale. »

Pour Dawasi, une chercheure résidente au Project on Middle East Democracy, l’implication de l’Arabie saoudite et des EAU signifie que la crise actuelle du Golfe – au cours de laquelle l’Arabie saoudite, les EAU et l’Égypte ont mis fin à leurs relations diplomatiques avec le Qatar le 5 juin –  se jouera potentiellement sur le sol yéménite.

« Avec le Qatar désormais isolé, il est possible que le Yémen devienne le champ de bataille pour la crise du Golfe », souligne-t-elle.

Le parti Islah perd du soutien

Selon Shiban, la nomination de MBS en tant que prince héritier d’Arabie saoudite pourrait contrarier le parti Islah au Yémen, affilié aux Frères musulmans.

« Certains des alliés des Saoudiens comme le parti Islah pourraient se retrouver dans une position défavorable », estime-t-il.

« Certains des chefs de tribus normalement associés avec Islah qui auraient normalement reçu un soutien de la part des Saoudiens pourraient ne plus être dans cette situation. »

« La plupart des connections entre Islah et l’Arabie saoudite se faisaient via Nayef. On ne sait pas désormais comment cette relation sera pilotée sous MBS. »

« Mais en raison des rapports étroits entre [Mohammed] ben Zayed des Émirats arabes unis et MBS, cette relation prendra certainement fin. »

Selon Shiban, les médias émiratis ont « répété qu’il était temps d’écraser les Frères musulmans et le parti Islah au Yémen », depuis le début de la crise du Golfe et l’isolement du Qatar suite aux allégations selon lesquelles le pays abrite des groupes « terroristes » tels que le Hamas et les Frères musulmans.

Traduit de l’anglais (original). 

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