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Accords d’Abraham : le soutien populaire à la normalisation avec Israël s’effondre dans le Golfe

L’agressivité croissante d’Israël dans les territoires palestiniens occupés et les avantages limités des accords ont entraîné une baisse du soutien populaire à la normalisation dans les pays du Golfe
Les accords d’Abraham négociés par les États-Unis ont été signés par Bahreïn, Israël et les Émirats arabes unis à Washington en septembre 2020 (AFP)
Par MEE

Le soutien aux accords de normalisation controversés avec Israël a chuté parmi les États du Golfe selon des sondages d’opinion commandés par le Washington Institute, un groupe de réflexion basé aux États-Unis.

Les Émirats arabes unis (EAU), Bahreïn, le Maroc et le Soudan ont établi des liens officiels avec Israël dans le cadre des accords d’Abraham négociés par les États-Unis en 2020.

Selon les dernières enquêtes, seuls 27 % des répondants aux Émirats arabes unis et 20 % à Bahreïn considèrent les accords comme positifs pour la région.

En comparaison, en 2020, 47 % et 45 % des répondants des deux pays respectivement pensaient de même, au moment où les accords étaient présentés comme faisant partie d’un processus qui pourrait encourager Israël à travailler également sur son conflit avec les Palestiniens.

En Arabie saoudite, pays qui n’a pas normalisé ses relations avec Israël malgré les pressions de Washington, le soutien aux accords a également chuté de moitié, atteignant les 20 %.

Plus tôt cette année, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal ben Farhan, a déclaré que le royaume ne normaliserait pas ses relations avec Israël tant que les Palestiniens n’auraient pas obtenu le statut d’État.

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« La vraie normalisation et la vraie stabilité ne viendront qu’en donnant de l’espoir aux Palestiniens. En donnant aux Palestiniens leur dignité, et cela nécessite de donner aux Palestiniens un État », a-t-il affirmé en marge du Forum économique mondial de Davos, en Suisse.

Après la publication du rapport, Anna Jacobs, analyste spécialisée sur les États du Golfe au Crisis Group, a expliqué que trop souvent, l’opinion publique dans les pays du Golfe était sous-estimée en tant que facteur dans la prise de décision gouvernementale.

« L’opinion publique compte plus dans les calculs des dirigeants du Golfe que ne le pensent de nombreux observateurs », a-t-elle souligné, commentant les conclusions du sondage et tout rapprochement potentiel entre Israël et l’Arabie saoudite.

Limites des accords d’Abraham

Les accords de normalisation ont également révélé les limites des avantages potentiels dont les pays du Golfe s’attendaient à bénéficier, en particulier dans le cas des Émirats arabes unis.

Au moment de l’accord entre Israël et les Émirats, le texte aurait inclus une « clause secrète » permettant aux États-Unis de vendre des avions de combat F-35 à Abou Dabi.

La normalisation entre les deux pays devait ouvrir la voie à la vente d’avions de combat américains et de drones avancés au pays du Golfe.

Le prince héritier Mohammed ben Zayed, président des Émirats arabes unis, aurait insisté pour que la « vente d’armes à plusieurs milliards de dollars » fasse partie de l’accord, selon un rapport du média israélien Ynet citant des sources américaines et émiraties.

En décembre 2021, les Émirats arabes unis ont interrompu les pourparlers sur un ensemble d’armes de 23 milliards de dollars qui aurait inclus la vente de F35, de drones et de munitions après que l’administration Biden eut ajouté des exigences.

Selon certaines informations, les Américains voulaient que les Émirats arabes unis annulent l’utilisation de la technologie Huawei 5G de fabrication chinoise dans l’émirat, ce que ce dernier n’était pas prêt à faire.

Les politiques israéliennes dans les territoires palestiniens occupés ont également eu un impact sur les avantages politiques supposés des accords.

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Les raids israéliens réguliers en Cisjordanie au cours des deux dernières années ont entraîné une hausse des tensions dans la région alors que le gouvernement d’extrême droite du Premier ministre Benyamin Netanyahou cherche à exercer un plus grand contrôle sur les territoires occupés.

Les actions israéliennes ont également exposé les pays du Golfe à des critiques selon lesquelles, sur le front palestinien, ils n’avaient guère réussi à restreindre Israël.

Selon un décompte réalisé par Middle East Eye, au moins 208 Palestiniens ont été tués par des Israéliens en 2023, dont 36 mineurs – un taux de près d’un décès par jour.

Au total, 172 personnes sont mortes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, faisant de 2023 l’une des années les plus sanglantes dans les territoires palestiniens occupés. Trente-six autres personnes ont été tuées dans la bande de Gaza.

Au cours de la même période, des Palestiniens ont tué 27 Israéliens, dont 6 mineurs.

Toutefois, si le soutien aux accords plonge dans les États du Golfe, le commerce entre les deux parties est, lui, en hausse.

En 2022, le commerce bilatéral entre Israël et les Émirats arabes unis a atteint les 2,6 milliards de dollars, ce chiffre devant monter à 3 milliards de dollars cette année selon les données israéliennes.

Depuis la signature des accords, plus d’un million d’Israéliens se sont rendus aux Émirats arabes unis. Cette tendance est toutefois unilatérale, peu de touristes du Golfe cherchant à voyager dans l’autre sens.

Traduit de l’anglais (original).

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