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L’Algérie refuse un visa à la Prix Nobel de littérature Annie Ernaux

L’écrivaine, qui défend pourtant un cessez-le-feu dans la guerre israélo-palestinienne, tout comme Alger, aurait été déboutée en raison d’une tribune réclamant la libération du patron de presse Ihsane El Kadi
Le prix Nobel de littérature a été décerné à Annie Ernaux en 2022 pour « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle » (AFP/Anders Wiklund)
Le prix Nobel de littérature a été décerné à Annie Ernaux en 2022 pour « le courage et l’acuité clinique avec laquelle elle découvre les racines, les éloignements et les contraintes collectives de la mémoire personnelle » (AFP/Anders Wiklund)
Par MEE

La Prix Nobel de littérature 2022, Annie Ernaux, ne viendra pas en Algérie. L’écrivaine française, qui devait se rendre à la 26e édition du Salon international du livre d’Alger (SILA), a vu son visa d’entrée refusé, a révélé Le Monde mardi 24 octobre.

Si les autorités algériennes n’ont donné aucune explication, il se pourrait que ce rejet soit lié à une tribune publiée dans le quotidien, cosignée par Annie Ernaux, demandant la libération d’Ihsane El Kadi.

Le journaliste et patron de presse algérien a été condamné le 18 juin par la Cour d’appel d’Alger à une peine de sept ans de prison, dont cinq ans ferme. Il était poursuivi au titre de l’article 95 bis du code pénal visant « quiconque reçoit des fonds, un don ou un avantage […] pour accomplir ou inciter à accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’État, à la stabilité et au fonctionnement normal de ses institutions, à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale ». 

À l’époque, Reporters sans frontières (RSF) avait qualifié le verdict de « choquant » et « incompréhensible ».

Le 12 octobre, rejet des pourvois en cassation

Le 12 octobre, la Cour suprême a rejeté tous les pourvois en cassation introduits par la défense du patron de presse.

« Un coup dur », a commenté la famille du journaliste dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux.

« Malgré les multiples violations de la procédure pénale depuis l’arrestation d’Ihsane en décembre 2022 jusque’à son jugement en appel, il n’aura pas le droit à un troisième procès […] De même, en violation de l’article 54 de la Constitution algérienne, qui stipule que ‘’le délit de presse ne peut pas faire l’objet d’une peine privative de liberté’’, il ne sera pas rejugé [dans une affaire d’article d’opinion jugé par les autorités comme pouvant ‘’porter atteinte à l’unité nationale’’] », souligne le communiqué.

Algérie : peine alourdie en appel à sept ans de prison pour le patron de presse Ihsane El Kadi
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La famille y remercie aussi toutes les personnes qui se sont mobilisées pour la libération d’Ihsane El Kadi, dont Annie Ernaux.

Dans Le Monde, un universitaire s’exprimant sous le couvert de l’anonymat constate que « le régime algérien ne sait même pas reconnaître ses amis ».

Car si l’auteure des Années (2008) a signé une pétition pour dénoncer « l’acharnement sécuritaire et judiciaire que subissent Ihsane El Kadi et tous les prisonniers d’opinion en Algérie », elle en a signé une autre, le 22 octobre dans le quotidien L’Humanité, pour appeler à un « cessez-le-feu immédiat et inconditionnel à Gaza » avec 92 autres personnalités du monde de la culture.

Les signataires expliquent être « choqués par la perte de toutes ces vies, si précieuses », depuis le 7 octobre, et les « massacres » du Hamas en Israël, qui les « horrifient ». Ils condamnent les « crimes de guerre » du Hamas, comme ceux du gouvernement israélien, mais plaident pour la paix au nom de « notre humanité commune ».

Sur le sujet, l’écrivaine et les autorités algériennes sont sur la même longueur d’onde. Mardi 24 octobre, le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a appelé dans une allocution devant le Conseil de sécurité de l’ONU à « la cessation immédiate des frappes aléatoires sionistes sur la bande de Gaza et à la levée du blocus inique qui lui est imposé ». La délégation algérienne s’est retirée au moment où le représentant israélien a pris la parole.

Traduction : « Retrait de la délégation algérienne, conduite par le ministre des Affaires étrangères, de la séance sur la situation au Moyen-Orient et en Palestine après la prise de parole du représentant de l’entité sioniste. Le retrait de la délégation algérienne, conduite par Ahmed Attaf, a été suivi du retrait de plusieurs représentants de pays dans la salle de réunion du Conseil de sécurité. Le retrait de la délégation intervient après le discours musclé prononcé par le ministre des Affaires étrangères. »

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