Aller au contenu principal

Algérie : peine alourdie en appel à sept ans de prison pour le patron de presse Ihsane El Kadi

En première instance, le journaliste âgé de 63 ans, poursuivi pour « financement étranger de son entreprise », avait été condamné à cinq ans de prison, dont trois ans ferme
« Ni le juge d’instruction, ni le juge du tribunal n’ont examiné les preuves à décharge apportées par la défense », a dénoncé son avocate Zoubida Assoul (Twitter)
« Ni le juge d’instruction ni le juge du tribunal n’ont examiné les preuves à décharge apportées par la défense », a dénoncé son avocate Zoubida Assoul (Twitter)
Par MEE

La Cour d’appel d’Alger a alourdi dimanche 18 juin une peine infligée au patron de presse algérien Ihsane El Kadi, en le condamnant à sept ans de prison, dont cinq ans ferme, a annoncé le représentant pour l’Afrique du Nord de Reporters sans frontières (RSF), Khaled Drareni.

Officiellement, Ihsane El Kadi était poursuivi au titre de l’article 95 bis du code pénal qui prévoit une peine de cinq à sept ans de prison pour « quiconque reçoit des fonds, un don ou un avantage… pour accomplir ou inciter à accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’État, à la stabilité et au fonctionnement normal de ses institutions, à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale ». 

En première instance, il avait écopé le 2 avril de cinq ans de prison dont trois ans ferme.

« Un verdict choquant et incompréhensible », a écrit sur Twitter le représentant de RSF, Khaled Drareni, en annonçant la décision judiciaire en appel.

Un « acharnement », « le verdict de la honte », a aussi dénoncé le Comité national pour la libération des détenus.

Lors du procès en appel tenu le 4 juin, le procureur général avait requis la confirmation de la condamnation en première instance du patron de presse. Le tribunal avait également prononcé la dissolution de la société Interface Médias, qui regroupe deux médias, Radio M et le site d’information Maghreb Emergent.

La justice avait enfin prononcé la confiscation de tous ses biens saisis en plus des amendes contre lui et ses entreprises.

« Politique par excellence »

Ihsane El Kadi, 63 ans, dirigeant d’un des derniers groupes de presse privés et indépendants d’Algérie, avait été arrêté, la nuit du 24 décembre, à son domicile, et placé en détention préventive après cinq jours de garde à vue. 

Son arrestation a suscité une vague de solidarité parmi ses collègues et les militants des droits humains en Algérie et en Europe.

« Le procès d’Ihsane El Kadi en tant que journaliste est politique par excellence », explique Zoubida Assoul, son avocate, à RSF. « La confusion entretenue depuis le début de cette affaire entre la personne physique, Ihsane El Kadi, et l’entreprise Interface Médias, démontre une volonté délibérée de faire taire le journaliste. »

Une résolution du Parlement européen sur la liberté de la presse provoque la colère d’Alger
Lire

« Son arrestation est survenue quelques jours après des écrits sur la politique algérienne, notamment un article sur la prochaine présidentielle ainsi qu’un tweet contestant des chiffres avancés par les autorités. S’en est suivie la constitution, a posteriori, d’un semblant de dossier d’accusation », explique RSF.

« Ni le juge d’instruction ni le juge du tribunal n’ont examiné les preuves à décharge apportées par la défense », a dénoncé son avocate.

Dans une pétition diffusée en avril 2018 pour demander la libération d’Ihsane El Kadi, Amnesty International écrivait : « Sa condamnation constitue une violation flagrante de son droit à la liberté d’expression et la dernière illustration en date de l’emprise croissante exercée par les autorités algériennes sur les voix critiques et les médias indépendants. Ce journaliste doit être libéré immédiatement et sans condition, et sa déclaration de culpabilité doit être annulée. »

Dans une résolution adoptée le 11 mai par 536 voix pour, 4 contre et 18 abstentions, les eurodéputés avaient appelé à la « libération immédiate et inconditionnelle » du patron de presse et appelé les autorités algériennes à respecter la liberté des médias.

Le Parlement algérien avait réagi à cette prise de position, la qualifiant d’« ingérence flagrante dans les affaires d’un pays souverain ». Il avait exprimé son « rejet catégorique » du texte « rempli de terribles contre-vérités » voté par les eurodéputés.

Il avait aussi accusé le Parlement européen d’adopter une politique de « deux poids, deux mesures en défendant les droits humains dans certains pays et en les passant sous silence dans d’autres », lui reprochant notamment de « fermer les yeux sur l’agression dont est victime le peuple palestinien » de la part d’Israël.

Middle East Eye propose une couverture et une analyse indépendantes et incomparables du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et d’autres régions du monde. Pour en savoir plus sur la reprise de ce contenu et les frais qui s’appliquent, veuillez remplir ce formulaire [en anglais]. Pour en savoir plus sur MEE, cliquez ici [en anglais].