L’activiste saoudienne Loujain al-Hathloul devrait être libérée d’après sa sœur
Après plus de mille jours en détention pendant lesquels elle a été torturée et s’est mise en grève de la faim, l’activiste saoudienne pour les droits des femmes Loujain al-Hathloul devrait être libérée jeudi, a révélé sa sœur dans un tweet ce lundi.
Un tribunal saoudien a condamné Loujain al-Hathloul à près de six ans de prison fin 2020, au motif qu’elle avait contacté des organisations étrangères dans le cadre de son travail pour les droits de l’homme. Étant donné le temps passé en détention provisoire et la suspension d’une partie de sa condamnation par le tribunal, elle devait être libérée en mars.
« Aujourd’hui, j’ai jeté un œil à mon travail hebdomadaire et regardé mon agenda. J’étais tellement excitée que j’ai annulé toutes mes réunions le jeudi 11 février et pris ma journée », a écrit Alia.
« D’après l’ordonnance du juge, elle va être libérée ce jeudi. »
Sa libération anticipée interviendrait quelques semaines après la prise de fonction de l’administration du président américain Joe Biden, qui s’est engagé à « réévaluer » les relations avec Riyad et à donner la priorité aux droits de l’homme dans ses rapports avec le royaume.
Lors d’une conversation téléphonique avec le ministre saoudien des Affaires étrangères Fayçal ben Farhan la semaine dernière, le secrétaire d’État américain Tony Blinken a souligné « plusieurs priorités clés de la nouvelle administration, notamment les droits de l’homme et la fin de la guerre au Yémen », selon un communiqué du département d’État.
Mille jours
La défenseure des droits des femmes s’était engagée dans des campagnes publiques pour permettre aux femmes de conduire.
Sous l’impulsion du prince héritier Mohammed ben Salmane, le royaume a levé l’interdiction pour les femmes de conduire mais a arrêté Hathloul et d’autres femmes qui avaient fait pression pour obtenir ce droit.
Loujain al-Hathloul a d’abord été kidnappée en 2018 aux Émirats arabes unis, où elle vivait, puis conduite en Arabie saoudite contre son gré. Là, elle a été traduite en justice sur la base d’une loi antiterroriste à la formulation vague qui est souvent utilisée pour poursuivre les activistes.
Elle n’a pas tardé à devenir une icône internationale, symbole de la répression s’abattant sur les libertés politiques et individuelles en Arabie saoudite.
En 2019, Loujain al-Hathloul et ses camarades activistes détenues Nouf Abdulaziz et Eman al-Nafjan ont reçu le PEN/Barbey Freedom to Write Award, prix accordé aux éminents défenseurs de la liberté d’expression.
Selon des organisations de défense des droits de l’homme et des membres de sa famille, Loujain al-Hathloul a été harcelée sexuellement et a été torturée avec l’implication directe de Saoud al-Qahtani, un proche conseiller de ben Salmane.
Ce lundi, Hathloul a passé le cap des mille jours en prison. Les ONG de défense des droits de l’homme et les activistes pour les droits des femmes ont rendu hommage à l’activiste emprisonnée tout au long de la journée.
« Aujourd’hui, cela fait mille jours que l’activiste et écrivaine saoudienne Loujain al-Hathloul est en prison pour son travail de défense des droits des femmes », a tweeté Pen America.
« Elle purge actuellement une peine de prison de près de six ans. Nous devons continuer les appels pour la libération inconditionnelle de Loujain et la défense de la liberté d’écrire. »
L’approche de Biden
L’administration Biden, qui n’avait pas encore pris ses fonctions, avait critiqué la sentence prononcée contre Hathloul en décembre.
« La condamnation de Loujain al-Hathloul par l’Arabie saoudite pour le simple fait d’avoir exercé ses droits universels est injuste et perturbant », avait alors déclaré le conseiller à la sécurité nationale Jack Sullivan.
« Comme nous l’avons indiqué, l’administration Biden-Harris s’opposera aux atteintes aux droits de l’homme qu’importe où elles se produisent. »
Les responsables saoudiens ont quant à eux fait valoir que les affaires impliquant Hathloul et les autres activistes étaient judiciaires et non politiques.
« Elles ne sont pas détenues en raison de leur activité pour les droits de l’homme ou pour leurs activités liées à l’émancipation des femmes. Elles sont accusées de crimes sérieux en vertu de nos lois et tout le monde est égal devant la loi dans le royaume d’Arabie saoudite », avait déclaré Fayçal ben Farhan, le ministre des Affaires étrangères, interrogé à propos de Hathloul et d’autres activistes pour les droits des femmes en octobre dernier.
Seth Binder, responsable du plaidoyer pour Project on Middle East Democracy (POMED), a déclaré à MEE que l’approche de l’administration Biden vis-à-vis des droits de l’homme dans le royaume constituait « un changement radical » par rapport à celle de son prédécesseur Donald Trump.
Binder a déclaré que la libération attendue de Hathloul était un développement « super et positif ». « Mais à moins que sa libération ne soit inconditionnelle, et qu’elle ne soit pas interdite de voyage ou que toute autre mesure ne vienne restreindre ses libertés, ce n’est qu’une victoire partielle et ce n’est pas terminé. »
Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de Democracy for the Arab World Now (DAWN), estime que la nouvelle de la libération attendue de Loujain al-Hathloul montre que l’administration de l’ancien président Donald Trump, notamment l’ex-secrétaire d’État Mike Pompeo et son proche conseiller Jared Kushner, n’a pas suffisamment fait pression pour obtenir la libération de l’activiste.
Whitson a également prévenu que la libération de Hathloul ne pouvait être perçue comme un signe de réforme dans le royaume, car de nombreux autres dissidents sont toujours en prison.
« C’est une super nouvelle et une preuve manifeste que l’activisme acharné fonctionne. De nombreux activistes politiques #saoudiens demeurent emprisonnés et nous n’aurons de cesse qu’une fois le tout dernier libéré », a-t-elle écrit sur Twitter.
Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.
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