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Les fenêtres traditionnelles du Maghreb et du Moyen-Orient, des siècles d’héritage culturel

Avant l’avènement des climatiseurs, des efforts considérables étaient déployés pour concevoir des encadrements capables de laisser entrer l’air frais
La qamariya, constituées de pierre et de vitraux, est visible aux quatre coins du Yémen, en particulier dans la vieille ville de Sanaa (AFP/Ahmad al-Basha)
La qamariya, constituées de pierre et de vitraux, est visible aux quatre coins du Yémen, en particulier dans la vieille ville de Sanaa (AFP/Ahmad al-Basha)

Les fenêtres et leurs encadrements sont souvent des éléments architecturaux négligés, la priorité étant souvent accordée à la vue qu’elles offrent.

Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, cependant, l’étude des encadrements de fenêtres peut être une expérience enrichissante si l’on prend le temps de s’y intéresser. Chaque pays de la région adopte un style architectural unique qui renferme des siècles d’héritage artistique.

Ces formes ont une visée à la fois esthétique et pratique : avant l’avènement des climatiseurs, des efforts considérables étaient déployés pour concevoir des encadrements capables de laisser entrer autant d’air frais que possible tout en empêchant les nuisances telles que la poussière, les insectes et le sable de s’inviter dans les bâtiments.

MEE explore les formes et styles de fenêtres caractéristiques de la région MENA (illustration/MEE)
MEE explore les formes et styles de fenêtres caractéristiques du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (illustration/MEE)

Pour les propriétaires et les concepteurs, les encadrements servaient également à embellir les habitations : certains modèles nécessitaient des semaines voire des mois de travail, en fonction de leur complexité.

Middle East Eye s’intéresse ici à cinq styles remarquables d’encadrements à travers la région :

1. Rawashin (Arabie saoudite)

Ces longues fenêtres en bois sont un trait architectural caractéristique de la ville saoudienne de Djeddah, au bord de la mer Rouge.

Généralement rencontrées dans les quartiers anciens qui ont été épargnés par les formes tape-à-l’œil mais sans caractère associées aux quartiers rénovés, ces fenêtres sont le reflet de plusieurs siècles d’influences arabes, persanes et ottomanes.

Les encadrements en saillie comportent des ouvertures qui permettent à l’air frais de pénétrer dans la maison tout en la coupant de l’extérieur, ce qui permet aux occupants de profiter d’un certain degré d’intimité lorsqu’ils le souhaitent.

Les encadrements appelés rawashin comportent généralement des arabesques composées de formes et de motifs géométriques. D’autres comprennent divers motifs tels que des fleurs, des plantes et des fruits.

Une maison délabrée en Arabie saoudite met en lumière le style d’encadrement appelé rawashin (Reuters)
Une maison délabrée en Arabie saoudite met en lumière le style d’encadrement appelé rawashin (Reuters)

Les ouvertures dans le bois permettent à la lumière du soleil d’éclairer l’intérieur d’une pièce sans laisser entrer trop de chaleur dans la maison.

Selon certains historiens, le terme rawashin est la forme plurielle arabisée du mot persan roshan signifiant « lumière ».

Outre la longue histoire d’interaction culturelle entre Arabes et Perses, Djeddah et la région saoudienne du Hedjaz (région ouest) constituaient un point de transit pour les pèlerins du monde musulman qui se rendaient à La Mecque pour accomplir les pèlerinages de l’oumra et du hadj. 

Il est donc possible qu’à l’instar de nombreuses autres traditions du Hedjaz, cette forme architecturale ait été introduite dans la région par des visiteurs ou des migrants. D’autres sources font état d’une origine indienne ou est-africaine.

Selon les historiens, ce style est apparu à Djeddah au cours de la période abbasside mais s’est généralisé à l’époque ottomane. 

Si aujourd’hui, ces encadrements ne sont plus couramment intégrés aux nouveaux bâtiments, ceux qui subsistent sont considérés comme des éléments essentiels du patrimoine culturel de la région.

On retrouve des fenêtres modernes inspirées des rawashin dans des bâtiments gouvernementaux et certains grands hôtels de la ville.

2. Sheesh (Égypte)

En Égypte, les encadrements en bois en disent long sur le climat du pays : des panneaux extérieurs semblables à des stores recouvrent la vitre et l’on retrouve parfois un treillis métallique qui barre le passage aux moustiques et aux mouches.

Comme les rawashin, ces panneaux comportent des interstices qui laissent passer les brises fraîches, une caractéristique essentielle dans un pays où les températures peuvent avoisiner les 40 °C au début de l’été.

L’imam d’une mosquée locale se tient derrière une fenêtre ouverte de style sheesh (AFP)
L’imam d’une mosquée locale se tient derrière une fenêtre ouverte de style sheesh (AFP)

Pour protéger l’intimité des occupants, les fenêtres sont conçues de manière à ce que chaque fente soit orientée à un angle de 45 degrés vers le bas, ce qui signifie que les personnes à l’intérieur peuvent voir dehors, mais pas l’inverse. 

Fabriqués à partir d’un matériau en bois robuste afin de pouvoir résister à des températures élevées, ces panneaux sont généralement peints, ce qui leur donne une finition brillante et colorée.

Si le marron et le vert foncé sont des couleurs populaires, les encadrements doivent être fréquemment repeints puisque la couleur peut s’estomper et s’écailler sous l’effet de la chaleur.

Aujourd’hui encore, ce style d’encadrement demeure populaire dans tout le pays, car il est bon marché et facile à produire.

3. Moucharabieh (Égypte)

En Égypte, les fenêtres à moucharabieh ont d’abord été utilisées dans les églises coptes du pays à partir du Moyen-Âge avant de se répandre dans d’autres formes d’architecture.

Moucharabieh vient de l’arabe et signifie « lieu pour boire » : son association avec ces fenêtres pourrait être liée au fait qu’elles offraient un endroit aéré et ombragé où l’on pouvait laisser l’eau refroidir. 

Riches en gravures et en détails, ces encadrements servent de cadre extérieur pour des vitres et comportent généralement un treillis complexe.

Comme d’autres encadrements présentés ici, ils sont dotés d’ouvertures plus petites vers le bas et plus grandes vers le haut, un système qui crée un courant d’air et agit comme un climatiseur.

Fenêtre à moucharabieh vue de l’intérieur au Caire (Wikimedia Commons)
Fenêtre à moucharabieh vue de l’intérieur au Caire (Wikimedia Commons)

Les styles de moucharabieh diffèrent d’une région à l’autre en Égypte : beaucoup comportent des vitraux, tandis que d’autres présentent une conception plus ouverte et sans vitrage. 

Traditionnellement utilisés dans les palais et les maisons, ils ont été intégrés au fil du temps à des bâtiments publics tels que des hôpitaux et des écoles. 

4. Qamariya (Yémen)

Ces fenêtres constituées de pierre et de vitraux sont visibles aux quatre coins du Yémen, mais en particulier dans la vieille ville de Sanaa.

Lorsque le soleil brille à travers ces vitraux colorés, une magnifique palette de couleurs se répand dans la pièce.

La qamariya, dérivée du mot arabe signifiant « lune », tire son nom de la forme en demi-cercle qui coiffe l’encadrement. L’espace est rempli d’ouvertures décoratives, généralement constituées de gypse et remplies de verre coloré, formant à chaque fois un motif différent.

Ces fenêtres sont fabriquées à la main par des artisans qui exercent ce métier depuis toujours, souvent issus de familles qui fabriquent des fenêtres depuis des générations.

Ces ornements de fenêtres en demi-cercle sont appelés qamariya (Reuters)
Ces ornements de fenêtres en demi-cercle sont appelés qamariya (Reuters)

De nombreuses fenêtres présentent également des motifs géométriques ainsi que des ornements d’inspiration islamique, notamment des motifs tels que des croissants et des étoiles. Certaines proposent des images de plantes et de fleurs, telles que des fleurs de lotus, du jasmin ou des tulipes. 

Traditionnellement, les fenêtres à qamariya se trouvent au dernier étage des maisons yéménites, dans une pièce appelée mafraj ou diwan.

C’est dans ces pièces décorées que l’on se réunit généralement en famille ou entre amis.

5. Kairouan (Tunisie)

La Tunisie est célèbre pour ses encadrements bleus qui se distinguent des murs blancs des bâtiments, comme on en rencontre couramment dans le village de Sidi Bou Saïd

La légende locale veut que cette palette de couleurs soit l’œuvre d’un baron français arrivé dans le pays à l’époque coloniale, qui aurait repris les nuances de bleu du ciel et de la mer pour peindre les maisons blanchies. 

La Tunisie est célèbre pour ses fenêtres bleues qui se distinguent des murs (Facebook/@nadhimbenyedderphotos)
La Tunisie est célèbre pour ses fenêtres bleues qui se distinguent des murs (Facebook/@nadhimbenyedderphotos)

Les volets en bois, peints en bleu, sont protégés en bas par des grilles en fer et comportent de petites fentes qui permettent à l’air frais d’entrer.

Si le style des fenêtres est traditionnellement uniforme dans la majorité des bâtiments, les encadrements plus larges permettent aux artisans d’être plus inventifs et d’expérimenter davantage, et présentent donc souvent d’autres motifs. 

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

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