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Les États-Unis approuvent la vente de lance-roquettes HIMARS au Maroc pour 524 millions de dollars

La vente proposée intervient alors que Rabat nie avoir envoyé des chars de l’ère soviétique en Ukraine et que les sociétés énergétiques américaines continuent de conclure des accords avec l’Algérie rivale
Un lanceur HIMARS dans la région d’Agadir, dans le sud du Maroc, lors d’un exercice militaire, le 21 juin 2022 (AFP)
Un lanceur HIMARS dans la région d’Agadir, dans le sud du Maroc, lors d’un exercice militaire, le 21 juin 2022 (AFP)
Par MEE

L’administration Biden a approuvé mardi la vente potentielle, pour 524 millions de dollars, de dix-huit systèmes d’artillerie mobile HIMARS au Maroc, un allié nord-africain clé et un partenaire militaire dans la région instable du Sahel.

Le département d’État américain a notifié mardi au Congrès la proposition, qui comprend la vente de systèmes de missiles tactiques et de systèmes de fusées à lancement multiple guidé (GMLRS).

Dans un communiqué séparé, le ministère de la Défense a approuvé une vente de 250 millions de dollars de bombes air-sol à guidage de précision à Rabat.

Traduction : « Dans le cadre du renforcement des capacités de dissuasion des Forces armées royales [FAR], le Maroc recevra 18 lance-roquettes HIMARS équipés de plusieurs types de missiles, dont des missiles ATACMS, d’une portée de 300 km, dans le cadre d’un contrat de 524 millions de dollars annoncé par le Pentagone. »

Le Maroc est un allié majeur non membre de l’OTAN et un partenaire proche de Washington dans les opérations de lutte contre le terrorisme. Il participe à plus de 100 exercices militaires avec les États-Unis chaque année. Avec la Tunisie et le Sénégal, il co-organise African Lion – le plus grand exercice militaire en Afrique.

Si les ventes sont approuvées, le Maroc serait le premier pays d’Afrique du Nord à obtenir des HIMARS, ou High Mobile Artillery Rocket Systems, qui sont montés sur un véhicule à six roues et exploités par un équipage de trois personnes. Les fusées guidées lancées par HIMARS sont utilisées pour des frappes de précision à moyenne portée jusqu’à 70 km.

Intérêt croissant pour les HIMARS

Le projet de vente de systèmes de missiles tactiques à longue portée au Maroc est notable car Washington a exclu de les envoyer à Kyiv de peur que cela n’intensifie la guerre en Ukraine.

L’intérêt pour le système de lancement de fusées s’est accru en raison de son utilisation efficace par les forces ukrainiennes contre la Russie.

Les HIMARS sont très mobiles, permettant à de petites équipes de lancer des missiles et de se disperser rapidement avant d’être repérées par l’ennemi. Ils peuvent également être facilement chargés et déchargés sur des avions cargo C-130 que le Maroc possède.

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Lockheed Martin, l’entrepreneur de défense américain qui fabrique HIMARS, a déclaré en février qu’il augmentait la production de l’unité dans un contexte d’intérêt croissant. Dans le monde arabe, seuls la Jordanie et les Émirats arabes unis comptent actuellement les HIMARS dans leur arsenal.

Le Maroc bénéficie généralement d’un large soutien bipartite au Congrès, qui doit approuver l’accord, ce qui rend la vente probable. Le sénateur républicain Jim Inhofe, l’un des critiques les plus féroces de Rabat sur sa politique au Sahara occidental, a pris sa retraite cette année.

Le Maroc a annexé le territoire en 1975 après la fin de la domination coloniale espagnole. Depuis lors, il est engagé dans des combats sporadiques avec le Front Polisario, un mouvement indépendantiste qui a établi la République arabe sahraouie démocratique autoproclamée en 1973.

Environ 175 000 réfugiés sahraouis vivent dans des camps de l’autre côté de la frontière algérienne. Rabat accuse son voisin, et grand rival, d’armer les Sahraouis, une accusation démentie par l’Algérie.

Mariages à Marrakech et engrais

Les États-Unis ont reconnu la souveraineté du Maroc sur le territoire contesté en 2020 en échange de la normalisation par Rabat des relations avec Israël. L’administration Biden a subi des pressions pour revenir sur la décision de l’administration Trump, mais a déclaré qu’il n’y aurait « aucun changement » dans la position américaine.

En janvier, des informations ont révélé que le Maroc avait envoyé des chars T-72 de l’ère soviétique en Ukraine. Rabat a nié cette affirmation, affirmant que cette aide avait été envoyée à l’Ukraine depuis la République tchèque sans son autorisation.

Le Maroc a tenté de trouver un équilibre entre son allié américain et Moscou.

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Comme d’autres États arabes, le Maroc dépend des céréales de Russie et d’Ukraine. Les Russes fortunés sont aussi des clients incontournables des boîtes de nuit de Marrakech. Le président Vladimir Poutine aurait célébré le mariage de sa fille en 2012 au fastueux et célèbre hôtel La Mamounia.

Mais le Maroc a également tiré certains avantages de la guerre. Les bénéfices du producteur d’engrais public OCP Group ont bondi de 272 % après que les combats ont perturbé les marchés mondiaux des engrais.

En juin, le roi Mohammed VI a envoyé à Poutine une lettre célébrant les relations entre leurs pays. Quatre mois plus tard, le ministère de l’Énergie a conclu un accord sur l’énergie nucléaire avec Rosatom, une société d’État russe qui a soutenu l’effort de guerre de la Russie.

La vente proposée intervient alors que l’Occident cherche à faire des percées avec l’Algérie, le grand rival du Maroc. Selon le Wall Street Journal, le géant pétrolier Chevron cherche à signer un contrat d’exploration énergétique avec Alger.

Le Maroc et l’Algérie sont engagés dans une course aux armements depuis des décennies. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune devrait se rendre à Moscou le mois prochain.

Le Département de la Défense américain a déclaré que ces ventes  « ne modifieront pas l’équilibre militaire dans la région », ajoutant que les systèmes « amélioreront la capacité du Maroc à faire face aux menaces actuelles et futures et contribueront à la capacité du Maroc à détecter les menaces et à contrôler ses frontières, contribuant au maintien de la stabilité et de la sécurité régionales ».

Traduit de l’anglais (original).

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